Le Caire, avril 2010. Une manifestante de l'opposition brandit un drapeau avec le symbole du mouvement du 6 avril.

La révolution qui venait de Serbie

Fer de lance de la révolution égyptienne, le Mouvement du 6 avril s'est en partie formé auprès du mouvement Otpor! qui a été à l'origine de la chute du régime yougoslave en 2000.

Publié le 2 mars 2011 à 15:48
Le Caire, avril 2010. Une manifestante de l'opposition brandit un drapeau avec le symbole du mouvement du 6 avril.

Certains les ont surnommés "Révolution S.A.". Ils ont formé des activistes et des résistants dans la plupart des régimes dictatoriaux de la planète. Leurs méthodes ont servi d'"armes" un peu partout, de la révolution des roses en Géorgie [en 2003] à celle des tulipes au Kirghizistan [en 2005]. Et aujourd'hui, dans le mouvement de révolte qui balaie le monde arabe.

"Oui, c'est vrai. On a notamment formé des jeunes du Mouvement du 6 avrilen Egypte" [le mouvement fondé sur Facebook à l'origine des principales manifestations contre le régime de Hosni Moubarak], confie Srdja Popovic, qui est à la tête du CANVAS (Center for applied nonviolent action and strategies, Centre pour les stratégies et l'action non-violente appliquées) à Belgrade, dont les cadres sont des vétérans chevronnés du mouvement de résistance civiqueOtpor!.

Mais Srdja Popovic ne veut pas se parer des plumes du paon et s'énerverait presque quand on lui demande si Otpor! est un exportateur de révolutions. "On ne débarque pas avec la révolution dans notre valise. C'est leur révolution et les consultants étrangers n'y sont pour rien. Ils ont risqué leur vie pour leur liberté et c'est leur victoire à 100%. Un point c'est tout !"

Une longue expertise de la désobéissance civile

Srdja Popovic est un spécialiste de longue date de la désobéissance civile et de la résistance pacifique. En 1998, à 25 ans, il fonde Otpor! avec une douzaine de camarades pendant ses études de biologie. Milosevic était au pouvoir depuis bientôt dix ans et s'apprêtait à faire la guerre au Kosovo.

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Dans un restaurant universitaire de Belgrade, ils élaborent les règles d'un nouveau mouvement de résistance, inspiré du Mahatma Gandhi et de la lutte contre l'apartheid. Mais ils donnent à leur mouvement une image fraîche et branchée qui attire même les jeunes non politisés.

Des actions pleines de fantaisie, qui font l'objet d'une attention croissante de la part des médias, deviennent leur marque de fabrique. Ils défient et brocardent le régime. Mais affrontent soldats et policiers avec des fleurs. Otpor! comprend que Milosevic tombera dès qu'il aura perdu le soutien aveugle de la police et de l'armée.

"Ce sont ces méthodes et ce message que nous enseignons désormais aux activistes d'autres pays", explique Srdja Popovic. "Dans nos cours, on leur demande d'identifier les piliers du régime. Puis on leur dit : 'Ne les attaquez pas, cela ne conduirait qu'à la violence, essayez plutôt de les mettre de votre côté'".

Un arsenal d'instruments pour faire la révolution

Dès le début du soulèvement contre Hosni Moubarak, on a pu voir dans les rues du Caire et sur la place Tahrir des membres du Mouvement du 6 avril brandissant l'emblème d'Otpor! : un poing blanc serré sur fond noir. Parmi ces militants, Mohammed Adel, un blogueur de 22 ans. "J'étais en Serbie et je me suis formé à l'organisation de manifestations pacifiques et aux meilleurs moyens de s'opposer à la brutalité des services de sécurité", a-t-il raconté dans une interview donnée à Al-Jazira.

Quand il revient en Egypte, fin 2009, il a dans ses valises un guide des activités subversives, qu'il transmet aux autres membres du Mouvement du 6 avril et au mouvement d'opposition Kifaya. A peine un an plus tard, il était mis à profit.

Srdja Popovic affirme que c'est le "people power" qui est décisif. Aucune révolution ne ressemble à une autre, mais il existe un arsenal d'instruments qui peuvent être mis en pratique partout. "Chaque régime, y compris le plus répressif, peut être renversé par des moyens pacifiques", assure-t-il.

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