Certaines images sont à elles seules des symboles forts. Celle de l'hommage rendu à Helmut Kohl le 1er juillet au Parlement européen, à Strasbourg (photo), en fait partie.
Enveloppé dans le drapeau européen, le cercueil de l'ancien chancelier allemand, décédé le 16 juin dernier, était placé au cœur de l'hémicycle, pour une cérémonie sans précédent. Kohl était l’un des trois "citoyens d'honneur de l'Europe", avec le "père fondateur" Jean Monnet et l'ancien président de la Commission européenne Jacques Delors.
Plusieurs personnalités qui ont côtoyé Kohl lorsqu'il était au pouvoir (1982-1998) étaient présentes, comme l'ancien Premier ministre espagnol Felipe González, l'ex président russe Dmitri Medvedev ou l’américain Bill Clinton qui lui a adressé un hommage très personnel. La chancelière allemande Angela Merkel, dont Kohl fut le mentor politique, ainsi que le président français Emmanuel Macron étaient eux aussi présents, de même que les principaux dirigeants de l'UE. L'image est forte, car, alors que la tentation du repli national se fait sentir dans plusieurs pays, elle témoigne de l'existence d'un réel esprit européen, incarné par une personnalité qui a œuvré à la construction européenne et à l'unité du continent, au-delà de celle de son propre pays.
Le symbole est d'autant plus puissant que la veille, l'on apprenait le décès de la première présidente du Parlement européen, Simone Veil, à 89 ans. Survivante de la Shoah, fervente militante pour les droits des femmes — la loi française sur l'avortement de 1975 porte son nom —, européenne convaincue et figure unanimement respectée en France et en Europe, elle aura incarné, subi et façonné comme peu de personnalités le XXe siècle européen.
Alors que l'on reproche souvent à l'UE de ne pas toucher le cœur des Européens faute entre autres de figures capables de lui donner corps — combien de fois n'a-t-on entendu parler de ces "bureaucrates bruxellois sans visage" —, capables d’entendre et de représenter leurs aspirations et leur craintes, Helmut Kohl et Simone Veil avaient eu cette capacité de par leur histoire personnelle mais aussi à travers leur vision et leur action politiques. Ils avaient compris que la paix et la prospérité du continent (et de leur pays) ne seraient réalisées qu’à travers la poursuite par les Européens d’un destin commun, par-delà les nations.
C’était une autre époque, dira-t-on, l’heure était à l’optimisme et les défis étaient autrement plus importants — et stimulants probablement — que ceux auxquels l’Europe et le monde sont aujourd’hui confrontés. C’est en partie vrai, mais cela justifie-t-il pour autant la tiédeur avec laquelle la plupart des dirigeants européens abordent et envisagent l’avenir de l’Europe ?