Ramsés Ukraine

La prudence de la Belgique sur les avoirs russes gelés est une trahison de l’Ukraine

Le refus de la Belgique de saisir les milliards russes bloqués dans une société basée à Bruxelles pour aider l'Ukraine est présenté comme une mesure de prudence. En réalité, il protège les profits au détriment des principes et risque de transformer le cœur financier de l'Europe en un refuge pour l'agression.

Publié le 19 novembre 2025

Lors de la 80e Assemblée générale des Nations unies à New York fin septembre 2025, le nouveau Premier ministre belge Bart De Wever a rejeté la proposition de la Commission européenne d'utiliser les profits des avoirs russes gelés pour soutenir l'Ukraine, déclarant catégoriquement qu'une telle décision “ne sera jamais prise”. Devant les dirigeants mondiaux réunis à New York, M. De Wever a déclaré : “Saisir l'argent de Poutine et nous laisser assumer les risques. Cela n'arrivera pas, je tiens à être très clair à ce sujet.” Il a ajouté qu'une telle mesure pourrait nuire à la confiance dans la zone euro si les réserves des Etats membres étaient considérées comme soumises à des décisions politiques.

Moins d'un mois plus tard, lors du Conseil européen du 23 octobre à Bruxelles, M. De Wever a réitéré sa position. Il a insisté sur le fait que la Belgique avait besoin de “garanties concrètes et solides” avant de soutenir ce projet, qu'il a qualifié de “territoire inconnu”. La position de son gouvernement serait préventive : Euroclear, la chambre de compensation basée à Bruxelles qui détient environ 200 milliards d'euros d'actifs immobilisés de la banque centrale russe, ne doit pas être exposée à des contentieux ou à des pertes financières. Certains commentateurs ont tenté de présenter cela comme un assouplissement de sa position initiale. Ce n'était pas le cas. Il s'agissait de la même rhétorique intransigeante, présentée sous un autre jour, et peut-être destinée à gagner du temps et à détourner les critiques.

Ces dernières semaines, De Wever a légèrement modifié son discours, redéfinissant la position de la Belgique comme “constructive mais prudente”. Après une réunion technique avec la Commission européenne le 7 novembre, il a insisté sur le fait que la Belgique resterait ouverte à la discussion uniquement si les autres États membres partageaient les risques juridiques et financiers. En substance, le discours s'est adouci, mais le fond reste inchangé : le même refus, désormais drapé dans un langage procédural et des promesses conditionnelles.

Depuis, la Belgique dépeint sa résistance comme une gestion financière prudente. Mais dans toute l'Europe, de Berlin à Vilnius, les critiques voient les choses différemment : ils y voient un acte d'obstruction qui privilégie le confort des banquiers au détriment du devoir moral de demander des comptes à Moscou. Ce que De Wever décrit comme “la protection des intérêts de la Belgique” ressemble de plus en plus à la protection d'une source lucrative de revenus issus des intérêts des fonds russes gelés.

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Derrière le discours prudent se cache quelque chose de bien plus corrosif : une volonté de protéger les profits au détriment des principes et des vies humaines, alors même qu'une agression brutale fait rage aux portes de l'Europe.

L'Europe est assise sur l'argent sale de la Russie, mais Bruxelles tergiverse. Alors que l'Ukraine se bat pour sa survie, le Premier ministre belge protège les banquiers contre les risques. Soyons clairs : les dictateurs cachent déjà leurs fortunes à Dubaï, dans des paradis fiscaux offshore et dans des coffres-forts remplis d'or. Prétendre que la saisie des milliards gelés de la Russie briserait soudainement la confiance mondiale dans l'euro est un mensonge. Ce n'est pas de la prudence, c'est de la lâcheté déguisée en prudence. Et lorsque l'économie la plus riche d'Europe, l'Allemagne, appelle à l'action, le veto de la Belgique ressemble moins à une hésitation qu'à de la complicité.


Si le système financier européen protège plus scrupuleusement les milliards tachés de sang des sponsors de la guerre de Poutine qu'il ne protège les enfants ukrainiens, alors quelque chose est profondément pourri au cœur de cet ordre économique


Quels risques sont plus grands que de permettre à la Russie de financer sa machine de guerre alors que l'Europe prêche des valeurs qu'elle refuse d'appliquer, tandis que cette même Russie mène des opérations de guerre hybride sur le sol de l'UE, y compris en Belgique ? Le territoire belge a été le théâtre d'opérations de réseaux soupçonnés d'être pro-Kremlin et de campagnes d'influence clandestines, signe évident que la guerre dont nous discutons est déjà présente dans l'arrière-cour de l'Europe.

Pourtant, alors même que ces menaces se concrétisent chez eux, les dirigeants belges semblent plus préoccupés par les risques hypothétiques pour la zone euro que par les dangers réels qui se trouvent déjà à leur porte. Si la Belgique craint que d'autres pays retirent leurs réserves de la zone euro, alors peut-être que ces pays ont-ils déjà prévu de suivre la voie de la Russie. Ceux qui ont l'intention de faire la guerre, de bafouer les libertés et de défier le droit international ne confient pas leurs trésors à la Belgique par bienveillance – ils les cachent à travers des réseaux obscurs, des élites corrompues et des mécanismes financiers opaques.

La rhétorique de De Wever comporte également une note d'arrogance évidente. En présentant son refus comme la seule voie “responsable”, il dépeint des dirigeants tels que l'Allemand Friedrich Merz, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et les gouvernements baltes et polonais comme d’imprudents rêveurs, des moralistes sentimentaux qui ne comprennent pas le “monde réel”.

Ce faisant, il dévalorise leur courage et se moque de l'idée même que les principes ont encore leur place en politique. Son attitude suggère que la rigueur morale est naïve et que seuls les banquiers comprennent la réalité. Mais l'histoire se souvient rarement de ceux qui se sont cachés derrière la prudence – elle se souvient de ceux qui ont agi au moment où cela comptait le plus.

Ce débat ne porte pas sur la “confiance dans l'euro”. Il porte sur les intérêts que l'Europe protège. Euroclear, la chambre de compensation basée à Bruxelles qui détient la plupart des actifs gelés, profite du fait de protéger des fortunes couvertes de sang. La Belgique craint la responsabilité juridique, mais l'Europe devrait craindre quelque chose de bien plus grave : l'effondrement de sa crédibilité. Comment l'UE peut-elle prôner la solidarité avec l'Ukraine tout en bloquant la voie la plus directe pour faire payer l'agresseur ?

Accordons même à De Wever le bénéfice du doute. Admettons qu'il ait tout à fait raison, que l'utilisation des avoirs russes gelés pourrait rendre la zone euro moins “sûre” pour placer des fonds souverains.

Business is business 

L'Europe ne devrait jamais être un refuge pour les criminels, les oligarques ou les régimes génocidaires. Si le système financier européen protège plus scrupuleusement les milliards tachés de sang des sponsors de la guerre de Poutine qu'il ne protège les enfants ukrainiens, alors quelque chose est profondément pourri au cœur de cet ordre économique. La zone euro devrait être un sanctuaire pour les Etats respectueux de la loi, et non pour les profiteurs de guerre qui se cachent derrière des subtilités juridiques.

Bart De Wever prétend protéger la stabilité financière, mais en réalité, il protège le confort – le confort des banquiers et des investisseurs qui préfèrent des profits prévisibles au courage moral. Son argument est un bouclier de velours pour ceux qui ont toujours profité de la neutralité, qui restent sur la touche pendant que d'autres combattent la tyrannie. En déguisant la lâcheté morale en prudence financière, le leader populiste belge envoie un signal dangereux : les banques européennes sont ouvertes aux affaires, quel que soit le crime.

Pendant ce temps, le chancelier allemand Friedrich Merz, dirigeant de la première économie européenne, a osé soutenir ce projet. Il comprend que la résilience de l'Ukraine dépend de la mobilisation de ressources à grande échelle, non pas demain, mais aujourd'hui. Face à cela, les objections du Premier ministre belge sonnent comme un scandale. Elles font écho à un vieux mal européen : la lâcheté morale déguisée en pragmatisme, le confort financier élevé au-dessus de la justice.

Si l'Europe ne trouve pas le courage de transformer les milliards gelés de Poutine en instruments de liberté, elle ne laissera pas seulement tomber l'Ukraine. Elle se laissera tomber elle-même. L'histoire ne pardonnera pas à ceux qui ont protégé les banquiers alors qu'une nation libre était abandonnée à son sort.

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