La Tunisie, l'Egypte, et maintenant la Libye. Depuis 2 mois, l'Union européenne assiste à la vague de protestation dans le monde arabe et s'interroge sur son rôle et les conséquences des événements. Et fois-ci, la répression violente du régime de Mouammar Kadhafi contre son peuple donne une dimension tragique à ce questionnement.

Energie, commerce, partenariat pour barrer la route aux immigrants venant du Sud, le quotidien viennois énumère les nombreuses dépendances de l’Europe envers le régime de Kadhafi. Le journal constate que l’Europe peine à défendre ses intérêts sur place et ne dispose ni des moyens de pression financière, ni des moyens militaires, ni même d’une approche coordonnée de la question.
Comme des passagers clandestins de l'histoire

Le fait est que les Européens sont dans une situation impossible,constate Gazeta Wyborcza. En Libye, ils en sont réduits à se demander "ce qui est pire. La peste ou le choléra ?", remarque le quotidien de Varsovie. "Devrions-nous encore soutenir un terroriste apprivoisé et vivre dans l’illusion qu’après quelques réformes, les manifestants rentreront chez eux et que ce régime à main de fer sera remplacé par le pluralisme ? Ou devrions-nous tirer un trait sur lui et soutenir ses opposants financièrement, voire militairement ? L’Europe est dans une impasse. D’un côté, elle ne peut regarder sans rien faire les mercenaires de Kadhafi tirer dans le dos des gens. De l’autre, elle craint que le vide après Kadhafi ne soit pire".

Dans un premier temps, l'UE devrait "annoncer de nouvelles règles du jeu avant que ne commence un autre massacre", préconise dansEl País Jordi Vaquer, directeur de la Fondation CIDOB, un centre de réflexion sur les relations internationales. L'UE devrait réagir par "un gel de tous les accords dès le premier soupçon d'utilisation systématique de la force" contre la population et par "le gel des comptes bancaires de tous les détenteurs de postes importants" dans ces régimes, ainsi que "le rappel pour consultation des ambassadeurs, l'interruption de l'envoi de matériels pouvant être utilisés pour la répression ou le soutien à des procès contre ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité".
La "schizophrénie de la rue Froissart"

Encore faudrait-il que les Etats acceptent ou puissent sortir de leurs contradictions. Et dans le cas libyen, c'est l'Italie qui est la principale responsable. "En Europe, on appelle cela la schizophrénie de la rue Froissart", raconte La Repubblica. Le quotidien romain explique comment à l'entrée du Conseil européen, les représentants italiens délivrent des déclarations bienveillantes pour les dictateurs en accusation. Puis comment, en Conseil, il vote avec les autres des résolutions les condamnant. C'est arrivé avec Moubarak et Loukachenko, et cela arrive maintenant avec Kadhafi. L'Italie a dû signer la condamnation de la répression en Libye, mais en s'opposant aux sanctions contre Tripoli proposées par la Finlande.
Pour autant,rappelle La Stampa, "la relation avec Kadhafi n’est pas à attribuer qu’au seul Berlusconi. La Libye est une partenaire commercial que tous les gouvernements italiens ont toujours choyé. En Libye, nous avons des hommes et de l’argent, nous dépendons de la Libye pour l’énergie, le commerce et les investissements. La chute de Kadhafi pourrait bien être la chute d’un système pour nous aussi."
Ventes d’armes
Les bonnes affaires des Occidentaux
"Quel triste paradoxe", écrit Gazeta Wyborcza: "D’un côté, les Occidentaux pleurent sur les victimes, mais de l’autre, ils fournissent les armes avec lesquelles sont massacrés les Arabes." Le quotidien polonais rappelle que les armes utilisées dans le monde, et en partie par les régimes arabes qui répriment les mouvements de révolte, proviennent de Russie, premier exportateur avec 31% des ventes mondiales, suivie des Etats-Unis (30%), la France (9%), l’Allemagne (6%), le Royaume-Uni (4%) et l’Ukraine (2%). Les armes représentent 5% des exportations françaises et britanniques, ces deux pays ayant été mis en cause pour la vente de matériel répressifà la Tunisie et à Bahreïn.
"Depuis le 11 octobre 2004, date de la levée de l’embargo européen sur les exportations d’armes vers la Libye, le régime Kadhafi n’a pas manqué de fournisseurs : Royaume-Uni, France, Espagne, Autriche et Suisse. Sans oublier les pays avec lesquels s’est nouée une coopération militaire : Espagne, France, Royaume-Uni, Etats-Unis, Italie et Grèce", écrit de son côtéLe Soir. En Belgique, la Région wallonne, actionnaire à 100% de l’armurier FN Herstal, est suspectée d’avoir vendu des fusils, des mitrailleuses, grenades, à la Libye. Pour sa défense, le gouvernement régional a fait savoir que les armes en question étaient "expressément" destinées à une "mission de protection de convois humanitaire à destination du Darfour".
