A qui ne veut pas entendre

Publié le 1 juin 2012

Les élections législatives en Grèce et l’arrivée de François Hollande au pouvoir ont délié les langues qui se sont mises à nommer tout haut ce que tout le monde marmonnait en silence : la politique d’austérité prônée par l’Allemagne ne fonctionne pas et étrangle les peuples.

**Lesquels peuples se sentent pousser des ailes, portés par une vague de colère en Grèce ou un courant d’enthousiasme en France, jusqu’à se laisser tenter, parfois, par quelques sentiments extrêmes qui ne sont pas forcément bons conseillers.

Une atmosphère légèrement délétère s’installe en Europe, les commentateurs jouent les oiseaux de mauvaise augure en attendant de savoir si les urnes grecques s’habilleront de rouge ou de noir, le 17 juin prochain. Il est toujours de bon ton toutefois de continuer à dresser le dossier à charge de l’Allemagne, aujourd’hui responsable désignée de tous nos maux.

Ainsi dans les colonnes du Temps, le quotidien suisse, on peut lire un article aujourd’hui repris parCourrier internationaloù il est écrit ceci :**

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi

L’Allemagne devra accepter une union budgétaire. En fin de compte, cela revient à garantir la survie de la zone euro grâce aux moyens et à la puissance économiques de l’Allemagne : rachat illimité des obligations d’Etat des pays en difficulté par la Banque centrale européenne, européisation des dettes nationales par le biais d’euro-obligations, et des plans de croissance pour éviter une dépression dans la zone euro et encourager un redressement économique. La réaction allemande à un tel programme est facile à imaginer: encore de la dette! Perte de contrôle sur nos actifs! Inflation! Ce n’est pas possible! Et pourtant, c’est possible: la croissance allemande, tirée par les exportations, repose précisément sur de tels programmes dans les pays émergents et les Etats-Unis. Si la Chine et les Etats-Unis n’avaient pas injecté de l’argent financé par la dette dans leurs économies à partir de 2009, l’économie allemande aurait connu de sérieuses difficultés.

Un appel vibrant de plus me direz-vous ? Sauf que celui-ci est particulièrement intéressant puisqu’il émane d’un Allemand connu, reconnu, écouté. Joschka Fischer - puisque c’est de lui dont il s’agit - fut ministre des Affaires étrangères. Fédéraliste convaincu, il sait aussi faire vibrer la corde sensible de Berlin, lui dont la famille s’est réfugiée dans le Bade-Wurtemberg quand l’Armée rouge occupait la Hongrie, son pays d’origine. Il poursuit :

L’Allemagne s’est détruite elle-même - et l’équilibre européen - deux fois au cours du XXème siècle, mais a su ensuite convaincre l’Occident qu’elle avait tiré les leçons de ses erreurs passées. Ce n’est que de cette manière - reflétée de la façon la plus vive par son adhésion au projet européen - que l’Allemagne a obtenu un consentement à sa réunification. Il serait à la fois tragique et ironique qu’une Allemagne unifiée provoque la ruine, par des moyens pacifiques et les meilleures intentions du monde, de l’ordre européen pour la troisième fois.

Si l’on en croit certains sondages, Joschka Fischer serait le candidat préféré des Allemands à la succession d’Angela Merkel si la coalition Verts-SPD gagne les élections en 2013. L’Union européenne n’attendra peut-être pas jusque là. Tout juste peut-on espérer que ces paroles ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd.

Vous appréciez notre travail ?

Contribuez à faire vivre un journalisme européen et multilingue, libre d’accès et sans publicité. Votre don, ponctuel ou mensuel, garantit l’indépendance de notre rédaction. Merci !

Lire plus sur le même sujet

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez un journalisme qui ne s’arrête pas aux frontières

Faites un don pour renforcer notre indépendance