Une aubaine pour l’Europe

Loin de constituer un drame pour l’Union, l’hypothèse de la sortie du Royaume-Uni serait au contraire une opportunité pour les pays qui veulent avancer vers plus d’intégration et pour l’économie des autres pays membres, estime l’essayiste Edouard Tétreau.

Publié le 19 février 2016 à 08:23

"Un drame… une dislocation irréversible" de l’Europe, selon Manuel Valls. Le Brexit, la sortie de plus en plus probable de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, serait-elle cette apocalypse que l’on nous prédit ?

On soutiendra ici le contraire : le Brexit est une formidable opportunité. Pour l’Europe d’abord : la sortie de la Grande-Bretagne mettra un coup d’arrêt définitif au mouvement d’élargissement à marche forcée de l’Union européenne. Une politique qu’a toujours encouragée la Grande-Bretagne, y voyant un moyen efficace de diluer la dynamique continentale impulsée par le couple franco-allemand.

Cet élargissement a eu des conséquences néfastes : l’intégration dans l’Union européenne (UE) et même dans la zone euro de pays qui n’étaient pas prêts à les rejoindre, de la Grèce truquant ses comptes publics pour bénéficier des prodigalités financières attachées à l’euro à la Hongrie de Viktor Orban ou la Bulgarie, l’un des pays les plus corrompus au monde.

La vraie “dislocation" de l’Europe est là : dans la volonté délibérée des Britanniques d’élargir des institutions qui fonctionnaient bien avec une dizaine de membres, et qui ne peuvent plus opérer dans le capharnaüm de réunions à vingt-huit. L’incapacité de l’UE à affronter les crises récentes, des plus petites (crise grecque) aux plus importantes (euro, terrorisme, migrants), en atteste. Le Brexit va donc initier un mouvement salutaire de recentrage de l’Europe sur des pays voulant véritablement avancer ensemble.

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Le Brexit est aussi une très bonne nouvelle pour la France et sa diplomatie. Il ne changera pas les engagements militaires fermes et remarquables de la Grande-Bretagne avec la France, depuis les accords de Lancaster House. Il permettra en revanche à la France, avec l’Allemagne, d’insuffler à l’Union européenne une diplomatie moins aventureuse que ces dernières années. Cette diplomatie fut celle de la guerre d’Irak soutenue par Tony Blair, ou celle de la poussée de l’Union européenne et de l’Otan à marche forcée vers l’est, jusqu’à l’Ukraine, réveillant ainsi la paranoïa de la Russie.

Avec une Grande-Bretagne sortie de l’Union, l’Europe va retrouver une diplomatie plus proche de ses intérêts et de ses valeurs, autour de trois axes possibles. D’abord, une relation apaisée avec la Russie : l’accord historique la semaine dernière entre le pape François et le patriarche de Moscou Cyrille, pour dénoncer et empêcher le massacre des chrétiens d’Orient, en est un signe et une invitation. Ensuite, une politique arabe à relancer et réinventer après l’accord avec l’Iran. Enfin, une priorité stratégique à donner à l’Afrique et à la Méditerranée, futurs de l’Europe, pour le meilleur ou pour le pire.

Last but not least, le Brexit va être une aubaine historique pour la ville de Paris : dans quelques mois, la City de Londres va perdre l’essentiel de sa raison d’être, qui fait d’elle le centre financier de l’Europe. Transformée en paradis fiscal littéralement offshore, la City va faire fuir en masse ses établissements bancaires et gérants d’actifs voulant continuer d’opérer sur le marché européen, sans les barrières réglementaires ni les taxes qui s’appliqueront alors aux établissements londoniens devenus non européens. Ce sont des milliers de cadres, avocats, banquiers, mais aussi dirigeants de filiales européennes de groupes mondiaux qui vont devoir emménager à l’intérieur de l’UE pour continuer leur activité.

Or Paris est de loin - avec Berlin - la ville la mieux placée pour accueillir ces talents : capitale de la “tech" européenne, Paris est aussi, et depuis longtemps, un vivier de talents exceptionnels dans les métiers de la finance et du conseil, comme en témoignent les positions de leaders mondiaux de plusieurs de nos groupes dans ces domaines.

Pour paraphraser le maire de Londres Boris Johnson en 2012 : “Welcome to Paris, my friends." Avant de dérouler le tapis rouge de Londres vers Paris, il faudra pouvoir faire souffler à Paris le même esprit de liberté, de pragmatisme et d’optimisme qui existe à Londres depuis toujours. On n’attirera pas les talents de la City avec des promesses de déchéance de nationalité ; de déficits publics incontrôlés ; d’instabilité fiscale ; ou de préférence nationale pour le chômage subventionné plutôt que le travail. Mais bien en se dotant d’un leadership politique proposant une politique à rebours de ce qui existe aujourd’hui.

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