De vraies décisions, SVP !

Ni les plans de sauvetage ni le rachat par la Banque centrale européenne de titres de dettes souveraines n’ont permis de sortir de la crise. Les dirigeants européens doivent désormais adopter une stratégie claire et des processus de décision fiables, écrit un économiste polonais.

Publié le 16 décembre 2010 à 16:26

Le caractère temporaire et inefficace des décisions prises il y a plusieurs mois nous apparaît clairement aujourd’hui. La question n’est pas de savoir si les fonds dégagés pour sauver les économies en difficulté étaient suffisants ou non, mais bien de comprendre que ces décisions n’ont fait que repousser les problèmes au lieu de les résoudre.

Les Etats dits périphériques de la zone euro souffrent de problèmes structurels qui les empêchent d’être compétitifs. A cela s’ajoute une dette souveraine faramineuse qu’il est, à l’heure actuelle, fort peu probable de voir un jour entièrement remboursée. Le fait de remettre les réformes à plus tard ou de ne pas reconnaître leur nécessité n’a fait qu’aggraver la situation. Toutefois, le véritable problème de la zone euro est son manque de stratégie.

Il est aujourd’hui évident que les Etats de la zone euro n’ont pas véritablement réfléchi à une stratégie de sortie de crise. Tant que cette crise des liquidités ne concerne qu’un petit pays, ses partenaires sont capables de lever relativement vite les fonds nécessaires pour couvrir ses besoins de financement pour quelques années. Toutefois, si c’était un pays important qui se trouvait en difficulté, ses voisins mêmes les plus solides pourraient avoir du mal à trouver les financements nécessaires.

Le rôle de la BCE n'est pas de venir en aide aux pays endettés

Il est clair aujourd’hui que personne n’a sérieusement analysé la situation. Si l’idée de faire reprendre les dettes des pays en difficulté par la BCE pouvait être concevable comme solution d’urgence il y a quelques mois, elle ne peut en aucun cas être considérée comme une solution définitive.

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Tout d’abord parce que le rôle de la BCE n’est pas de venir en aide aux pays endettés mas de garantir la stabilité de la monnaie unique. La BCE a beau souligner qu’elle "stérilise" ses rachats d’actifs en retirant du marché le surplus de base monétaire qui en résulte, le fait que la stabilité des prix ne soit pas son objectif principal discrédite son action. Or, c’est sur ce degré de crédibilité que les consommateurs se fondent pour anticiper le niveau de l’inflation.

L’opacité des processus de décision européens est un autre problème préoccupant. Il existe trois centres décisionnels en Europe : le président de la commission, José Manuel Barroso, le président du conseil européen, Herman von Rompuy, et le "super duo" formé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Les deux premiers, qui essaient de définir une solution cohérente pour l’ensemble des Etats membres, découvrent subitement que toutes les décisions ont déjà été prises lors de la rencontre Sarkozy-Merkel. Cela ne serait pas si dramatique si leurs propositions étaient compatibles. Hélas, elles sont un compromis entre deux approches radicales : une union des transferts / obligations et une union d’Etats autonomes. Ce genre de compromis débouche rarement sur des solutions pertinentes.

Les marchés financiers ne croient plus les responsables européens

La crainte d’un effondrement de la zone euro pourrait, au bout du compte, contribuer à l’émergence d’une solution acceptable. Les marchés financiers ne croient plus les responsables européens. Ils ne réagissent plus à l’annonce des divers plans de sauvetage. En réalité, Berlin est même opposé à toute nouvelle levée de fonds pour aider l’Espagne. Aujourd’hui, les responsables européens doivent prendre des décisions concernant l’ajournement du remboursement des dettes accumulées par leurs partenaires en difficulté.

La perspective d’une dislocation de la zone euro n’inquiète pas seulement les pays périphériques, les grandes économies se font également du souci. Ce sont en réalité ces pays qui ont le plus profité de l’arrivée de l’euro. C’est grâce à la monnaie unique que l’Allemagne est devenue le premier pays exportateur au monde en l’espace de dix ans. Plus de 40% de ses exportations sont destinées à d’autres pays de la zone euro. Si l’euro était abandonné et que les monnaies nationales étaient réintroduites, le deutsche mark enregistrerait la plus forte hausse de valeur. L’Allemagne perdrait toute sa marge de compétitivité tandis que les pays aujourd’hui frappés par la crise redeviendraient compétitifs.

C’est paradoxalement l’Allemagne qui le plus profité de l’euro et devrait faire le maximum pour sauver ce grand projet européen. Pour ce faire, l’Europe a besoin de mesures drastiques et décisives, et non de compromis ou de manœuvres dilatoires.

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