La proposition Omnibus, une vague de dérégulation qui frappe l’UE et menace le climat

Malgré l’urgence climatique, la Commission européenne entend libérer les entreprises de leurs responsabilités environnementales, notamment en ce qui concerne leur devoir de vigilance. Les critiques, quant à elles, se multiplient.

Publié le 12 mars 2025

En février 2025, la Commission européenne a proposé de reporter de deux ans une directive récemment adoptée visant à mieux contrôler les entreprises européennes, dans le cadre d’une proposition appelée “Omnibus”.

Paquet législatif visant à atténuer le poids des réglementations pesant sur les entreprises, la proposition “Omnibus” entend simplifier la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les  entreprises (CSRD) mais aussi la taxonomie européenne, la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD), ainsi que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM) – voir de faire marchine arrière sur ces outils. Plusieurs organisations environnementales pointent du doigt le recul que représente la proposition Omnibus : un signe que la politique européenne, dominée par la droite, fait demi-tour sur les questions environnementales.

Pour mieux comprendre cette proposition, nous vous conseillons de lire l’article explicatif de Kate Abnett pour Reuters.

Laurence Scialom a décortiqué la signification du paquet proposé par la Commission dans Alternatives Economiques. “La responsabilité des entreprises et des institutions financières, notamment cotées, ne s’arrête plus à leur performance financière et à la création de valeur pour les actionnaires. Elles doivent également gérer et assumer la responsabilité des impacts négatifs réels et potentiels de leurs stratégies et de leurs décisions sur les personnes, la société et l’environnement”, explique Scialom.

“Ce bouquet de réglementations européennes constitue donc un véritable changement de paradigme et procède à une sorte de ré-encastrement de l’entreprise dans la société, et plus généralement dans les écosystèmes. Pourtant, le risque de détricoter ces acquis est aujourd’hui majeur. Par le détricotage du Pacte vert, nous perdons notre avance, nous actons que l’Europe va désormais se concentrer sur l’adaptation au changement climatique plutôt qu’à la lutte contre celui-ci. Nous nous sacrifions à une logique court-termiste de la compétition entre les Etats, nous créons de l’incertitude pour tous les acteurs qui se sont déjà engagés dans une démarche ambitieuse en termes de durabilité. Nous pénalisons donc les plus vertueux. Cerise sur le gâteau, nous offrons à la Chine le rôle de leader dans le domaine de la durabilité et renforçons ainsi son attractivité sur le Sud global.

Wester van Gaal, pour EUobserver, dévoile ce qui se cache derrière les nouvelles législations européennes, à savoir une déformation flagrante des conclusions qu’on peut retirer des données. “La Commission a justifié son plan dans plusieurs de ses documents et déclarations par son coût”, affirme van Gaal en citant les prévisions de l’UE selon lesquelles des “mesures de rationalisation” économiserait à peu près cinq milliards d’euros par an. Cependant, il note que “ces chiffres ne sont que des approximations”. “Même si elles venaient à se concrétiser, ces économies seraient probablement trop faibles pour affecter le bilan financier des grandes entreprises. D’après les estimations de la Commission elle-même, les coûts de la vigilance en matière de durabilité (CSDDD) serait compris entre 52 200 € pour les grandes entreprises et 643 000 € pour les très grandes entreprises ayant un chiffre d'affaire supérieur à cinq milliards”.

L’ONG néerlandaise SOMO a fait le calcul. “Même avec l’estimation la plus haute (643 000 €), le coût annuel ne représenterait que 0,01 % du chiffre d'affaire annuel moyen des entreprises assujetties à la CSDDD, soit 0,09 % de ses résultats nets en 2023 (et 0,13 % des dividendes).

Eric Bonse cite la droite dans la Taz : “Fini les histoires de climat”. Et de se demander cependant si “ça suffira pour rattraper les Etats-Unis et la Chine”.

Adhik Arrilucea mentionne un autre ensemble de propositions présenté en parallèle à Omnibus, le plan d’action pour une énergie abordable, qui vise à rendre l’énergie le moins cher possible. Dans Público, Arrilucea décrit ce plan comme un pacte avec le diable. “Bruxelles tourne le dos au Pacte vert en faveur du gaz naturel”, estime-t-il. “C’est du néocolonialisme extractiviste”, lance une experte interrogée par Arrilucea.

Néanmoins, au milieu de toute cette agitation, quelques développements partiels mais non moins remarquables ont émergé en France et en Italie.

En France, une importante étape législative a été franchie dans la lutte contre les polluants éternels (PFAS). Dans Reporterre, Justine Guitton-Boussion explique la nouvelle loi. Elle y voit une victoire pour les environnementalistes ainsi qu’une réponse directe aux études démontrant les effets sanitaires désastreux des produits chimiques.

Dans le même temps, en Italie, les négociations prolongées de la COP16.2 sur la biodiversité se sont achevées à Rome. Un compromis a été trouvé pour faciliter l’application du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, établi en 2022. L’accord trace la route à suivre afin de mobiliser efficacement les ressources financières nécessaires, avec pour objectif d’investir 200 milliards de dollars chaque année d’ici 2030 dans la protection de la biodiversité. Dans Linkiesta, Fabrizio Fasanella met en lumière les interactions complexes entre les objectifs environnementaux et les considérations géopolitiques.

Comme le dit Scialom : “La partie n’est peut-être pas terminée, même si l’espoir d’un sursaut est mince”.

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