L'ombre d'une pelleteuse dans une mine de schistes bitumineux à ciel ouvert à Narva (Estonie).

Les schistes, c’est chic

L’Estonie a un atout pour ne pas être dépendante du gaz russe : le schiste bitumineux. Malgré la pollution engendrée, le pays continue donc de l’exploiter et de développer son utilisation.

Publié le 25 avril 2013 à 15:50
L'ombre d'une pelleteuse dans une mine de schistes bitumineux à ciel ouvert à Narva (Estonie).

L’Estonie possède des minerais précieux que pourraient jalouser les deux autres pays baltes. Ce sont les schistes bitumineux.
Il y a peu encore, les heures du pétrole estonien paraissaient comptées. A partir de 2015, les plus vieilles centrales n’auraient plus été conformes aux exigences de plus en plus strictes de l’Union européenne en matière de protection de l’environnement. Construire de nouvelles centrales et acquérir des permis de polluer aurait pu se révéler extrêmement coûteux.
La situation a radicalement changé il y a environ cinq ans. En raison de la hausse significative des prix du pétrole et du gaz dans le monde, poursuivre l’exploitation des schistes est finalement apparu comme relativement bon marché. Les Estoniens ont reconstruit les unités de production les plus anciennes et se sont récemment lancés dans la construction de nouvelles. Ils ont également perfectionné les technologies de transformation des schistes, ce qui a augmenté les quantités de gaz et de mazout obtenues.
Comme la construction d’une nouvelle centrale nucléaire en Lituanie est suspendue [un projet dont la Lettonie et l’Estonie sont partenaires], l’Estonie pourra revendiquer le titre de principal producteur balte d’électricité pour la prochaine décennie. Et l’industrie du schiste, malgré les critiques sur la pollution, ne compte pas réduire son activité.
L’Estonie, qui possède environ 17% des réserves de schistes bitumineux en Europe, est la plus grande utilisatrice de schistes au monde. Si elle maintient le niveau actuel d’extraction, l’Estonie devrait en posséder suffisamment pour les 50 prochaines années.
Pour produire de l’énergie, 80% des schistes utilisés dans le monde sont brûlés en Estonie.

Un mazout apprécié

Voilà près d’un siècle que les Estoniens utilisent les schistes. Les premiers ont été extraits en 1917 et huit ans après, ils servaient de combustibles dans les premières centrales électriques estoniennes. Paul Nikolai Kogerman, le scientifique qui a contribué de manière considérable au lancement de l’industrie du schiste, a été élu en 2000 comme l’une des personnalités estoniennes les plus importantes du XXe siècle.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les occupants allemands se sont particulièrement intéressés aux possibilités d’obtenir du mazout à partir des schistes. Il était bien plus résistant au froid et plus lourd que l’eau, ce qui le rendait particulièrement adapté à son usage dans les sous-marins. Les scientifiques russes ont même cru un temps qu’il serait possible d’enrichir de l’uranium grâce aux schistes estoniens.
Aujourd’hui, un tiers des 12 térawattheures d’énergie électrique produites annuellement en Estonie est exportée. Mais la société d’exploitation des schistes exporte également chaque année 1,2 millions de barils de mazout et 40 millions de mètres cube de gaz.
Les Estoniens cherchent également à partager leur expérience dans d’autres parties du monde. Il y a 3 ans, ils ont conclu un accord avec la Jordanie pour l’application de technologies liées aux schistes et la construction de centrales qui devraient commencer à fonctionner à partir de 2016. L’année dernière, ils ont acquis une entreprise de transformation du schiste dans l’Utah, aux Etats-Unis, pour produire du mazout.

Ski sur scories

La combustion du schiste émet davantage de dioxyde de carbone que d’autres types de minerais. L’Estonie a donc besoin de permis de pollution supplémentaires. Les fonctionnaires européens rappellent constamment que le pays aurait intérêt à bien plus diversifier ses sources de production d’électricité. Les reproches de l’UE ne sont pas sans fondement. Pour produire un kilowattheure, les Estoniens produisent deux fois plus de dioxyde de carbone que la moyenne européenne. Mais les très rationnels Nordiques de la Baltique font la sourde oreille à ces remontrances.
Le dioxyde de carbone n’est pas le seul effet secondaire des schistes bitumineux. Les scories en sont un autre. On peut les comparer à des cendres produites par la combustion des schistes. Une tonne de schiste produit 450 kilos de scories. L’Estonie extrait chaque année environ 17 millions de tonnes de schistes et en brûle la plus grande partie dans les centrales. Cela fait environ 7 millions de tonnes de scories.
Impossible de ne pas s’en apercevoir dans la région de Narva. Des collines artificielles sont fabriquées avec ces scories. Certaines ont été plantées. Un parc de 17 éoliennes a été installé sur une autre. Les Estoniens eux-même s’amusent à l’idée de pouvoir ouvrir dans les prochaines années une véritable station de ski. La première piste fonctionne d’ailleurs depuis cette année.

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi
Tags
Cet article vous a intéressé ? Nous en sommes très heureux ! Il est en accès libre, car nous pensons qu’une information libre et indépendante est essentielle pour la démocratie. Mais ce droit n’est pas garanti pour toujours et l’indépendance a un coût. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à publier une information indépendante et multilingue à destination de tous les Européens. Découvrez nos offres d’abonnement et leurs avantages exclusifs, et devenez membre dès à présent de notre communauté !

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez le journalisme européen indépendant

La démocratie européenne a besoin de médias indépendants. Rejoignez notre communauté !

sur le même sujet