Revue de presse Lumière sur le Sud-Est

En Moldavie, en Roumanie et en Bulgarie, l’influence russe reste palpable

Si l’Europe peine toujours à s’extirper des griffes de la Russie, c’est en partie à cause de l’influence que le Kremlin exerce sur l’Europe du Sud-Est. Pour cette revue de presse mensuelle, nous nous intéressons plus particulièrement à l’emprise qu’exerce Vladimir Poutine en Moldavie, en Bulgarie, et en Roumanie.

Publié le 10 avril 2024 à 13:51

À la manière d’un scientifique cherchant un remède contre le cancer, l’Occident tente depuis de nombreuses années de guérir l’Europe de l’influence du despotique Vladimir Poutine. Cette “stabilité” géopolitique a poussé Andrei Pleșu, fondateur de la revue culturelle Dilema Veche, à republier un article intitulé “Slăbiciunile Occidentului” (“Les faiblesses de l’Ouest”), plus de dix ans après sa première publication. Il y fait état des “points faibles” de l’Occident : ses règles, trop nombreuses selon lui, son désir d’objectivité, et sa naïveté, si grande qu’il en arrive même à admirer des leaders tels que Poutine. “En réalité, les rapports ‘diplomatiques’ entre la Russie et le reste du monde évoquent plutôt une dame distinguée tentant d’entraîner un tigre affamé dans un menuet : les choses finissent toujours mal”, conclut Pleșu. 

Dans le même numéro de Dilema, l’anthropologue  Anca Manolescu fait écho aux arguments de Pleșu tout en se montrant plus spécifique dans sa critique de l’Europe. Elle cite notamment les propos de Gabrielius Landsbergis, ministre lituanien des Affaires étrangères (Union de la patrie, centre droit), tirée de son interview avec Ines Trams pour la chaîne de télévision allemande ZDF : “Le réveil a sonné, mais nous ne sommes pas encore sortis du lit”. D’après Manolescu, l’Europe devrait donc “agir plus rapidement, plus largement, et plus résolument.” 

Il suffit de jeter un coup d’oeil à l’Europe du Sud-Est pour comprendre que l’Occident a encore du pain sur la planche avant de pouvoir mettre un terme définitif aux agissements néfastes de la Russie. 

Une Moldavie tiraillée

En Moldavie, le problème vient tout d’abord des régions pro-Russie. Peu de temps après la propagation de rumeurs d’une invasion russe en Transnistrie, Evghenia Guțul, une politicienne pro-Kremlin à la tête de la région autonome de Gagaouzie, a été aperçue à Sotchi en compagnie de Vladimir Poutine.  À son retour, Guțul a déclaré avoir conclu un accord avec l'entreprise russe Gazprom, cette dernière s’engageant à fournir du gaz bon marché à la région. Cité par le journal d’investigation Ziarul de Gardă, le Premier ministre pro-européen moldave Dorin Recean qualifie le gouvernement gagaouze de “bande criminelle” faisant des fausses promesses et devrait répondre de ses actions dans un tribunal. 

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D’un autre côté, la guerre en Ukraine pousse de plus en plus d’églises moldaves à quitter l’Eglise orthodoxe de Moldavie – rattachée à son homologue russe – pour rejoindre l’Eglise orthodoxe autonome de Bessarabie, liée au Patriarcat de Roumanie. Toujours dans Ziarul de Gardă , le maire libéral du village moldave de Răuțel affirme : “L’Eglise orthodoxe russe a également du sang sur les mains. Elle s’est dotée de sa propre armée de mercenaires, formés dans ses églises par des instructeurs des forces spéciales avant d’être envoyés en Ukraine.” 


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La naïveté bulgare au profit des intérêts russes 

Le deuxième pilier de l’influence russe en Europe est la Bulgarie. Celle-ci a naïvement permis à la Russie de construire sur son sol les infrastructures nécessaires à l’acheminement de gaz naturel à travers son territoire. Elle peut désormais approvisionner la Serbie et la Hongrie, deux Etats qui, contrairement à la plupart des autres pays européens, n’ont pas mis un terme à leur collaboration avec Gazprom. Comme le fait remarquer Ivaylo Stanchev, rédacteur en chef du journal bulgare Capital, des documents confidentiels obtenus par son média prouvent que la construction du Turkish Stream à travers la Bulgarie a été dirigée d’une main de fer par la Russie. Ce projet, complété et fonctionnel depuis 2021, a principalement été soutenu par Boïko Borissov (Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie, GERB, centre droit), un conservateur bulgare ayant occupé le poste Premier ministre entre 2017 et 2021. 

Une armée roumaine en manque de moyens

Enfin, si la Roumanie reste elle aussi vulnérable, c’est principalement en raison de son armée. Des données récentes, relayées par le journaliste Andreï Udișteanu sur la plateforme d’investigation Recorder, ont révélé qu’au moins 130 des camions employés par l’armée roumaine sont en service depuis plus de 40 ans. En 2017, trois personnes sont décédées suite à un accident provoqué par un dysfonctionnement de l’un de ces vieux véhicules. “Que ce soit d’un point de vue politique, militaire ou économique, la Roumanie n’est pas prête à jouer un rôle majeur en ce qui concerne les politiques de sécurité européennes et transatlantiques”, confie Goșu à la journaliste Carolina Drüten au cours d’une interview pour la publication en ligne PressOne


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Topalko : “Mes performances sont annulées, et des membres du SNS m’envoient des messages de soutien” 

S. M. S. | N1 | 9 mars | SB

Autre stratégie propre à l’autoritarisme : la censure des artistes qui s’opposent trop ouvertement au régime. Lors de son passage dans l’émission 24 minutes with Zoran Kesić, le chanteur​​ serbe Milan Topalović Topalko avoue avoir fait l’objet de nombreuses critiques, et avoir été contraint d’annuler plusieurs performances, suite à ses commentaires sur les innombrables interventions du président nationaliste Aleksandar Vučić à la télévision. “Etonnamment, j’ai reçu plusieurs messages de membres de SNS (le parti populiste auquel appartient le président) me félicitant pour ce que j’avais dit et m’exprimant leur soutien. Ils ont bien conscience de la véracité de mes propos”, raconte Topalko. 

Une mitrailleuse, des vitres blindées, un détecteur de gaz lacrymogène : voici le nouveau moyen de transport du Procureur Général croate

Dušan Miljuš | Jutarnji List | 25 mars | HR

Ivan Turudić, le nouveau Procureur général de la Croatie, a récemment découvert deux impacts de balle sur sa belle Audi Q5. Cette attaque, pas si inopinée compte tenu des manifestations qui ont suivi sa nomination à ce poste, n’aura pas eu que du négatif : l’ancien juge pourrait se voir offrir une Mercedes trois tonnes, dotée d’un détecteur de gaz lacrymogène, de vitres blindées, et d’une mitrailleuse. La valeur de ce véhicule, destiné à sa protection, est estimée à plusieurs centaines de millions d’euros. 

L’organisation paramilitaire Legion for the freedom of Russia opère également en Bulgarie 

Bivol | 29 février | BG

Legion for the freedom of Russia est une organisation paramilitaire composée de citoyens russes, de russophones vivant en Ukraine, ou de Russes expatriés. Ses membres ont, avec l’aide du média d’investigation Bivol, adressé un message au peuple bulgare expliquant les raisons pour lesquelles ils s’opposent à Poutine. Au sujet de leur drapeau, des légionnaires ont expliqué à un journaliste de Bivol qu’il s’agissait en réalité du “drapeau russe, mais sans sa couleur rouge. Ce sera le nouveau drapeau de la Fédération après la chute de Poutine.” 

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