Actualité La Bulgarie aux urnes

Trois référendums et une présidentielle

Le 6 novembre, les Bulgares doivent choisir le nouveau chef de l'Etat. La présidente du Parlement et un général de l'armée de l'air à la retraite sont les favoris. Les électeurs vont également s'exprimer par référendum sur trois questions très sérieuses posées à l'initiative du plus célèbre animateur de télévision du pays.

Publié le 3 novembre 2016 à 17:38

Le 6 novembre, les Bulgares sont appelés à élire leur nouveau président. En Bulgarie, bien qu’élu au suffrage universel, le chef de l’Etat a principalement une fonction de contrôle et de représentation. Pourtant, les résultats de cette élection pourraient avoir d’importantes conséquences sur un scénario politique agité. En plus de la présidentielle se dérouleront en même temps une série de référendums qui pourraient modifier le système électoral et le financement public des partis.

Une importante nouveauté est constituée par l’introduction du vote obligatoire, qui devrait faire grimper le taux de participation au vote, habituellement plutôt bas en Bulgarie. Déjà appliqué lors de cette présidentielle, il a comporté l’ajout de la mention “je ne soutiens aucun des candidats” sur les bulletins de vote. Une option qui a provoqué plusieurs complications, en raison de son caractère ambigu : les bulletins avec cette mention doivent-ils être comptabilisés au regard de la participation, mais exclues du décompte des voix ? Au point que les parlementaires ont dû écourter leurs vacances pré-électorales d’été pour amender en urgence la loi électorale, à quelques semaines du vote.

Un duel ?

Les prétendants au poste de président de la République sont plusieurs dizaines, mais, d’après les sondages, les seuls à avoir une véritable possibilité sont Tsetska Tsatcheva, actuelle présidente du Parlement national et candidat du GERB, le mouvement de centre-droit au pouvoir, et Rumen Radev, ex-commandant en chef de l’armée de l’air et candidat du Parti socialiste, qui mène l’opposition. Les deux, selon les principaux instituts de sondage, se démarquent nettement des autres candidats et devraient se retrouver au second tour.
La candidature de Tsetska Tsatcheva, en tête des sondages, a été particulièrement laborieuse. Après que l’actuel chef de l’Etat, Rosen Plevneliev, élu en 2011 avec le soutien du Premier ministre Boïko Borisov, a annoncé qu’il ne briguerait pas de second mandat, le GERB a eu beaucoup de peine à lui trouver un possible successeur.
La maire de Sofia, Yordanka Fandakova et celui de Burgas, Dimitar Nikolov, tout deux très populaires, ainsi que le vice-Premier ministre Tomislav Donchev, étaient parmi les favoris, mais à la fin, c’est Tsacheva, considérée comme une fidèle parmi les fidèles de Borisov, qui a été choisie.
Le Parti socialiste, qui sort tout juste d’une longue période de disette électorale, a misé pour sa part sur une personnalité externe au sérail politique. Jusqu’à l’été dernier en effet, l’ex-général Rumen Radev commandait les forces de l’air bulgares, couronnement d’une carrière entièrement vouée à l’armée et loin de la politique. Par le passé, il était entré en conflit avec Borisov sur les choix relatifs à la relance de l’armée de l’air bulgare, et il a fini par démissionner peu avant d’accepter d’être candidat à la présidentielle.

Le débat

Tsetska Tsatcheva, première femme à occuper le poste de président du Parlement bulgare, bénéficie du soutien de l’appareil du GERB et d’un profil institutionnel classique, mais on lui reproche son peu de charisme et sa trop forte dépendance envers Borisov. Bref, une candidature faible, ce que les dernières sorties de ce dernier semblent confirmer. Après les premières réactions tièdes à la candidature de Tsatcheva, Borisov a menacé de quitter son poste si elle ne se qualifiait pas au moins pour le second tour, jetant ainsi tout son poids politique sur sa candidate.
Le général Radev, pour sa part, compte sur le fait qu’il peut se présenter comme un technicien externe à la politique, malgré qu’il soit soutenu par un Parti socialiste encore perçu comme un des principaux responsables du status quo en Bulgarie.
Bien que sur des fronts opposés, les deux principaux prétendants à l’investiture suprême ont eu du mal à afficher des idées et des positions réellement alternatives. Leur premier débat télévisé n’a pas suscité de bouffées d’adrénaline et s’est concentré surtout sur les priorités de la politique étrangère bulgare, basée sur les trois axes principaux qui déterminent aujourd’hui la position de Sofia dans le monde : l’Union européenne, la Russie et la Turquie (cette dernière avant tout en ce qui concerne la gestion des phénomènes migratoires).
La seule question qui a provoqué quelques étincelles concerne les relations avec Moscou : à la question “à qui appartient la Crimée ?”, Tsatcheva a répondu en évoquant “une invasion et une violation gravissime de la part de la Russie”, alors que Radev a esquivé, en répondant laconiquement que “le destin de la Crimée dépend du peuple de Crimée”. Accusé de “russophilie” par ses adversaires, Radev a toutefois confirmé sa fidélité à l’axe euro-atlantique, en précisant qu’”être pro-Européen ne veut pas dire devoir être anti-russe.”

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Les référendums

En plus de choisir le nouveau chef de l’Etat, les Bulgares devront s’exprimer sur trois référendums. Ils concernent l’introduction d’un système électoral majoritaire à deux tours, celle du vote obligatoire pour les autres élections et la limitation du financement public aux partis politiques à un lev (50 centimes d’euro) pour chaque voix valide reçu par les parlementaires.
Les trois référendums n’ont pas été initiés par une force politique, mais par le plus célèbre showman bulgare, Slavi Trifonov, star incontestée de la télévision depuis le début des années 1990 et animateur depuis 2000 du "Slavi Trifonov Show", à l’antenne chaque soir sur la chaîne privée bTV. Il y relit sous un angle satirique les faits du jour, sans renoncer à exprimer sa propre position sur les thèmes d’actualité et sur la politique.
Avec ses collaborateurs, et en profitant de la scène télévisuelle, Trifonov a décidé de lancer une série de référendums avec l’objectif de révolutionner le système institutionnel et – peut être – de se lancer en politique grâce au tremplin du petit écran. Trois des six référendums proposés à l’origine, probablement ceux qui auraient eu un impact plus importants (réduction de moitié du nombre de parlementaires, introduction du vote électronique, élection directe des préfets de région), ont toutefois été retoqués par la Cour constitutionnelle.
A ce jour l’outil du référendum, introduit il y a peu en Bulgarie, n’a produit que peu d’effets sur le cadre politique et institutionnel, en raison notamment de la faible participation. L’introduction du vote obligatoire nourrit auprès du comité référendaire l’espoir que, si le “oui” devait l’emporter, la Bulgarie pourrait elle aussi – comme l’Italie de Beppe Grillo – assister à la transformation d’un brillant personnage du spectacle en leader politique anti-système.

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