Une France hollandaise

Publié le 24 février 2012 à 14:35

Qui, en Europe, connaît François Hollande ? Le candidat socialiste à l’élection présidentielle française est beaucoup plus discret que le président sortant Nicolas Sarkozy, et il a pour l’instant peu fréquenté la scène internationale. Mais le 6 mai au soir, il pourrait être le chef du deuxième Etat le plus influent de l’UE, le nouvel alter-ego de la chancelière Angela Merkel. Pour l’instant, les sondages le donnent gagnant avec jusqu’à 20 points d’écart sur Sarkozy. Il faut donc commencer à s’intéresser à ce personnage longtemps considéré comme un politicien d’appareil un peu falot.

En décembre, François Hollande a fait son entrée dans le débat européen en annonçant que s’il était élu, il renégocierait le pacte budgétaire signé par vingt-cinq Etats membres. "S’il n’y a pas une dimension de croissance, de soutien de l’activité et de l’emploi et une coordination efficace des politiques économiques, nous ne pouvons pas en l’état reprendre ce traité", a-t-il réaffirmé début février. Le moins que l’on puisse dire est que cette position, qualifiée d’irresponsable par Nicolas Sarkozy et ses ministres, a été accueillie à Berlin avec un certain scepticisme.

Venu à la politique avec François Mitterrand, longtemps proche de Jacques Delors, François Hollande est ce que les Français appellent “un Européen de raison” plutôt que de coeur. Un trait générationnel qu’il partage avec de nombreux dirigeants actuels. Mais il est le candidat d’un parti qui s’est profondément divisé lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne, ce qui le pousse peut-être à une plus grande prudence sur les dossiers européens.

En témoigne le vote qui a eu lieu le 21 févrierà l’Assemblée nationale. Les députés français ont ratifié le Mécanisme européen de stabilité, la caisse de 500 milliards d’euros destinée à aider les Etats en difficulté. Pris entre sa promesse de renégocier le pacte budgétaire et la nécessité de ne pas bloquer une mesure essentielle pour garantir la stabilité de la zone euro, Hollande a prôné l’abstention des députés du Parti socialiste. Ce qui n’a pas empêché 20 élus de voter contre, démontrant ainsi que s’il accédait au pouvoir, le président Hollande pourrait être contesté par son camp politique lorsqu’il s’agit d’Europe.

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Est-ce à dire qu’il serait impuissant ? Même s’il doit encore préciser sa vision européenne et lever les ambiguités de son parti, Hollande ne serait pas isolé. Certes l’Allemagne d’Angela Merkel, appuyée par des pays comme la Finlande et les Pays-Bas et par le Commissaire européen aux Affaires monétaires, Olli Rehn, maintient sa ligne de discipline budgétaire et de réduction des déficits. Mais comme l’a démontré la lettresignée cette semaine par 12 chefs de gouvernements, dont le Britannique David Cameron et l’Espagnol Mariano Rajoy, que l’on ne peut pas qualifier de dépensiers, l’idée d’une politique de croissance fait son chemin en Europe.

S’il est élu, François Hollande ne pourra certainement pas renégocier le pacte budgétaire, qui a pour l’instant apaisé la crise. Mais il sera une voix de plus pour infléchir la politique de rigueur actuelle. Dans la discrète compétition qui se joue entre la France et l’Italie de Mario Monti pour être le partenaire-contrepoids de l’Allemagne, ce que dira Hollande d’ici le 6 mai aura son importance. C’est pour cela que tous les Européens doivent être attentifs. Et c’est pour cela qu’il doit parler clairement.

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