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À l’heure du changement climatique, les arbres d’Europe face à un avenir incertain

En Suède comme en France, la plantation d’arbres est de plus en plus influencée par le changement climatique. À Dublin, La collecte de données sur les arbres locaux permettra à la collectivité de prendre des décisions informées en matière d'infrastructure verte.

Publié le 11 septembre 2024

Poussée par une économie en pleine expansion dont les bénéficiaires étaient déjà aisés, ma famille a déménagé de Dublin à Wicklow – “Le Jardin de l’Irlande” – l’année de mes onze ans. Notre nouvelle maison n’était pas grande mais la vue était magnifique : une étendue verte de champs et forêts suivie de 15 kilomètres de landes et de plages de galets.

Le passage du temps, le lent mais inexorable tic-tac du développement, a été marqué par l'empiètement progressif de nouveaux lotissements sur cette étendue verte. Il n’a fallu qu’un an ou deux pour qu’on commence à dire à nos invités qu’“avant, il n’y avait que de l’herbe ici”. J’y suis retourné le mois dernier après une longue absence, et j’ai découvert que le paysage avait terminé sa transformation. Chaque mètre carré de colline avait été bétonné.

Difficile de ne pas penser à cette sorte de lente suffocation quand on entend le mot “progrès”. Tous ces terrains vendus, dépouillés et reconstruits pour alimenter ce Moloch affamé qu’on appelle “l’économie”. Vu sous un certain angle, le progrès est mesuré par chaque arbre coupé, et pourtant ce même progrès – qu’il soit scientifique ou non – est également mesuré par notre prise de conscience croissante de l’environnement et de la place que nous y occupons. Ainsi, en fouillant un peu dans les articles les plus récents au sujet des arbres, on peut voir à quel point ils sont importants pour le développement présent et futur des paysages urbains mais aussi ruraux d’Europe.

À lire entre les lignes de l’article de Bartira Augelli dans le Dublin Inquirer, on comprend que la verdure relative d’un quartier nous informe sur les revenus de ses habitants. Grâce au projet Dublin Tree Map, qui recense tous les arbres de Dublin “pour identifier et évaluer la forêt urbaine de la ville” et “identifier les lieux déficitaires”, Augelli compare un certain nombre de quartiers de la capitale. Les quartiers aisés de Donnybrook, Ballsbridge et Rathmines disposent tous d’une densité d’arbre “très élevée”, alors que cette densité est “basse” dans le quartier de Crumlin, historiquement ouvrier. La répartition des arbres dans Dublin est “inégale”. Un autre type de donnée pertinent, qu’Augelli relève dans son article, indique que seulement un tiers des 300 000 arbres de Dublin est à disposition du public. 

Augelli s’est entretenue avec des chercheurs et chercheuses de l’University College Dublin travaillant sur le projet INTERVAL, dont le but est de “minimiser l’injustice environnementale en répondant à la répartition inégale des arbres de ville par la recherche scientifique conduite par les habitants”. D’après l’une des chercheuses, il est essentiel d’apprendre à connaître les habitants des quartiers, et ce processus est mutuellement instructif : “Dialoguer avec les habitants les aide à comprendre le nombre d’arbres qui les entoure, les endroits où il pourrait y en avoir plus, et les bénéfices d’un écosystème renforcé”. Cette discussion s’étend aux “résidents, organismes publics, associations écologistes, et bien d’autres” et les “clubs de sports, écoles, comités de seniors ou de jeunes, scouts, et groupes religieux” ont également été contactés. 

La première étape est un projet pilote dans le quartier de Crumlin. Les chercheurs et chercheuses y travaillent au contact des habitants pour créer une base de données et une carte qui montrent clairement les bénéfices environnementaux des arbres sélectionnés. “Les données [...] peuvent être utilisées pour déterminer le taux de CO2 capté par les arbres, le taux d’oxygène rejeté, la proportion d’eau de pluie absorbée – et comment les arbres filtrent les polluants de l’air et tempèrent les fortes températures”. Munis de ces informations, les habitants peuvent “repérer les endroits où il manque d’infrastructure verte” et agir – ou manifester – en ce sens. 

Comme indiqué par les recherches de l’UCD, si la quantité d’arbres est importante, la variété d’espèces l’est tout autant. Henrik Sjöman, curateur scientifique du jardin botanique de Göteborg, explique au magazine suédois Ny Teknik que les espèces d’arbres plantés en Suède doivent évoluer avec le climat. Ainsi, un climat qui se réchauffe appelle à des arbres qui résistent à de plus fortes températures, et aux sécheresses. En ville, un problème se pose de plus en plus : “Les grands immeubles retiennent la chaleur comme des pierres chaudes. Il peut y avoir plusieurs degrés de différence entre l’enceinte et l’extérieur de la ville”.


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Pour cette raison, Sjöman analyse des arbres étrangers (de Roumanie par exemple) et recueille des données. Ces dernières sont importantes pour deux raisons. La première, et peut-être la plus évidente, est préventive : les espèces étrangères peuvent s’implanter comme des mauvaises herbes et devenir invasives. La deuxième raison ? Les connaissances sont encore limitées. “Aujourd’hui, l’industrie toute entière se fonde sur des conjectures. On pense que ‘celle-là résiste sûrement à la sécheresse’. Mais on a besoin de savoir exactement à quel point, et son degré de sensibilité”. Sjöman déplore également la “résistance” des politiques et des autorités à l’idée de planter des espèces étrangères, qu’il impute à l’ignorance.

En dehors des villes, une récente série d’articles dans Reporterre, Les fruits du futur, montre l’impact du changement climatique sur la plantation d’arbres fruitiers en France. Fabienne Loiseau examine le cas d’un agriculteur qui tourne à son avantage les étés plus longs et chauds en plantant des pacaniers américains – les arbres producteurs de noix de pécan. Laury-Anne Cholez consacre un article à la première ferme de bananes en France métropolitaine et Marie Astier, quant à elle, questionne la popularité grandissante des pistachiers méditerranéens parmi les agriculteurs français, en partie due à la capacité de cet arbre à résister à la sécheresse. 

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Depuis les années 1980 et la financiarisation de l’économie, les acteurs de la finance nous ont appris que toute faille dans la loi cache une opportunité de gain à court terme. Les journalistes récompensés Stefano Valentino et Giorgio Michalopoulos décortiquent pour Voxeurop les dessous de la finance verte.

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