Notre voisin Poutine

Publié le 2 décembre 2011 à 10:33

La crise de la zone euro éclipse l’actualité dans les autres pays. Mais le 4 décembre se déroule un scrutin symbolique, les élections législatives en Russie. Le résultat ne fait guère de doute : malgré divers signes de mécontement dans la population, le parti au pouvoir, Russie unie, devrait continuer à dominer la Douma, fût-ce au prix de quelques pressions sur les électeurs.

Mais cette élection marque le début d’une nouvelle phase du pouvoir de Vladimir Poutine. Après plusieurs années d’une relative incertitude pour savoir lequel du réputé modernisateur Dmitri Medvedev ou de l’impérial Poutine orienterait l’avenir de la Russie, l’ex-président Premier ministre redeviendra très vraisemblablement président en mars prochain. Et cela aura bien sûr des conséquences pour l’UE.

En fondant Saint-Pétersbourg, plus occidentale que la Moscou des tsars, Pierre le Grand voulait ancrer la Russie à l’Europe. Trois siècles plus tard, le Pétersbourgeois Poutine semble avoir choisi le mouvement inverse.

Le projet d’Union eurasiatique qu’il a présentéle 4 octobre sonne pour beaucoup comme un désir de récréer une sorte d’URSS, 20 ans après sa chute, un événement qu’il a qualifié un jour de “plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle”. Il s’agit en effet d’élargir l’union douanière entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan à d’autres anciennes républiques soviétiques comme le Tadjikistan ou le Kirghizstan, voire l’Ukraine si cette dernière choisissait Moscou plutôt que l’UE.

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Mais cette Union eurasiatique va au-delà de la simple nostalgie. Elle marque la volonté de Poutine de poser la Russie en puissance continentale, à mi-chemin entre une Europe qu’il ne voit plus comme un partenaire à la hauteur et l’Asie, qui lui offre des débouchés pour le gaz et le pétrole et à partir de laquelle il peut déployer une diplomatie mondiale alternative.

Vu du Kremlin, la Chine, l’Iran, l’Inde et l’Afghanistan ont désormais plus d’intérêt que les Vingt-Sept, depuis longtemps divisés sur l’attitude à avoir envers la Russie et aujourd’hui affaiblis par la crise.

Reste que la Russie n’abandonne pas complètement son flanc Ouest. Elle est de plus en plus présente en Ukraine — un pays que l’Europe est en train d’échouer à ancrer à sa sphère d’influence.

Elle maintient la Biéorussie sous une surveillance économique qui permet la survie du régime dictatorial d’Alexandre Loukachenko — un échec pour les valeurs européennes. Et elle s’apprête à déployer des missiles balistiques à Kaliningrad, son territoire enclavé entre la Pologne et la Lituanie. Bref, tout en se tournant vers l’Asie, la Russie reste un problème pour l’Europe.

Mais rien ne dit qu’il devrait en être ainsi. Les Européens ne pourront pas éternellement traiter les Russes en voisins dont il faut se méfier. Vladimir Poutine, qui a l’air de savoir ce qu’il veut, est certainement au pouvoir encore pour longtemps.

Cet avantage de la longue durée, l’Union européenne doit être capable de l’utiliser pour savoir ce qu’elle veut à son tour. Elle doit définir une politique ferme mais ouverte envers Moscou. Sous peine d’être encore un peu plus marginalisée.

PS: Nos lecteurs francophones qui voudraient en savoir plus sur la Russie peuvent lire le dernier numéro de Courrier international titré “Back in the USSR”, ou le hors-série “Russie, un autoportrait”.

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