Comme pour toute industrie extractive, la logique fondamentale de la pêche industrielle vise à maximiser les prises tout en minimisant les coûts. Jusqu'à 6 % du total des importations de thon en Europe proviennent de navires battant pavillon européen dans l’océan Indien, faisant de la région un acteur majeur sur un marché qui devrait atteindre 1,98 milliard de dollars d’ici à 2033. Toutefois, le déploiement des flottes européennes dans les zones économiques exclusives (ZEE) d’autres pays est souvent prohibitif, à moins que la Commission européenne n’intervienne.
Dans le cadre des accords de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD), l’UE négocie l’accès aux eaux de pays principalement africains en échange d’un soutien financier et d’investissements dans les pêcheries locales. Rien qu’en 2025, 156,7 millions d’euros du budget de la politique commune de la pêche de l'UE ont été alloués à ces accords. Douze de ces accords sont actuellement en vigueur, et sept d’entre eux portent sur le thon. Si ces accords sont officiellement présentés comme un moyen de promouvoir la durabilité environnementale et de soutenir les économies locales, de nombreux militants écologistes et ONG affirment qu’ils servent avant tout à subventionner les intérêts de l’industrie européenne.
Cet article se penche sur l’un des accords les plus controversés, à savoir l’APPD entre l’Union européenne et la République de Madagascar. Présenté comme un modèle de coopération durable, cet accord révèle en réalité les tensions, les déséquilibres et les risques écologiques qui sous-tendent la diplomatie européenne en matière de pêche.
Des subventions pour l’Europe, des miettes pour Madagascar
En 2023, un nouvel APPD a été signé entre Madagascar et l’UE, accordant à plus de 65 navires de pêche européens (33 palangriers et 32 senneurs) l’accès à la ZEE malgache. Pour seulement 12,8 millions d’euros sur quatre ans, soit moins que la valeur marchande d’une seule prise industrielle de thon, les industries européennes ont obtenu le droit d’extraire 14 000 tonnes de thon par an des eaux malgaches. Selon les données fournies directement par Paubert Mahatante, ministre malgache de la Pêche, sans cet accord, un senneur européen de 3 000 tonnes brutes ou plus devrait payer jusqu'à 537 000 dollars par an pour obtenir l’accès à ces eaux, ce qui entraînerait probablement des coûts supérieurs aux bénéfices d’un tel accord.
Madagascar est l’une des régions les plus pauvres d’Afrique. Près de 85 000 pêcheurs vivent dans ses zones côtières. Ces derniers sont confrontés à de graves pénuries alimentaires et font partie des populations les plus exposées aux phénomènes météorologiques extrêmes liés au changement climatique, tels que les sécheresses et les cyclones. La province de Tuléar (Antsimo-Andreafana), la plus pauvre du pays, compte 196 villages de pêcheurs qui rassemblent près de 8 000 familles de pêcheurs. La plupart de ces familles appartiennent au peuple Vezo, un groupe ethnique de pêcheurs qui naviguent traditionnellement à bord de pirogues en bois équipées de voiles rudimentaires. Ces familles vivent actuellement dans des conditions d’extrême pauvreté et de malnutrition, et disposent d’un accès restreint aux services d’hygiène de base.
Depuis les années 1980 et la financiarisation de l’économie, les acteurs de la finance nous ont appris que toute faille dans la loi cache une opportunité de gain à court terme. Les journalistes récompensés Stefano Valentino et Giorgio Michalopoulos décortiquent pour Voxeurop les dessous de la finance verte.
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