Robert Fico et ses acolytes du parti nationaliste slovaque font la grosse voix. Gardons notre sang-froid et mettons les points sur les i. La nouvelle Assemblée nationale propose d’introduire une loi sur la double citoyenneté. Celle-ci pourrait être accordée à tous les magyarophones vivants au-delà des frontières qui en feront la demande individuellement, et lors d’une procédure accélérée [le texte pourrait entrer en vigueur le 20 août, fête nationale hongroise].
La modification de la loi actuelle se fera suivant l’exemple roumain. Mais notons que cette question est réglée de la même manière en Slovaquie, en Serbie et dans de nombreux pays européens. Puisque, par l’intermédiaire de leurs représentants légitimes, les Hongrois de Transylvanie, de Slovaquie, de Voïvodine et d’Ukraine ont demandé la double citoyenneté, le gouvernement hongrois a l’obligation morale de la leur accorder.
Il n’est pas anecdotique que seule Bratislava critique cette mesure. Bucarest et Belgrade ont accueilli la démarche avec compréhension, tandis que Kiev a donné son accord tacite. La politique menée par Robert Fico et son partenaire de la coalition [le Parti national slovaque, extrême droite] laissait prévoir ce numéro de cirque, même si l’allégation de la sécurité nationale slovaque relève de la folie.
Une région avant tout vue comme un marché
Pourtant, contrairement à la loi sur la langue slovaque [qui impose l’usage du slovaque dans les administrations, sauf dans les communes peuplées de Hongrois à plus de 20%], la loi sur la citoyenneté hongroise ne cause aucun préjudice à personne. Beaucoup ont compris son message. Et, bien que la campagne législative batte son plein, l’opposition de centre droit ne s’est pas alignée derrière Fico.
Le temps n’est peut-être pas loin où la majorité des électeurs slovaques comprendra que la magyarophobie tapageuse de Fico ne sert pas les intérêts de la Slovaquie, mais les intérêts de ceux qui se réjouissent des chamailleries de l’Europe centrale. N’ayons pas d’illusions : l’Union européenne reste composée de gens de l’Ouest et de gens de l’Est. Le sourire des dirigeants politiques occidentaux cache la condescendance à l’égard de "ces peuples postcommunistes".
Pour eux, cette région marquée par l’ère communiste est d’abord un excellent marché, et cette approche exclut toute solidarité. Les grandes puissances occidentales qui dirigent l’UE et le continent selon leurs intérêts économiques seraient dépitées à l’apparition d’une unité forte et homogène en Europe centrale autour d’intérêts communs.
Les quatre de Visegrád ont un rôle à jouer
A l’automne dernier, le président français, blessé dans son amour-propre, a déploré que les quatre pays du Groupe de Visegrád [Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie] aient tenu une réunion avant le sommet européen. Sarkozy leur a alors conseillé de ne pas faire une règle de ces concertations préalables. L’inquiétude des Français devrait être un encouragement pour notre région.
Autour d’un axe nord-sud, de la Pologne à la Slovénie en passant par la Roumanie, par les développements des infrastructures, la coopération énergétique, l’exploitation des marchés voisins, la représentation commune des intérêts agricoles, ces pays pourraient constituer un contrepoids à l’Est du continent, ce qui ferait du bien à toute l’Union.
Combien d’années faut-il encore pour que les hommes politiques de notre région réalisent en tombant dans les pièges des querelles futiles, ils laissent passer la chance de défendre des véritables intérêts nationaux ? Car Fico le magyarophobe et les nationalistes hongrois rivés sur le passé ne défendent pas les intérêts de leur nation, ils défendent ceux dont l’intérêt est que cette région ne puisse jamais représenter une force unie et occuper une place qu’elle mérite dans une Europe commune.
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