Dissuasion financière

Publié le 19 mars 2010

Les situations de crise peuvent provoquer chez ceux qui les vivent deux types de réactions : face à l'adversité, on serre les rangs ou c'est le sauve qui peut. Dans le cas de la tempête provoquée au sein de la zone euro par la menace de cessation de paiements de la Grèce, on a cru un moment que la solidarité entre Etats membres allait s'imposer. Puis, malgré le sévère plan de redressement présenté par Athènes, le chacun pour soi semble l'emporter.

L'Allemagne, sur laquelle reposerait une bonne partie du coût de la solidarité avec la Grèce et avec les autres pays en difficulté (Portugal, Espagne), a rappelé que si ceux-ci avaient, comme elle, respecté les règles en matière de rigueur budgétaire, on n'en serait pas là, et que ce n'est pas à elle de payer pour les politiques laxistes de ses voisins.

L'attitude de Berlin se justifie à plusieurs égards : au plan interne, Angela Merkel doit rassurer une opinion publique inquiète de devoir mettre la main à la poche pour des Méditerranéens désinvoltes ; au plan externe, la chancelière est dans son rôle de gardienne de l'orthodoxie budgétaire en Europe. On peut donc comprendre que Berlin fasse monter le prix de son adhésion à des mesures de soutien à la Grèce forcément exceptionnelles, car elle craint par dessus tout l'effet de précédent et la porte ouverte au laisser-aller budgétaire qu'elles engendreraient.

Comme le soulignait récemment l'économiste italien Lorenzo Bini Smaghi, si la stratégie de sortie de crise est esquissée de manière trop explicite, les opérateurs économiques et les gouvernements sont tentés de renoncer à la rigueur, car ils ont la certitude de finir par être sauvés. Pour obtenir d'un Etat membre un comportement rigoureux, affirme-t-il, il faut donc que ses partenaires entretiennent une certaine ambigüité quant à leur intervention en cas de crise, tout en étant en mesure de fournir l'assistance lorsque celle-ci s'avère indispensable. Mais en attendant que l'Union se dote d'institutions et de mécanismes ad hoc permettant d'éviter que la monnaie unique ne soit régie par une forme de chantage qui évoque la dissuasion nucléaire, les Européens semblent assister à la tragédie grecque en attendant un deus ex machina qui tarde à entrer en scène. Gian Paolo Accardo

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi

Vous appréciez notre travail ?

Contribuez à faire vivre un journalisme européen et multilingue, libre d’accès et sans publicité. Votre don, ponctuel ou mensuel, garantit l’indépendance de notre rédaction. Merci !

Lire plus sur le même sujet

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez un journalisme qui ne s’arrête pas aux frontières

Faites un don pour renforcer notre indépendance