La station Osokorky du métro de Kiev, février 2025. | Photo : ©FB metro-kyiv-francesca-barca

Anarchistes et combattants : les Solidarity Collectives en Ukraine

Cosa significa essere di sinistra e trovarsi di fronte a una guerra di invasione, che non si è scelta, che non si è voluta, e che obbliga a rivedere principi e punti di vista e, allo stesso tempo, continuare a difendere una società più giusta? Discussione con il gruppo antiautoritario ucraino Solidarity Collectives.

Publié le 16 septembre 2025
metro-kyiv-francesca-barca La station Osokorky du métro de Kiev, février 2025. | Photo : ©FB

C’est l’hiver quand je rencontre Kseniia dans un Kentucky Fried Chicken de Pozniaky, un quartier populaire de Kiev. Kseniia fait partie de Solidarity Collectives (Колективи Солідарності, SC), un groupe d'activistes qui se définit comme “anti-autoritaire” et qui s'est formé à la suite de l'invasion russe de 2022. Elle me présente le collectif : “Certains d'entre nous sont anarchistes ; il y a des militantes féministes, des progressistes, des écologistes, des personnes de gauche. Certains ne s'identifient pas politiquement, mais partagent des idées progressistes en général (droits LGBT+, droits des femmes, écologistes...)”.

Avant février 2022, “notre mouvement était divisé, le drame typique des personnes de gauche, vois-tu ?”, se souvient Kseniia. Par la suite, une partie des membres de Solidarity Collectives a décidé de rejoindre l'armée, pendant qu’une autre s’est consacrée à aider les civils, se rendant régulièrement dans les zones proches du front pour soutenir les communautés locales et les personnes fuyant les territoires occupés ; une autre partie encore s’est formée à la fabrication de drones et à leur programmation, pour les livrer ensuite aux soldats anti-autoritaires ou de gauche présents dans les différents bataillons. 

La communication est au cœur de l'activité de Solidarity Collectives. “Pour nous, il était important de montrer les perspectives de gauche, les activités et les récits des militants anti-autoritaires en première ligne”, poursuit Kseniia. Mais elle l'est aussi pour d'autres raisons : soutenir l'effort de résistance du pays et faire entendre sa voix et son histoire. La guerre est un sujet particulièrement complexe – et à juste titre – pour celles et ceux qui militent dans des groupes de gauche. “De nombreux antimilitaristes du passé, comme ceux qui dénonçaient par exemple la militarisation de la société ukrainienne, ont fini par prendre les armes", explique Kseniia. "Nous essayons d'expliquer pourquoi.

Les évolutions historiques et le contexte spécifique actuel ont créé un fossé entre les militants de gauche ukrainiens (mais on pourrait en dire autant d'autres pays de l'ancien bloc soviétique) et leurs homologues occidentaux, ainsi qu'avec certains groupes et partis : “D'un certain point de vue, je pense que c'est vraiment difficile à comprendre lorsque l'on vit dans une situation de paix”, explique Kseniia.

Mais quand la guerre arrive, “vous êtes confronté à la réalité des faits. C'est-à-dire [au fait que] ‘les Russes sont à trois jours de Kiev’”.

Kseniia with anarchist soldiers from an aerial reconnaissance unit. | Photo: Solidarity Collectives
Kseniia (à droite) avec deux camarades soldats anarchistes d'une unité de reconnaissance aérienne. | Photo : ©Solidarity Collectives

Nous savons ce qui arrive aux personnes dans les territoires contrôlés par la Russie, comme Donetsk et Louhansk. Il y a des enquêtes, des documents sur les tortures infligées à ceux qui semblent être ne serait-ce que vaguement militants”, ajoute Kseniia. “Nous savons que pour certains d'entre nous, la mort est préférable à la perspective de se retrouver dans le régime de torture qui nous attendrait. Face à cette situation, toute la société ukrainienne – et pas seulement les personnes de gauche – est confrontée à ce constat : des politiciens aux militants de base, en passant par les grands-mères qui pourraient écrire un post sur Facebook pour l'Ukraine. Parce que tout le monde ici est exposé aux agressions de la Russie”.

Aujourd'hui, environ 20 % du territoire ukrainien est occupé par la Russie. Depuis 2022, le Center for Civil Liberties (co-lauréat du prix Nobel de la paix en 2022) a recueilli plus de 84 000 cas de crimes de guerre commis par les troupes d'occupation russes, allant des meurtres, viols et disparitions à d'autres violations des droits fondamentaux.

L'Ukraine n'est pas parfaite, mais c'est le projet le plus libéral des territoires post-soviétiques”, poursuit Kseniia, en scandant calmement et gentiment l'un des mantras les plus souvent répétés par les Ukrainiens à leurs interlocuteurs occidentaux. “Nous avons des droits. Nous avons une longue histoire de lutte pour ces droits, nous avons traversé des périodes difficiles. Il est important pour nous de défendre ce que nous avons et de pouvoir continuer à faire grandir ce projet que nous menons. Nous ne subissons pas de répression politique, il n'y a pas de torture, comme c'est le cas pour les militants en Biélorussie ou en Russie”.

Elle vit à Kiev, mais est “originaire de Kharkiv, la deuxième ville du pays, aujourd'hui lourdement bombardée : pour moi, c'est la plus belle ville, la plus accueillante. Et aujourd'hui, elle est en train de mourir. Ma famille est là-bas, mes amis sont là-bas. Certains sont déjà morts. Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Parce qu'un régime autoritaire a décidé que nous méritions d'être occupés ? Parce que nous sommes des ‘fascistes’ ou pour n'importe quelle autre excuse qu'ils trouvent ?


“Regardez ce qui se passe avec les résultats de l’AfD en Allemagne, avec le Rassemblement national en France. Ou en Italie et en Autriche. Ou encore aux Etats-Unis. Vous nous reprochez vraiment d'être un ‘Etat nazi’ ?” – Kseniia


Pour nous”, me dit-elle, “la question est centrale, elle n'est pas partisane : c'est un des événements politiques fondamentaux. On ne peut pas rester à l'écart et dire ‘nous ne sommes pas d'accord avec cette guerre des classes’”. C'est pourquoi Solidarity Collectives tisse des relations et discute avec d'autres mouvements : avec les Forces démocratiques syriennes, ou en regardant le conflit au Myanmar, “où certains internationalistes combattent aussi”, dit-elle. Il a également des contacts avec des groupes en Pologne, en France, en Allemagne, en Estonie, en Espagne et en Italie.

J'ai fini mon café sans laisser Kseniia finir le sien, mais cela ne la dérange pas. J'aimerais mieux comprendre la composition et les positionnements des groupes d'activistes avant la guerre – et les débats et les discussions qui les animent.

Pour simplifier au maximum”, dit-elle, “je peux dire qu'avant les années 1990, tout ce qui était lié à la gauche et qui n'entrait pas dans la définition de ‘communiste’ avait été complètement effacé par le régime soviétique. Du grand mouvement de Makhno ou d'autres mouvements politiques intéressants, tout a été détruit”. Le communisme soviétique “a été très efficace à cet égard”, ajoute-t-elle.

Ce n'est qu'avec l'indépendance de l'Ukraine, retrouvée en 1991, que certains projets politiques ont recommencé à se développer : “Il y avait des mouvements anarchistes, quelques syndicats, comme Pryama Diya. Il y avait quelques groupes comme Black Rainbow. Certains groupes anarchistes luttaient contre l'ordre néolibéral en Ukraine et avaient même remporté quelques victoires dans ce sens”. “Ces groupes étaient actifs à Lviv, Kiev, Odessa et Zaporijjia”, continue Kseniia. Et “la question qui divisait était précisément la guerre”.


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Kseniia fait référence à 2014, lorsque la Russie a annexé la Crimée et que la guerre a commencé dans le Donbass, la région de l'est de l'Ukraine à majorité russophone. “En 2014, la plupart des militants de droite, des personnes non politisées et des représentants de gauche sont allés combattre au front... Nous appelons cela dobrovat (“bataillon volontaire”, en ukrainien), comme les bataillons volontaires durant la guerre civile espagnole : après Maïdan, certains ont décidé d'aller se battre dans le Donbass pour défendre le territoire”.

Je pense que depuis lors, le mouvement de gauche est quelque peu resté figé et n'a pas su comment réagir. Certains groupes remettaient en question la militarisation de la société, doutaient des pratiques, discutaient de ce qu'il fallait faire…”, regrette Kseniia. “[Ils] discutaient de la manière d'adopter une perspective antimilitariste, pacifiste... On en arrivait même à essayer de comprendre la situation dans le Donbass, on se demandait si des élections indépendantes dans la région occupée seraient la solution, d'autres critiquaient [l’idée] ...

The Solidarity Collectives' Fpv workshop. | Photo: SC
L'atelier sur les drones Fpv de Solidarity Collectives. | Photo : ©Solidarity Collectives

Les perspectives étaient différentes, raconte Kseniia. Certains disaient “nous avons cette plaie ouverte dans le Donbass et elle ne guérira probablement pas : il y a un investissement d'argent, d'armes, qui se répand dans la société. Pour ces personnes, il était nécessaire de réfléchir à la manière dont la société dans son ensemble devait se préparer à ce type de conflit s'il venait à s'étendre davantage, et à la réaction à adopter collectivement. “Certaines de ces personnes organisaient des formations militaires de base, des cours de secourisme... Elles se préparaient à cette éventualité, tout en discutant en parallèle de la manière dont la défense territoriale devrait peut-être fonctionner en Ukraine, etc. Il y avait donc une ‘tendance à la militarisation’ d'une certaine manière, mais sans compréhension claire de ce qui allait se passer.”

Ainsi, explique Kseniia, pendant environ huit ans, certains ont développé des activités civiles, dans une perspective antimilitariste, tandis que d'autres se sont concentrés sur l'idée qu'il fallait se préparer à se défendre.

En parallèle, des projets intéressants étaient également en développement dans différentes régions d'Ukraine. À Kharkiv, par exemple, nous avons essayé de créer des squats pour les réfugiés”, se souvient Kseniia. “Après Maïdan, ce projet de maisons occupées a été le premier en Ukraine ; il a ensuite évolué pour devenir un lieu d'expositions, de concerts, de discussions et de vie en général. Des projets éco-anarchistes intéressants ont été organisés à Lviv ; aujourd'hui, à Odessa, il existe également des squats et des initiatives qui offrent des repas aux sans-abri.”

En Ukraine, me dit-elle en souriant, il y avait des initiatives appelées “Food Not Bombs” (“De la nourriture, pas des bombes”). Mais “après la guerre, elles ont commencé à s'appeler “Food Forever” (“De la nourriture pour toujours”) parce que “ce sont les Russes qui doivent organiser Food Not Bombs”.

Kseniia a 25 ans : trop jeune pour avoir participé en personne à l'Euromaïdan, mais assez âgée pour pouvoir raconter ce que son mouvement en dit. “Oui, j'étais à l'école quand le Maïdan a commencé. Ce n'était pas seulement à Kiev, mais aussi à Lviv, à Odessa, à Kharkiv. Beaucoup d'entre nous y ont participé : à Kharkiv, où il y avait un bloc anarchiste avec une banderole pour la gratuité des soins de santé, des transports et de l'éducation. Cela semble un peu hors contexte aujourd'hui, mais c'était beau”.

Certains des soldats que nous soutenons aujourd'hui ont été blessés pendant l'Euromaïdan. En Europe occidentale, on pense souvent que la protestation était principalement le fait de personnes de droite ou de libéraux, mais je ne pense pas que ce soit vrai. Toute la société ukrainienne a été impliquée, y compris les organisations de gauche.”

Face à ces arguments, “la réponse est que l'Ukraine a traversé, au cours des dernières décennies seulement, des crises existentielles énormes pour l'ensemble de la société. Et cela va au-delà de la droite ou de la gauche ; ça dépasse la politique. Ce fut un moment d'auto-identification d'une société qui s'est rassemblée : des milliers et des milliers de personnes unies dans la lutte, réclamant la liberté, contre le régime, contre la corruption. Pour l'Ukraine, comme pour tous ces pays post-soviétiques, ce fut l'une des révoltes les plus réussies en ce sens. Cette liberté d'expression, cette liberté de réunion, a été un grand succès, car ce vers quoi nous nous dirigions avec le président de l'époque [Viktor Ianoukovytch], c'est la Biélorussie d'aujourd'hui.

Si le mouvement Euromaïdan s’est répandu sur tout le territoire, il n'a pas été le même pour toutes les classes sociales. La chercheuse ukrainienne Daria Sabourova a travaillé à Kryvyï Rih, une ville industrielle de l'est du pays (où, entre autres, l'actuel président Volodymyr Zelensky est né). Elle explique qu'ici, les classes populaires considéraient le soulèvement de 2014 comme une attaque contre l'Etat démocratique, tandis que les classes moyennes y voyaient déjà une lutte contre l'autoritarisme russe. 

Comme l'écrit Sabourova, l'invasion à grande échelle de 2022 a également changé la vision des personnes qui s'étaient opposées à l'Euromaïdan : “Le 24 février 2022, les gens se sont rebellés parce que leur ville, c'est-à-dire leur survie, leur existence matérielle et celle de leur communauté, était immédiatement menacée par une invasion militaire. Il ne s'agissait pas tant d'un engagement envers des valeurs abstraites que d'une défense de leur vie quotidienne”. “La droite était présente pendant l'Euromaïdan, bien sûr”, explique Kseniia, “tout comme dans cette guerre, la droite est présente en première ligne”, et la gauche a du mal à suivre le rythme, poursuit-elle.

Au début de l'invasion, il existait un bataillon de “gauche” qui a disparu aujourd’hui : “Les gens de gauche ont essayé de former un peloton anti-autoritaire dès les premiers jours, et nous y sommes parvenus. Nous avons heureusement pu nous appuyer sur la défense territoriale, car le groupe de gauche comptait parmi ses rangs un commandant, Youri Samoylenko, qui ouvrait ses portes à tous ceux qui voulaient rejoindre l'unité. Beaucoup de ceux qui se sont joints à nous n'étaient pas prêts. Ils ne savaient pas ce que signifiait la guerre, ils ne connaissaient rien à la tactique...

L’Ukraine, un Etat “nazi”

Oui, il y a des nazis en Ukraine, il y a des personnes d'extrême droite. Et des nationalistes de différentes catégories, en tension les uns avec les autres”, reconnaît Kseniia. Mais l'extrême droite “n'a pas été choisie par la société”, précise-t-elle, en se référant au fait que lors des dernières élections législatives, les partis d'extrême droite n'ont même pas dépassé le seuil d'éligibilité.

Regardez ce qui se passe avec les résultats de l'AfD en Allemagne, avec le Rassemblement national en France. Ou en Italie et en Autriche. Ou encore aux Etats-Unis. Vous nous reprochez vraiment d'être un ‘Etat nazi’ ?

Des différences existent, me fait-elle remarquer, en fonction de la situation géographique. “De la Pologne à l'Estonie, de la République tchèque à la Finlande, nous avons un soutien total car il leur est plus facile de comprendre ce qui se passe. Là-bas, les militants peuvent s'imaginer dans la situation dans laquelle se trouve l'Ukraine”. En revanche, “moins on comprend la guerre, plus c'est la guerre des classes – pas la guerre en soi – qui émerge dans le discours et dans l'anti-impérialisme [des militants]”.

"Plus on est loin, plus la propagande [russe] fonctionne”, ajoute-t-elle : “Et c'est triste à dire, mais l'Ukraine a perdu cette bataille, car les milliards que la Russie a investis dans la propagande font peur”.

La conscription

De loin, on a également l'impression que la société ukrainienne est divisée sur la question de la conscription obligatoire. “La question de la mobilisation ne concerne que les hommes. En tant que femme, je suis privilégiée. Je pense que c'est le premier cas de sexisme inversé...”, note Kseniia en souriant. “Je vais dire quelque chose d'impopulaire pour le mouvement de gauche et qui ne concerne que moi : je pense que les femmes et les hommes devraient être traités de la même manière sur cette question”.

Depuis le 1er octobre 2023, les Ukrainiennes âgées de 18 à 60 ans et travaillant dans le domaine médical/sanitaire sont tenues de se présenter devant une commission militaire pour s'inscrire à un éventuel service dans l'armée. Mais c'est la seule obligation ; il n'y a pas de conscription pour les femmes et un débat est en cours au sein du mouvement féministe ukrainien à ce sujet. Il y aurait aujourd'hui environ 67 000 femmes dans l'armée ukrainienne, dont environ 10 000 au front. D'après le ministère de la Défense, 48 000 sont volontaires.

Près d'un million de soldats sont mobilisés en Ukraine. La mobilisation en Ukraine est aujourd'hui obligatoire pour les hommes âgés de 25 à 60 ans. À partir de septembre 2025, le gouvernement doit introduire une formation militaire universelle pour les adultes, y compris les étudiants, à partir de 18 ans. “Le fait est qu'en Ukraine, aucun système de mobilisation adéquat n'a été mis en place – si tant est qu'une telle chose puisse exister... mais la loi en vigueur n'est pas idéale et la société fait pression sur le parlement pour la modifier”.

Les scènes de personnes embarquées de force dans la rue pour être enrôlées sont une réalité et les reportages et les données sur ceux qui fuient la conscription ne manquent pas : le nombre exact est secret, mais il est connu à tous les niveaux, y compris au sein du gouvernement. Dans un reportage de Léo Sanmarty diffusé sur la chaîne franco-allemande Arte, il est question de plus de 15 000 hommes qui ont déserté entre janvier et août 2024, soit cinq fois plus qu'en 2022 et deux fois plus qu'en 2023. Pour pallier cette situation, Volodymyr Zelensky a choisi Olha Reshetylova, militante des droits humains, comme défenseure civique militaire de l'Ukraine en 2024.

Dans la société ukrainienne, il existe une tension autour de la mobilisation forcée. Et c'est une question un peu compliquée”, explique Kseniia. En attendant, “l'Ukraine est en train de perdre : il n'y a pas assez – l'expression est terrible – de ‘ressources humaines’. Je le vois chez mes camarades qui sont partis combattre il y a trois ans, à quel point ils sont dévastés, à quel point ils sont fatigués et à quel point ils ont besoin d'une relève”.

Cette loi devrait être améliorée, en permettant la “mobilisation et la démobilisation, afin de la rendre équitable pour tous”. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'elle devrait inclure tous les niveaux de la société. Car d'après votre position dans la société, il est plus ou moins facile d'échapper à la conscription.

Que signifie être ukrainienne aujourd'hui ? Je pose la question, un peu naïvement, à Kseniia. Elle sourit à nouveau : “Je n'ai pas cet amour démesuré pour la mère patrie et tutti quanti, mais il est certain qu'en grandissant ici, on s'enracine dans le contexte historique et culturel du pays. Et on hérite des traumatismes de ses ancêtres qui ont traversé l'Holodomor (la famine provoquée par Staline en 1932-33), la Seconde guerre mondiale : mes grands-parents ont été au goulag (camp de travail forcé), un autre a été tué pendant la Seconde guerre mondiale, un autre a souffert de la faim. On hérite de ces traumatismes et on les assimile. Et on développe de l'empathie. On comprend plus profondément le contexte du colonialisme russe dans la situation ukrainienne, on comprend les luttes politiques dans ces territoires”. Elle résume ensuite : “Pour moi, être ukrainienne, c'est conserver cette connaissance des traumatismes, du contexte historique, et entretenir cette résistance”.

Mon message principal, au bout du compte, c'est que nous ayons de l'empathie pour les luttes des autres, que nous essayions de les comprendre, en toute complicité, et d'en tirer des enseignements”, ajoute-t-elle. “Et cette expérience est très précieuse, d'après moi, pour les générations futures. Même si l'Ukraine venait à perdre, cette connaissance [sur la manière de s'organiser et de résister] devrait être diffusée.”

🤝 Cet article a été réalisé dans le cadre du voyage d'étude organisé par n-ost à Kiev en février 2025 et fait partie d'un reportage sur la gauche en Ukraine et la guerre publié en mars.
✍️ Edition : Adrian Burtin
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