COP29 : 1 000 milliards de dollars manquants pour le climat

Les pays riches consacreront 300 milliards de dollars par an d'ici 2035 à la lutte contre le changement climatique, conformément à l'accord controversé conclu à l'issue de la conférence des Nations unies sur le climat (COP29). Mais la somme demandée par les pays pauvres s'élève à 1 300 milliards de dollars. Pourquoi un tel écart ? À quoi sert tout cet argent ?

Publié le 4 décembre 2024

Selon Romain Weikmans, chercheur à l'Université libre de Bruxelles, le financement international de la lutte contre le changement climatique est un véritable “Far West”. On peut identifier six raisons de définir le milieu ainsi. 

D’abord, aucune définition commune ne délimite réellement ce qu’est le financement climatique. La comptabilité de celui-ci n’est pas toujours transparente ou même cohérente, et certains financements “climatiques” ne contribuent pas à la lutte contre les transformations du climat. Ensuite, le milieu accuse une véritable dépendance à l’égard des prêts, ce qui entraîne une surestimation des flux de financement. Pour finir, certains pays déclarent des fonds qui ne seront peut-être jamais dépensés, et le financement climatique est parfois amené à stimuler les intérêts économiques de gros bailleurs de fonds.

Cette liste provient d'une série de publications de Josh Gabbatiss, Vera Deleja-Hotko, Gustav Elfving, Lyse Mauvais, et Sevilay Nur Saraçla pour Carbon Brief. Ces articles sont probablement le meilleur point de départ pour qui veut comprendre ce que les dirigeants du monde ont fait – ou essayé de faire – pendant deux semaines à Bakou.

Du 11 au 24 novembre, les négociateurs de la “COP climat” se sont principalement concentrés sur la somme à allouer à un Nouvel Objectif Collectif Quantifié (NCQG), mais si ça n’a été qu'une partie des nombreuses décisions, formulées en mots et en phrases minutieusement choisis, qu'ils ont dû finaliser.

Et le NCQG n'a pas été le seul point à décevoir les observateurs. La superbe couverture des COP par Carbon Brief est un classique, et son récapitulatif final est à lire absolument.

D'autres journalistes ont également suivi les débats et ont fait un excellent travail en expliquant aux lecteurs non experts les obstacles bizarres auxquels ils se sont heurtés.

Parmi eux, Ludovica Lugli, qui a écrit sur la seule réussite du sommet : la seconde chance accordée aux marchés du crédit carbone. Lugli a interrogé les experts du secteur pour Il Post, afin de tenter de démêler certaines des lignes les plus byzantines de la diplomatie climatique.

L'achèvement des négociations sur l'article 6 est un signal important pour la mise en œuvre de l'Accord de Paris”, déclare Stefano De Clara, directeur exécutif de l'ICAP, une organisation intergouvernementale qui travaille à l'amélioration des systèmes de réduction des émissions. “Bien que la plupart des efforts doivent être réalisés par le biais de mesures nationales, les marchés internationaux du crédit, s'ils sont mis en œuvre correctement, peuvent constituer un complément essentiel. En particulier pour les pays les moins avancés”.

D'autres ont fait preuve d'un certain scepticisme, comme Federica Dossi de Carbon Market Watch, une organisation de recherche à but non lucratif financée par l'Union européenne. “Les mesures de sauvetage mises en place présentent certaines lacunes, notamment dans les marchés régis par l'article 6.2, pour la transparence et parce que les mesures concrètes en cas d'irrégularité ne sont pas prévues”, regrette-t-il.

Revenons à l’événement dans son ensemble. Valéry Laramée de Tannenberg a conclu la COP29 pour Alternatives Economiques.

Pour s'être focalisée sur les décisions d'ordre financier, la présidence azérie du sommet climatique onusien a passé à la trappe les questions d'atténuation, d'adaptation ou de transition juste”, écrit Laramée de Tannenberg. “En revanche, les parties ne sont pas parvenues à s'entendre sur les suites à donner au Bilan global portant sur les trajectoires de baisses d'émissions de gaz à effet de serre présenté en amont de la COP 28. Et notamment la sortie de la dépendance aux énergies fossiles [...], ni sur l'adaptation, d'ailleurs. Pas de trace non plus du programme de travail sur la transition juste. Certains de ces sujets auraient pu être inclus dans une décision chapeau que Mukhtar Babayev, le président de la COP. Quant au ‘dialogue des Emirats arabes unis’ issu de la COP 28 – qui pourrait obliger les Etats à inscrire dans leurs engagements nationaux une trajectoire de sortie des énergies fossiles –, il a été reporté à la session de négociations du printemps 2025, en amont de la COP 30 de Belém en novembre prochain.

Dans un autre ton, Emmanuel Clévenot de Reporterre ose qualifier l'accord final de “néocolonialiste”. Clévenot rapporte les propos de la négociatrice en chef de l'Inde, Chandni Raina, qui restera sans aucun doute dans les mémoires de celles et ceux qui étaient présents dans la salle plénière à trois heures du matin.

Empoignant le micro, la négociatrice en chef de l'Inde, Chandni Raina, a aussitôt déploré ‘un incident absolument regrettable’ : ‘Nous avions informé la présidence que nous voulions faire une déclaration avant toute prise de décision. Cela est une mise en scène’. Fusillant d'un regard noir Mukhtar Babayev et son voisin onusien, elle a ajouté : ‘Nous avons vu ce que vous venez de faire. Utiliser votre marteau et empêcher les parties de s'exprimer n'honore pas la convention. L'Inde s'oppose à l'adoption de ce document. Prenez-en note.’”

Milou Dirkx et Julian Wettengel, dans CLEW, rapportent un autre type de réaction, peut-être plus ancrée dans la réalité du multilatéralisme : “Ceux qui sont venus ici pour empêcher le progrès et empêcher plus de justice climatique et affaiblir notre système multilatéral des Nations unies ont échoué", a déclaré la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock. La conclusion de l'accord “en ces temps difficiles” est un succès, a-t-elle ajouté.

Pourtant, alors que les dirigeants internationaux discutaient des portefeuilles abstraits des milliardaires, certaines régions d'Espagne se sont réveillées avec de nouvelles alertes d'inondations, écrivait Rosie Frost dans Euronews pendant la COP. “[La COP] intervient quinze jours après qu'au moins 220 personnes ont perdu la vie à Valence lors des pires inondations qu'ait connues l'Espagne depuis des décennies. Et quelques jours seulement après que le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a porté la tragédie de la région sur la scène mondiale lors de son discours à la COP29.

Il convient de noter ce à quoi 1 300 milliards de dollars auraient dû être consacrés : prévenir et réparer les conséquences souvent dramatiques du changement climatique. Après tout, écrit Frost en écho aux propos du secrétaire général des Nations unies António Guterres, 2024 a été une “‘masterclass’ en matière de destruction du climat".

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