Le 9 juin, les premières estimations ont révélé une percée attendue des conservateurs au Parlement européen : au centre droit, le Parti populaire européen (PPE, conservateur) a consolidé sa position en tant que plus grand groupe politique. On estimait alors son nombre de sièges à 190, soit plus que dans l’assemblée sortante.
À propos de résultats, mentionnons une enquête de fact-checking réalisée par l’équipe Weekly Top Fake de l’hebdomadaire du Centre d’investigation biélorusse. Ses journalistes ont démenti les propos d’une chaîne Telegram annonçant que les partis d’extrême droite domineraient le nouveau Parlement. “À la suite des dernières élections, la dynamique de pouvoir au Parlement européen est restée en grande partie inchangée, la majorité demeure composée des mêmes partis”, expliquaient-ils.
Comme l’écrivait Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard, “il faut que tout change pour que rien ne change”. Environ deux semaines après le vote, des négociateurs se sont mis d’accord pour reconduire Ursula von der Leyen, issue du PPE, à la tête de la Commission européenne.
Cela peut sembler curieux – et ça l’est – mais tout cela pourrait faire obstacle à l’agenda climatique de l’UE.
Lancé après les élections de 2019 à la suite d’une vague verte dans les urnes et de mouvements pour le climat tels que Fridays for Future, le Pacte vert pour l’Europe est considéré comme l’un des plus grands succès de von der Leyen.
Pourtant, c’est de son propre parti qu’ont émergé les critiques envers le caractère abusif des réglementations en faveur du climat au cours de l’année écoulée. Certaines ONGs y voyaient un coup électoral ainsi qu’un appel du pied aux groupes industriels et aux agriculteurs – ou, devrions-nous dire, aux grandes entreprises agroalimentaires ayant les mêmes revendications.
Dans le même temps, le vote de la ministre de l’Environnement autrichienne Leonore Gewessler (Les Verts - L'Alternative verte) en faveur de la loi sur la restauration de la nature a balayé des mois de discussions autour de ce texte très discuté. Une décision en opposition ouverte avec le chancelier autrichien, Karl Nehammer (Parti populaire autrichien, centre droit). Pour Gewessler, ce dernier ne pouvait s’exprimer légalement au nom de l’Autriche au moment de refuser de soutenir cette réglementation.
Dans Politico, Louise Guillot qualifie Gewessler de “rebelle”, tandis que Raffaela Lindorfer, Christian Böhmer, Johanna Hager et Josef Gebhard, journalistes au quotidien autrichien Kurier, ont suivi toute la saga politique de près.
Dans un podcast pour le média danois Informatíon, Anna von Sperling, Rune Lykkeberg et Marie Sæhl mentionnent quant à eux certains des lieux où nous devrions protéger la nature.
Des politiques climatiques en danger ?
À la différence des élections européennes de 2019, celles de 2024 n’ont pas été marquées par un “vote climatique”, mais le Pacte vert conserve néanmoins sa place centrale pour les cinq prochaines années. Si le texte ne peut pas être tout simplement abandonné comme le disent les conservateurs, sa phase de mise en œuvre peut assurément être ralentie au niveau national.
Afin d’éviter d’avoir à choisir entre partager les préoccupations de son parti sur le thème de la compétitivité industrielle ou célébrer son succès passé, von der Leyen a trouvé la solution parfaite : un “accord vert et industriel” déjà évoqué en 2023 et supposé satisfaire tout le monde.
Se rapprochant le plus du pacte original, un nouvel ensemble de lois pourrait soit résoudre le casse-tête économique de l’UE, soit s’avérer une arnaque.
Dans Domani, Ferdinando Cotugno l’appelle tour à tour “Pacte Vert 2.0”, “autre jambe du projet climatique européen” ou “large plan vert de désindustrialisation”. Le texte permettrait selon lui “à l’Union européenne de rivaliser avec la Chine et les Etats-Unis : une stratégie industrielle intégrée, soutenue par une nouvelle architecture financière et des alliances avec les pays du Sud pour rompre le duopole sur la transition détenu par Beijing et Washington.”
Egalement rédactrice pour Domani, Francesca De Benedetti se trouve à Bruxelles pour quelques semaines afin de suivre l’évolution de la situation à la suite des élections européennes. Elle s’est entretenue avec Bas Eickhout, vice-président des Verts au Parlement européen, qui essaie de changer l’équilibre politique actuel et qui se présente comme “l’alternative” au parti Frères d’Italie (FdI, extrême droite) de Giorgia Meloni dans la formation des alliances politiques pilotées par Ursula von der Leyen.
Interviewée par la Taz, l’activiste pour le climat Luisa Neubauer s’est montrée très déçue des résultats des élections européennes, en particulier de l’important déclin des Verts allemands en comparaison avec 2019.
“La grande majorité des jeunes s’inquiète énormément de la crise climatique, mais elle a de moins en moins d’espoir. […] Le fait qu’un tel désespoir politique prédomine sur le front écologique est une injustice démocratique et devrait faire réfléchir tous les partis”, lance Neubauer. “Cela mène aussi à une forte baisse de confiance en la compétence climatique des hommes et des femmes politiques.”
D’autres crises, guerres et défis d’approvisionnement en énergie l’ont emporté sur l’urgence de combattre le réchauffement climatique, mais les gens restent convaincus que les dirigeants politiques doivent agir : selon un sondage de l’ONU, 80 % de la population mondiale aspire à une action climatique plus importante de la part des gouvernements.
En France, après qu’Emmanuel Macron a convoqué des élections législatives anticipées en réaction à la défaite de son parti au niveau européen, des journalistes du média Reporterre ont organisé une grand rencontre sur l’écologie contre l’extrême droite, que vous pouvez retrouver en ligne.
Toujours en France, Jade Lindgaard évoque dans Mediapart l’autre grand événement de l’été dont l’impact climatique pourrait être pire que prévu : les Jeux olympiques. Fans de sport et touristes, soyez avertis : en Grèce et à travers le monde, des personnes meurent des vagues de chaleurs, assène le quotidien Efimerida ton Syntakton.
Finissons cependant sur une note positive : un “processus presque divin”, la photosynthèse, pourrait aider à freiner le changement climatique, comme l’explique William Sass dans un article, plutôt poétique et pourtant scientifiquement juste, à lire dans Informatíon.
Un dernier point, mais pas des moindres : Laurence Tubiana, l’une des architectes de l’Accord de Paris sur le climat, appelle les riches à payer plus pour affronter la crise climatique. Une histoire racontée par Fiona Harvey, à retrouver dans The Guardian.
C’est la fin de nos revues de presse sur l’actualité climatique européenne. J’espère que vous avez apprécié ce voyage d’un an à travers les médias du continent en notre compagnie et qu’il vous a permis de garder espoir en l’avenir – et dans le journalisme.
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