La rentrée est supposée être une période très spéciale de l'année, faite de nouveaux départs et de toutes ces choses enthousiasmantes qui font l’automne. Ainsi, même si ces articles ne semblent pas être très optimistes, je vous encourage à les considérer comme autant d’outils pour vous orienter dans l'obscurité d’aujourd’hui. Car comme l’écrivait Virginia Woolf en 1915 : "Le futur est sombre, ce qui est la meilleure chose qu’un futur puisse être, je pense."
Bonne lecture !
Notre sélection
Pollution de l’air : pratiquement toute la population européenne respire un mauvais air
Rodrigo Menegat Schuinski et Pamela Duncan | Deutsche Welle | 9 juillet | EN
Cette enquête, menée par Rodrigo Menegat Schuinski et Pamela Duncan pour le média allemand Deutsche Welle (DW) en partenariat avec l’European Data Journalism Network (EDJNet) a mis en évidence une grave crise de santé publique en Europe. 98% de la population du continent vivrait dans des zones aux niveaux de pollution atmosphérique dangereux pour la santé et dépassant les recommandations définies par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Des données provenant de plus de 1400 stations de mesure et d'images satellite ont révélé que près des deux tiers des Européens résideraient dans des zones où la pollution de l'air est deux fois supérieure aux normes de l'OMS. Par ailleurs, de fortes disparités territoriales, notamment entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest, existeraient également. La circulation, l'industrie, le chauffage domestique et l'agriculture sont les principales sources de pollution, et les communautés les plus pauvres en sont les premières victimes. La carte interactive de DW met en évidence les régions les plus touchées du continent. L’enquête a notamment été reprise par divers médias européens, notamment Le Soir (Belgique), H-Alter (Croatie), Panorama (Albanie), El Confidencial (Espagne), Wydarzenia (Pologne) et Seznam Zpravy (République tchèque).
Maroc, Lybie, Grèce : “Plus la société est inégalitaire, plus la catastrophe est meurtrière”
Alexandre-Reza Kokabi | Reporterre | 13 septembre | FR
Les investissements dans les biens communs, la répartition des richesses et les dynamiques de pouvoir ont un impact significatif sur la vulnérabilité d'une population aux catastrophes naturelles. Jean-Paul Vanderlinden, comme le souligne le professeur d'économie écologique à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, lors de cette interview avec Alexandre-Reza Kokabi pour le média français Reporterre. L’impact meurtrier des catastrophes comme la tempête Daniel – qui a frappé la Libye et la Grèce en septembre – ou encore le tremblement de terre au Maroc s’explique par le croisement de trois facteurs clés, selon l’universitaire. Premièrement, l’apparition d’événements rares et imprévisibles (ou "aléas”), comme des tempêtes ou des tremblements de terre. Ensuite, l'exposition des populations à ces événements, c’est-à-dire leur proximité par rapport au risque donné. Enfin, les différents niveaux de vulnérabilité individuelle, déterminés par des facteurs tels que la santé ou l’âge, augmentent les risques de pertes humaines.
Si les caractéristiques individuelles sont importantes, les facteurs collectifs tels que l'accès aux soins de santé, l'éducation et la stabilité économique, sont quant à eux encore plus significatifs. Une organisation publique réduit en général la vulnérabilité, tandis que les régions marquées par l'inégalité, l'instabilité et la faiblesse des institutions voient la vulnérabilité augmenter. La volonté politique et l'organisation collective deviennent donc rapidement essentielles pour permettre aux populations de résister aux catastrophes.
Comment les investissements “verts” financent le “Big Carbon”
Giorgio Michalopoulos et Stefano Valentino | Voxeurop | 10 octobre | FR, EN, DE, IT
Enfin, un peu d'autopromotion pour Voxeurop, au cas où vous l'auriez manqué : Giorgio Michalopoulos et Stefano Valentino ont passé plusieurs mois à enquêter sur la manière dont les institutions financières européennes promeuvent les investissements "verts" supposés financer des projets durables, mais soutenant au final les géants de l’industrie des combustibles fossile. La société de gestion d’actifs Eurizon a par exemple investi plus de 208 millions de dollars US dans des sociétés d'hydrocarbures dans le cadre de ses fonds "durables et responsables" en 2022. En Italie et en France, les entreprises du secteur des combustibles fossiles ont ainsi récolté près de 7 milliards d'euros grâce aux fonds verts en avril 2023, en exploitant les critères ambigus de définition des investissements "durables" – sans évidemment atteindre de véritables objectifs de durabilité.
Cette enquête a remporté le prix Lorenzo Natali Europe Media Prize 2023, qui a été décerné le 11 octobre à Bruxelles.

À lire aussi
Un rapport d’ONG révèle que le géant pétrolier italien Eni avait connaissance du changement climatique – il y a plus de 50 ans
Stella Levantesi et Benjamin Franta | DeSmog | 24 septembre | EN
Selon un rapport de Greenpeace Italie et de ReCommon, la compagnie pétrolière italienne Eni était consciente des risques climatiques liés à l'extraction des combustibles fossiles depuis 1970. Cette révélation survient alors qu’une action en justice est intentée contre Eni par les deux ONG, qui accusent l'entreprise d'écoblanchiment et de lobbying en faveur de la production de pétrole et de gaz alors qu'elle connaissait les risques liés aux combustibles fossiles. Le rapport cite des documents du centre de recherche et des filiales d’Eni datant des années 1970, qui mettaient déjà en garde contre les risques climatiques catastrophiques liés aux émissions de dioxyde de carbone.
La carte grecque servant à anticiper les feux de forêt est anachronique et inadaptée
Kostas Zafeiropoulos | MIIR | 4 août | EN
Les feux de forêt qui ont frappé la Grèce en juillet 2023 ont détruit 470 000 hectares en 13 jours, en plus de mettre en évidence l'inadéquation de la réponse du pays aux phénomènes météorologiques extrêmes. Cette enquête du Mediterranean Institute for Investigative Reporting (MIIR) révèle que durant la période allant de 2016 à 2020, seulement 16,05 % des fonds publics alloués à la lutte contre les incendies ont été consacrés à la prévention, tandis que 83,95 % ont été alloués à la gestion des feux une fois ceux-ci déclarés. L’emploi d’une carte du pays supposée aider à prévoir les risques d'incendie – un document établi par la protection civile, peu clair et reposant largement sur l'intuition plutôt que sur des données scientifiques – pourrait expliquer ce déséquilibre.
L’approvisionnement en huile d’olive de l’Europe s’épuise à cause de la sécheresse – et d’une inhabituelle tempête de grêle
Sarah Butler, Sam Jones et Helena Smith | The Guardian | 28 septembre | EN
L'Europe est confrontée pour la deuxième année consécutive à une pénurie d'huile d'olive, en raison de conditions météorologiques extrêmes qui ont endommagé les récoltes. La production mondiale devrait chuter à 2,4 millions de tonnes pour la période 2022-2023 – largement inférieur à la demande totale de 3 millions de tonnes. L'Espagne, le plus grand producteur mondial d’huile d’olive, a été profondément marquée par plusieurs désastres climatiques et a dû recourir à des importations en provenance d'Amérique du Sud pour combler ses stocks. L'Italie, la Grèce, le Portugal, la Turquie et le Maroc sont également confrontés à des baisses de production dues aux vagues de chaleur et à la sécheresse.
Eau polluée : Une entreprise charbonnière paie pour dissimuler la vérité
Annika Joeres, Elena Kolb, Katarina Huth | CORRECTIV | 23 septembre | DE
Le maire de Francfort-sur-l'Oder, René Wilke (Die Linke, gauche), n'a pas le droit de discuter de la façon dont l'exploitation minière menace l'eau potable de la ville. La raison ? Un accord de confidentialité conclu avec le géant du charbon Leag, comme le révèle cette enquête de l’ONG allemande CORRECTIV. L'accord confidentiel interdit également à la ville de porter plainte contre les effets néfastes de l'exploitation minière sur la qualité de l'eau.
Malgré l'augmentation des niveaux de sulfate dans l’eau due aux activités minières dans l’Etat du Brandebourg, les villes touchées par l’exploitation minière et les associations de protection de l'eau concluent régulièrement des accords de non-divulgation comme celui-ci, en échange d'une compensation financière.
Les jeunes activistes pour le climat, un électorat enfin devenu influent
Angelo Romano | Valigia Blu | 29 septembre | IT
Plus de 70 000 militants du climat se sont rassemblés à New York en septembre 2023 à l'occasion de l'Assemblée générale des Nations unies et du sommet sur l'ambition climatique tenu dans le même temps. Avec le soutien de plus de 700 organisations mondiales de défense du climat, ils ont exhorté le président américain Joe Biden à mettre un terme aux nouveaux projets d'exploitation des combustibles fossiles.
Au fil des ans, les actions en justice ont également gagné en popularité, de jeunes activistes poursuivant de plus en plus les Etats en raison de leurs politiques climatiques inadéquates. Le journaliste Angelo Romano souligne dans son analyse que l'activisme climatique connaît une résurgence importante dans ces années post-pandémie et rappelle qu’un jour, les jeunes prendront le contrôle du monde.
Les écologistes espagnols fêtent l’exclusion du terme “écologisme radical” de la catégorie “terrorisme”
EFE, Público | 25 septembre | ES
Les bonnes nouvelles ne manquent pas non plus ! Cette année, le bureau du procureur général de l'Espagne n'a pas classé des termes tels que "environnementalisme radical" (faisant référence à des groupes comme Extinction Rebellion et Futuro Vegetal, connus pour leur combat contre la crise climatique) dans la catégorie "terrorisme", comme il l'avait fait dans son rapport 2022. Plusieurs ONG ont salué cette décision dans une déclaration commune, qu’elles voient comme un geste contre la "criminalisation" et le "discrédit" des activistes climatiques. Le procureur général espagnol a par ailleurs fait savoir aux écologistes qu'il "partageait et approuvait leur déclaration sur la nécessité de l'activisme environnemental pour faire progresser la protection essentielle de l'environnement au sens le plus large".
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Depuis les années 1980 et la financiarisation de l’économie, les acteurs de la finance nous ont appris que toute faille dans la loi cache une opportunité de gain à court terme. Les journalistes récompensés Stefano Valentino et Giorgio Michalopoulos décortiquent pour Voxeurop les dessous de la finance verte.
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