Actualité Tampon Tax

Les serviettes hygiéniques taxées comme la bière et les cigarettes

Plusieurs gouvernements envisagent de baisser la TVA sur les serviettes et tampons hygiéniques. Depuis 2007, la législation européenne permet de réduire cette “taxe tampon”, bien que des pays comme la Hongrie, la Suède et le Danemark continuent d'appliquer une taxe générale sur ces produits.

Publié le 18 septembre 2019 à 18:23

En Hongrie, les serviettes et tampons hygiéniques sont assujettis à une TVA de 27 %, tandis qu'ils en sont exemptés en Irlande. D'autres pays, tels que l'Espagne et la France, appliquent un taux réduit de TVA sur les protections hygiéniques. Le gouvernement espagnol avait même promis de réduire cette taxe de 10 à 4  dans le budget de 2019, comme d'autres pays l'ont fait depuis 2007, date à laquelle l'Union européenne (UE) a permis aux États membres de réduire cette taxe, appelée “taxe tampon”, jusqu'à un niveau minimal spécifié. En revanche, d'autres pays maintiennent sur ces produits le même taux que celui grevant des produits qui ne sont pas de première nécessité.

Dans près de la moitié des 28 Etats membres de l'UE, les serviettes et tampons hygiéniques sont assujettis au taux général de la TVA, au même titre que le vin, la bière, le tabac ou des produits de luxe comme les bijoux. Dans 10 de ces pays, ce taux est supérieur à 20 %, atteignant 27 % en Hongrie et 25 % en Croatie, en Suède et au Danemark. En outre, la comparaison des différentes législations fiscales nationales, réalisée par Civio, démontre que le taux de la “taxe tampon” est supérieur à celui de la taxe prélevée sur les établissements hôteliers dans nombre de ces pays.

Les Etats membres de l'UE sont liés par une directive communautaire qui leur permet uniquement de réduire la taxe sur les serviettes et tampons hygiéniques jusqu'à une limite de 5 %. La plupart des pays ont décidé de baisser leur TVA au cours des dernières années, sans toutefois dépasser le seuil imposé par l'UE. C'est le cas de l'Espagne, de la Grèce et de l'Autriche, qui appliquent une taxe de 10 % ou plus sur les serviettes et tampons hygiéniques. La France prélève un taux de 5,5 %, le Royaume-Uni de 5 % et l'Irlande de 0 %. Ce dernier pays demeure une exception : le taux minimal de 5 % ne s'y applique pas étant donné que la taxe sur ces produits est entrée en vigueur avant la transposition de la directive européenne sur les réductions et exonérations de TVA.

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Au Royaume-Uni, l'impossibilité de réduire davantage la taxe sur les serviettes et tampons hygiéniques pose problème depuis 2015. A l’époque, le Parlement britannique a débattu d'une proposition visant à appliquer un taux de 0 % sur ces produits, mais sans succès en raison de la limite prévue par la directive, ce qui a ensuite été utilisé comme argument en faveur du Brexit. En contrepartie, le Parlement a décidé d'affecter une partie de cette “taxe tampon” à des organisations de soutien aux femmes. Au total, 12 millions de livres (12 millions d'euros) ont ainsi été distribués à 70 associations en 2017. Une controverse a néanmoins vu le jour lorsqu'il s'est avéré que l'une de ces ONG était un groupe opposé à l'avortement. 

L'Ecosse, pour sa part, a décidé de distribuer gratuitement des serviettes et tampons hygiéniques à toutes les écolières et étudiantes dans les écoles et universités. Ce programme, dont le budget s'élève à 5,2 millions de livres (5,2 millions d'euros), vise à lutter contre la pauvreté liée à la menstruation.

Au début de l'année, la Commission européenne a annoncé qu'elle avait l'intention de modifier le droit communautaire afin que les Etats disposent d'une plus grande marge de manœuvre s'ils souhaitent appliquer un autre taux de TVA à certains produits, sans pour autant préciser la date à laquelle cette volonté sera mise en œuvre. Dans tous les cas, le Royaume-Uni est bien décidé à abroger la “taxe tampon”, que ce soit dans ou hors de l'Union européenne.

L'Espagne souhaite réduire davantage la « taxe tampon »

Un rapport sur la fiscalité et les questions d'égalité entre hommes et femmes, réalisé par l'Observatori IQ, concluait qu'”il est clair qu'une TVA appliquée aux produits d'hygiène féminine vise exclusivement les femmes en tant que groupe social. Surtout si l'on tient compte du fait qu'il s'agit de produits de première nécessité auxquels les femmes ne peuvent renoncer et qui sont directement liés à la santé de ces dernières”. Le gouvernement espagnol avait déclaré qu'il souhaitait réduire de 10 à 4 % le taux de TVA sur les serviettes et tampons hygiéniques (un taux spécial appelé “super réduit”) dans le budget prévu pour 2019.

Une boîte de 22 tampons de la marque Tampax, de taille normale, coûte actuellement 4,05 euros dans un supermarché de l'enseigne Día au centre de Madrid. La TVA comprise dans ce prix est de 40 centimes. En appliquant la réduction annoncée sur ce prix de référence, la TVA s'élèverait à 16 centimes, soit une économie réelle de 24 centimes par boîte. Il est prévu que le gouvernement cesse de percevoir 18 millions d'euros suite à cette réduction, ce qui peut paraître considérable de prime abord, mais ne représente en réalité que 0,03 %  du montant total des recettes de la TVA obtenues en 2017 pour l'ensemble des produits.

Toutefois, des doutes subsistent quant à la réelle mise en oeuvre de cette économie, d'autant plus qu'elle pourrait être accompagnée d'une hausse du prix des produits en question. “On envisage cela comme une mesure phare pour son côté spectaculaire, tandis que les entreprises du secteur verraient d'un très bon œil la baisse de la TVA sur les serviettes et tampons hygiéniques. Or, la question est de savoir dans quelle mesure les femmes bénéficieront de cette réduction. Ce n'est pas sûr du tout”, souligne María Pazos, directrice de recherche sur les politiques publiques et l'égalité des sexes à l'Institut des études fiscales. Elle ajoute même que si cela a pour effet d'augmenter le prix de ces produits, les femmes seront lésées et n'y verront aucun avantage : “toute réduction des recettes fiscales porte préjudice à la société en général, et aux femmes en particulier, parce qu'elles sont plus pauvres et ont besoin d'une protection sociale accrue”, conclut-elle.

Hors d'Europe, l'Australie est le dernier à avoir rallié les pays appliquant une taxe de 0 % aux serviettes et tampons hygiéniques, une réalité depuis le 1er janvier 2019. Le Kenya est le premier pays à avoir supprimé cette taxe, en 2004. Il a été suivi par le Canada, l'Inde, la Malaisie, l'Ouganda, la Tanzanie, le Nicaragua et Trinidad-et-Tobago. Aux États-Unis, plusieurs États ont aussi décidé de l'éliminer (Connecticut, Floride, Maryland, Massachussetts, Pennsylvanie, Minnesotta, New Jersey, Illinois et New York).

Il convient de signaler en outre que la ville de New York a adopté en 2016 une mesure qui allait bien au-delà d'une simple réduction de taxes, obligeant tous les établissements scolaires publics de la ville à fournir gratuitement des serviettes et tampons hygiéniques dans leurs toilettes. Cette initiative, la première du genre aux États-Unis, a ensuite été reprise dans les Etats de New York et d'Illinois.

L'Afrique du Sud est arrivée à la même conclusion que la ville de New York suite à une étude réalisée par un groupe d'experts, qui avait analysé si les serviettes et tampons hygiéniques devaient faire partie des articles assujettis à une TVA de 0 % et si une telle mesure pouvait entraîner une baisse de la pauvreté liée à la menstruation. L'analyse a conclu que “les données indiquent qu'un taux de 0 % appliqué aux produits de protection hygiénique n'aurait qu'un impact limité sur l'amélioration de l'accès des femmes à ces produits dans les ménages à faible revenu. Le groupe d'experts recommande donc que ces produits bénéficient non seulement d'un taux de TVA de 0 %, mais qu'ils soient également accessibles en toute gratuité pour les femmes faisant partie de cette tranche de revenus”.

La “taxe tampon” est toujours d'actualité à l'échelle mondiale et les femmes continuent de payer des taxes sur des biens de première nécessité. Dans des pays comme l'Islande, l'Argentine, la Bulgarie, l'Albanie ou la Moldavie, cette taxe est égale ou supérieure à 20 %, tandis qu'elle se situe entre 15 et 19 % en Bosnie, en Turquie, en Nouvelle Zélande, en Afrique du Sud et au Chili.

Méthodologie

Afin d'obtenir des données sur la TVA appliquée aux serviettes et tampons hygiéniques, nous avons eu recours à la législation nationale relative à ce type de taxe dans chaque pays mentionné. En ce qui concerne l'Europe, nous avons également utilisé les informations de la Commission européenne pour certains pays, ainsi que pour effectuer une comparaison avec d'autres produits. Vous pouvez accéderici aux sources utilisées pour collecter les données relatives à la TVA sur les serviettes et tampons hygiéniques en Europe. Quant aux données portant sur le reste du monde, veuillez consulter ce fichier. Nous avons retiré Malte de la liste en raison de l'absence d'une deuxième source confirmant le taux appliqué.

Le prix de la boîte de tampons hygiéniques de la marque Tampax a été vérifié le samedi 20 octobre 2018 au supermarché Día de la rue Marqués de Mondéjar à Madrid.

TAV

Une situation différente dans les îles Canaries

Dans les îles Canaries, les serviettes et tampons hygiéniques sont exonérés de taxe depuis 2018. En effet, la directive européenne sur la TVA leur permet, en tant que région périphérique, de disposer d'un système d'imposition indirecte différent de celui mis en place en Espagne continentale et dans les autres pays européens.

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