
La plus grande menace pour la transition écologique n'est pas le déni du changement climatique, mais la poursuite de fausses solutions promues par le soi-disant "capitalisme vert". Du marché des crédits carbone aux compensations des émissions de CO2, ces stratégies montrent de plus en plus les limites de la “décarbonation”, un concept qui ne questionne pas les systèmes de pouvoir et les inégalités économiques qu’ils provoquent. La "main invisible" du marché ne peut pas freiner la hausse des températures à l'échelle mondiale à elle seule.
C'est ce qu'explique Adrienne Buller, chercheuse au sein du think tank progressiste britannique Common Wealth, qui réfléchit depuis 2019 à des modèles de propriété pour une économie plus démocratique et durable. Buller a également écrit The Value of a whale: On the illusions of green capitalism (“La valeur d’une baleine : Les illusions du capitalisme vert”, Manchester University Press, 2022, non traduit en français) et a coécrit avec Mathew Lawrence Owning the Future: Power and Property in an Age of Crisis (“S’approprier le futur : pouvoir et propriété à l’ère de la crise”, Verso, 2022, non traduit en français).
Que signifie donner une valeur à une baleine ?
[Cela vient d']une étude du Fonds monétaire international (FMI) datant de 2019 qui visait à établir la "valeur économique" d'une baleine. Le chiffre estimé était de deux millions de dollars. L'étude partait d'une bonne intention : exprimer la valeur [des baleines] pour encourager leur conservation. Mais cela montre l'un des problèmes de la manière dont le capitalisme traite la crise climatique : tout doit passer par le marché et quelque chose ne peut avoir de valeur que si elle a un prix, même la vie d'une baleine.
En quoi consiste le "capitalisme vert" ? Quels sont ses objectifs ?
D'un point de vue idéologique, il repose sur l'idée que nous pouvons faire face à la crise climatique en transformant et en décarbonant complètement l'économie mondiale, sans avoir à résoudre les relations sociales et les inégalités qui définissent le capitalisme. Je suppose que c'est là son objectif : maintenir autant que possible les systèmes existants tout en transformant de larges pans de l'économie. Plus concrètement, il s'agit d'une réponse à la crise climatique basée presque exclusivement sur des mécanismes de marché, qu'il s'agisse des prix du carbone ou des politiques de responsabilité des entreprises (les fameux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, ou ESG) plutôt que sur des investissements et des interventions publics plus directs. La façon la plus simple de comprendre [ce concept] est de se dire que si nous pouvons fixer les bons prix, le marché fera le reste.
Au cours des dix dernières années, les sociétés de gestion d’actifs (comme BlackRock, Vanguard et State Street) ont gagné de plus en plus de pouvoir. Comment leur croissance influence-t-elle l'action ou l'inaction en matière de climat ?
Depuis les années 1980 et la financiarisation de l’économie, les acteurs de la finance nous ont appris que toute faille dans la loi cache une opportunité de gain à court terme. Les journalistes récompensés Stefano Valentino et Giorgio Michalopoulos décortiquent pour Voxeurop les dessous de la finance verte.
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