Les concombres bien calibrés, c’est pour votre bien !

On entend souvent que l’UE réglemente la moindre petite chose, de la forme des fruits et légumes à la taille des oeufs en chocolat. Mais est-ce vraiment inutile ? Dans sa série sur les “Euromythes”, De Groene Amsterdammer examine la question.

Publié le 1 août 2012 à 10:46

Des dispositions idiotes qui compliquent inutilement la vie des entrepreneurs. On s’en plaint tellement que la Commission européenne a créé un site Internet spécifique en vue de battre en brèche près de soixante-dix “euromythes”, provenant généralement de journaux britanniques. Les exemples ne manquent pas. Quelle peut être la longueur d’une échelle pour peintres? Quelle doit être la taille d’un œuf surprise Kinder ? Quelle doit être la courbe d’une banane ? Est-ce que Bruxelles doit règlementer tout cela ?

Si l’on veut avoir un marché intérieur libre, la réponse est oui. Le juriste Ramses Wessel dit que c’est ironique mais que “plus on veut rendre le marché libre, plus il faut de règles”. C’est certes paradoxal, estime également le politologue Hendrik Vos, mais “si l’UE régule des choses qui semblent à première vue des chicaneries, c’est qu’il y a une raison à cela”.

Prenons l’œuf surprise qui doit répondre à des exigences très spécifiques : le volume de l’œuf, à l’intérieur, est déterminé et les moitiés doivent être rattachées par une petite charnière. Pourquoi ? Car selon Vos : “Il y a quelques années, dans l’un des Etats-membres, un bébé s’est asphyxié avec une surprise de ce genre. Des voix se sont alors élevées pour les interdire, alors que d’autres pays ne le voulaient pas. Sur un marché européen unique, cela pose un problème.”

Tous les produits doivent répondre aux mêmes conditions, sinon il y a concurrence déloyale. Cela va loin en particulier en matière d’agriculture. Pour chaque produit il est décrit comment il doit être cultivé : cela va de l’épandage d’engrais à la manière de concevoir un bon concombre (il faut que la courbe ne soit pas trop prononcée).

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Pim van Ballekom, qui en tant qu’ancien chef de cabinet de Frits Bolkestein a été responsable pendant des années de ce genre de petites règles, avoue qu’elles semblent souvent idiotes au premier abord, mais qu’elles sont quand même vraiment nécessaires pour combattre le protectionnisme des Etats-membres.

Ainsi, Bruxelles fixe des normes pour les palettes de chauffe-eaux. Van Ballekom: “Au début je me suis dit : c’est absurde. Mais sans ces règles, on autorise les pays à fermer leur marché. L’Italie exigerait alors qu’on ne puisse vendre que des chauffe-eaux avec une palette italienne.” Les règles maintiennent le marché ouvert, et d’après Nico Groenendijk, professeur de gouvernance économique européenne, elles profitent en fin de compte au consommateur.

Pour le spécialiste en administration publique Bernard Steunenberg : “On peut évidemment toujours dénicher une directive ou une disposition de directive très bizarre, mais ce sont des cas uniques. C’est un peu chercher la petite bête.” Le fait qu’il existe énormément de règles n’est certainement pas un mythe. Ainsi, les trente dernières années, le nombre de décisions européennes est passé de 1 300 à plus de 17 000, et le nombre de directives actives a été multiplié par trois. Par contre, dire qu’elles sont en majeure partie absurdes, c’est bien une fable.

Lire le septième Euromythe : “Bruxelles ne fait pas toute la loi”.

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