Idées COP19 à Varsovie
“Sommet sur le climat”

Sale temps pour le climat

Alors que la conférence des Nations unies sur le changement climatique a lieu à Varsovie, il n’existe guère d’espoir de surmonter les blocages actuels sur les réformes qui permettraient de réduire sensiblement la cadence du réchauffement climatique. Un éditorialiste de Polityka explique pourquoi.

Publié le 15 novembre 2013 à 12:10
“Sommet sur le climat”

Le climat change, les températures mondiales grimpent et le principal coupable est l’homme qui, depuis le début de la révolution industrielle, rejette de plus en plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Le dioxyde de carbone dégagé par les combustibles fossiles, les émissions de méthane issues de l’industrie de la viande, les oxydes d’azote, les hydrofluorocarbures servant de réfrigérants – tous contribuent à l’effet de serre en retenant la chaleur que la Terre reçoit du soleil. L’effet de serre stabilise les températures dans une fourchette optimale pour la vie organique. Sans lui, la vie sur Terre serait impossible.
Le problème, c’est que l’homme a déréglé le thermostat de la planète et que l’écosystème n’a plus la capacité d’absorber l’excès de dioxyde de carbone, d’où le phénomène de réchauffement climatique auquel nous assistons aujourd’hui. Publié en septembre, le rapport cyclique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui synthétise l’état actuel des connaissances sur le réchauffement, ne laisse pas de place au doute. Les températures mondiales ont grimpé de 0,89° C depuis le début du XXème siècle.

Ça chauffe

D’où la signature, dès 1992, au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), dont le principal objectif était de réduire les émissions de gaz à effet de serre. La Convention a débouché sur ce qui passait alors pour une avancée spectaculaire : la signature, en 1997, du Protocole de Kyoto, qui obligeait les pays développés à réduire leurs émissions de dioxyde de carbone par rapport aux niveaux d’émissions de 1990, le taux fixé pour l’UE étant de 8 %. Le Protocole est entré en vigueur en 2008 pour se clore en 2012, et même les personnes favorables à l’idée reconnaissent que c’est un échec. Les émissions de gaz à effet de serre sont en hausse – de même que les températures mondiales.
L’explication est simple : le monde a beaucoup changé au cours des vingt années qui ont suivi le sommet de Rio. L'économie chinoise a connu une croissance mirobolante, qui s’est accompagnée d’une augmentation exponentielle de sa consommation énergétique, le gros de cette énergie découlant de la combustion de charbon, de pétrole et de gaz, ce qui fait aujourd’hui de la Chine le premier émetteur de dioxyde de carbone de la planète. Le hic, c’est que la Chine – en tant que pays en développement – n’est pas signataire du Protocole de Kyoto, ni certains des pays qui affichent des taux de croissance records, tels l’Inde, le Brésil, l’Indonésie ou le Vietnam. Sans obligation de réduire leurs émissions, ils sont devenus des destinations toutes trouvées pour délocaliser les activités industrielles des pays développés.

Une ardoise de plusieurs millions

La Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne se sont enorgueillies d’avoir "dépollué" leurs économies, en oubliant de dire que le "sale" boulot était désormais fait pour eux dans les pays en développement, dont les émissions de gaz à effet de serre sont supérieures aux réductions d’émissions en Europe. Aujourd’hui, tout le monde ou presque s’accorde à dire que la seule solution raisonnable serait un accord entériné par tous les signataires de la CCNUCC, soit 194 pays au total. Cet accord devait entrer en vigueur en 2013 après l’expiration du Protocole de Kyoto.
Le scénario optimiste voulait que la Conférence de Copenhague de 2009 sur le changement climatique (COP15) marque le début d’une nouvelle ère où une Union européenne écologique et ambitieuse s’afficherait en leader mondial de la lutte contre le réchauffement, entraînant dans son sillage le reste du monde. Un nouvel accord international devait y être signé et devenir juridiquement contraignant en 2013. Mais, entretemps, la crise financière de 2008 a éclaté, mettant au jour les faiblesses des économies occidentales et affaiblissant la position internationale des dirigeants américains et européens.
Devant le fiasco du sommet de Copenhague, le Protocole de Kyoto fut étendu jusqu’en 2020 et n’est plus aujourd’hui que l’ombre de lui-même, n’incitant personne à l’action.
La Conférence de Varsovie, qui est officiellement la 19ème session annuelle de la Conférence des Parties (COP19) à la CCNUCC de 1992, doit initier pour de bon une nouvelle ère dans la lutte contre le réchauffement. Réunis au Stade national de Varsovie, plus de 10 000 participants des quatre coins du monde ont commencé à plancher sur un accord qui doit être entériné en 2015 à Paris. L’organisation de cet événement aura coûté la bagatelle de 25 millions d’euros à la Pologne. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

Un pas en avant, deux pas en arrière

Autre question d’importance : la Convention sur le climat et la feuille de route des Nations unies sont-elles pertinentes ? La lenteur des Nations unies laisse entendre que les objectifs ambitieux – tels que la limitation de l’augmentation des températures mondiales à 2° C au-dessus des niveaux de l’ère préindustrielle – ne seront sans doute pas tenus. L’Allemagne et le Japon, qui ferment leurs centrales nucléaires pour les remplacer par des centrales à gaz et à charbon, sont devenus du jour au lendemain des freins majeurs [à la lutte contre le réchauffement].
Climatologue à l’Institut de la protection de l’environnement, le professeur Maciej Sadowski, qui a participé à de nombreux sommets sur le climat sous la casquette de négociateur pour le compte de la Pologne – notamment lors de la conférence de Kyoto en 1997 – ne s’embarrasse pas de détails : "[[Le véritable objectif de la Convention n’est pas de protéger le climat mais de redistribuer les richesses entre les pays riches et les pays pauvres]]. Il n’est question que d’argent et d’énergie".
Il ne fait aucun doute que les pressions financières peuvent stimuler la mise au point de nouvelles technologies moins énergivores et de modèles économiques plus soutenables. Mais ce type de questions n’est pas vraiment à l’ordre du jour dans des pays tels que la Grèce ou l’Espagne, où le chômage des jeunes a franchi la barre des 50 %, ou encore en France, où l’extrême-droite élargit sa sphère d’influence. Tout porte à croire que la question de l’avenir importera moins que l’actualité des pays participants pendant le sommet de Varsovie.

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Vu de Pologne

Qui a peur des réductions de CO2 ?

Les trois-quarts des pays participant à la COP19 de Varsovie – dont les Etats-Unis, la Chine et la Pologne – s'opposent à une réduction drastique des émissions de dioxyde de carbone, rappelle Wawrzyniec Smoczyński dans un commentaire pour Polityka. Les pays d’Europe occidentale réclament quant à eux de nouvelles réductions des émissions. Pour le chroniqueur, ces derniers ont beau jeu d’appeler à l’adoption d’objectifs de plus en plus ambitieux, sachant qu’ils sont sortis de l’ère du charbon depuis longtemps, qu’ils sont en train de basculer sur les technologies renouvelables – qu’ils espèrent pouvoir exporter, avec de juteux profits à la clé.
Le problème est que peu de pays peuvent s’offrir les transitions énergétiques qui sont actuellement en cours dans les régions développées d’Europe. Par ailleurs, le système d’échange d’émissions européen, censé subventionner les sources d’énergie renouvelable, ne fonctionne pas. Dans le même temps, les craintes d’un dérèglement climatique de grande ampleur s’estompent à l’heure où les gouvernements, frappés par la crise, sont davantage préoccupés par la préservation de leur budget et de l’emploi que par la sauvegarde du climat.

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