L’Ukraine, la Russie et la Biélorussie saluent le retour de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis

Il existe peu d'endroits où la récente victoire de Donald Trump pourrait avoir des conséquences aussi importantes qu'en Europe de l'Est. Et à en juger par la rhétorique du 47ème président américain et de son entourage, cette victoire pourrait être dévastatrice pour la sécurité de la région.

Publié le 13 novembre 2024

La plus grande inquiétude concerne les déclarations de Donald Trump sur le soutien militaire à l'Ukraine. L'ancien magnat de l'immobilier (et criminel condamné) a déclaré à plusieurs reprises qu'il ne voyait aucune raison pour que les contribuables américains paient pour armer le pays et qu'il avait un plan simple pour mettre fin à la guerre. En pratique, ce plan consisterait à forcer Kiev à faire des concessions à la Russie. Dans un tel scénario, qui impliquerait également un assouplissement des sanctions à l’égard de la Russie, Trump donnerait effectivement au Kremlin le temps et les ressources nécessaires pour reconstruire son armée en vue d'une nouvelle attaque. Et peut-être que cette fois-ci, l'Ukraine ne serait plus la seule cible.

C'est pourquoi Volodymyr Zelensky a été l'un des premiers dirigeants mondiaux à féliciter Trump pour sa victoire et à faire l'éloge de son approche des affaires internationales, qui est censée reposer sur le principe de "la paix par la force". Que Zelensky y croie lui-même n'a pas d'importance. Ce qui importe, c'est que le président ukrainien comprenne qu'il doit se mettre au travail dès que possible avec le matériel dont il dispose : il doit s'attirer les faveurs de Trump, dont l'approche repose moins sur la raison que sur des sympathies et des animosités personnelles. Outre son message élogieux sur X, Zelensky a également eu une conversation téléphonique avec Trump, qu'il a qualifiée par la suite d'excellente.

Peut-être Zelensky gagnera-t-il le cœur de Trump sur la base de leur statut commun d'outsiders dans les rassemblements de dirigeants mondiaux. Ou peut-être Trump et son entourage peuvent-ils être persuadés qu'en donnant au criminel de guerre russe ce qu'il veut, les Etats-Unis auront l'air d'un perdant ? Peut-être le lobbying de l'industrie américaine de l'armement, qui a grandement bénéficié de la guerre, jouera-t-il un rôle ? Tels sont les quelques leviers d'influence dont dispose l'Ukraine. Rien ne garantit qu'ils fonctionneront.


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Lorsque Trump a remporté sa première élection présidentielle en 2016, on a sabré le champagne à la Douma russe. Littéralement : Vladimir Jirinovski, le défunt franc-tireur de la politique russe, avait organisé un banquet pour marquer l'occasion. Le Kremlin pensait que Donald Trump serait son homme à la Maison-Blanche ; la réalité s'est avérée plus complexe. Malgré son affection affichée pour Vladimir Poutine, Trump n'a pas mené une politique pro-russe. C'est pourquoi l'ambiance à Moscou est plus calme cette fois-ci. Le portail indépendant Viorstka a rapporté le 6 novembre que Poutine avait félicité Trump en privé, par l'intermédiaire de connaissances mutuelles non précisées. Des félicitations publiques ont été adressées par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, ainsi que par Dmitri Medvedev et les présidents des deux chambres du parlement russe.

Andrei Peretzhev, un correspondant de Meduza connu pour avoir de nombreux contacts au sommet du gouvernement russe, a appris d'eux que le Kremlin considère toujours Trump comme "son moujik” (paysan de l’Empire russe). Apparemment, les manières de Trump le rendent simplement plus compréhensible que l'élite démocrate. En réalité, et malgré la déclaration moqueuse de Poutine en faveur de Kamala Harris avant l'élection, le Kremlin ne soutenait aucun des deux candidats. Ce qu'il recherche encore aujourd’hui, c'est une polarisation qui débouchera sur des manifestations et des émeutes, sapant ainsi la démocratie américaine.

Les félicitations publiques de Poutine à l'égard de Trump ont finalement eu lieu lors d'une réunion du Club Valdaï (un cercle de réflexion russe créé à l’initiative de Vladimir Poutine). À la fin d'une session de trois heures, lorsqu'on lui a demandé s'il rencontrerait le président américain si ce dernier lui proposait, Poutine a répondu qu’il était prêt à l’éventualité où les dirigeants occidentaux voudraient renouer les contacts avec la Russie. Il a profité de l'occasion pour féliciter Trump. Auparavant, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait été interrogé par des journalistes sur les félicitations officielles de la présidence russe, et avait répondu que celle-ci n’avaient pas lieu d’être, les Etats-Unis étant un pays considéré comme inamical par la Russie.

Près de Minsk, le 7 novembre, en marge d'un championnat de coupe de bois (auquel il participait), le président biélorusse Alexandre Loukachenko s'est longuement exprimé sur Trump et sa victoire à l'élection présidentielle américaine, rapporte Zerkalo. "Trump est une véritable puissance", a déclaré Loukachenko. "Il s'en sort très bien, indépendamment de ce que je pense de lui. Il était difficile de croire qu'il pouvait gagner. Il y avait les tirs, la pression, ils voulaient le mettre en prison et ainsi de suite, mais il a réussi. Et il l'a fait alors qu'il s'était déjà présenté sans succès à l'élection présidentielle. C'est sa réussite personnelle au nom du peuple américain. De ce point de vue, c'est un homme bon".

Loukachenko a également mentionné la promesse de Trump de mettre fin aux guerres, y compris celle en cours en Ukraine. "S'il réussit, nous poserons sa candidature pour le prix Nobel de la paix, et il l'obtiendra", s'est réjoui le dirigeant biélorusse. "Nous espérons qu'il tiendra sa promesse. Mais l'Amérique n'est pas la Biélorussie. Il se peut qu'il l'oublie ou quelque chose comme ça". Loukachenko a ajouté que la fin de la guerre en Ukraine ne dépendait pas uniquement de Trump. "Il essaiera de mettre fin à la guerre, mais ce n'est pas un processus unilatéral. Il faut amener d'autres personnes, et peut-être pas seulement la Russie. De très nombreux pays sont concernés”. Telles étaient les pensées du dictateur biélorusse, usurpateur de la présidence de son pays depuis 2020, qui se prépare maintenant à une nouvelle "élection". Elle est prévue pour fin janvier 2025. Son slogan de campagne : "Il le faut !".

Le site officiel du président biélorusse a rapporté que Loukachenko avait félicité Trump pour sa victoire au lendemain de l'élection américaine. Le dictateur a souhaité au nouveau président américain une bonne santé et des décisions politiques judicieuses qui “rendront sa grandeur à l’Amérique”.

Après les célébrations au parlement russe en 2016, c'est au tour du Sejm (parlement) polonais en 2024 de sabrer le champagne. Les populistes de droite de Jaroslaw Kaczynski (PiS, extrême droite), qui ont perdu le pouvoir au profit d'une coalition dirigée par Donald Tusk (PO, centre droit) il y a un an, n'ont pas pu contenir leur euphorie face à la tournure des événements à l'étranger. Les députés du parti Droit et Justice ont applaudi bruyamment et scandé le nom du nouveau président américain. Le parti estime que la victoire du businessman lui donne un coup de pouce politique avant l'élection présidentielle de l'année prochaine, augmentant ainsi ses chances de revenir rapidement au pouvoir. Dans les rangs du PiS, on rêve d’une présence de Trump à un meeting préélectoral, voire d’une démission du gouvernement actuel à la suite de la victoire de Trump. Un parti qui a construit son identité sur la résistance à la dictature de Bruxelles n'a plus de limites lorsqu'il s'agit d'afficher sa servilité à l'égard de Washington.

Quel genre d'ami Trump sera-t-il ? Nous le saurons dès l'année prochaine.

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