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En Belgique, la coalition est un art et une nécessité

En Belgique, la formation des gouvernements relève de l’artisanat : le système proportionnel oblige les partis à s’entendre sur la base de compromis longuement négociés entre les partis pendant des semaines, voire des mois. Analyse.

Publié le 24 août 2024
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Plus de deux mois après les élections législatives, la Belgique n’a toujours pas de gouvernement fédéral, et personne ne s’en émeut – pour l’instant. Suivant une pratique bien huilée, les négociations entre les partis afin de former une majorité, entamées au lendemain des scrutins avancent, au gré des vétos, des lignes rouges et des desiderata des uns et des autres.

En Belgique, la formation des coalitions de gouvernement est un art solidement ancré au sein de la pratique politique, et cela, à tous les niveaux de la “lasagne institutionnelle”, c’est-à-dire les différentes articulations de l’Etat : fédéral, régional et communautaire. Ce dernier niveau correspond aux trois communautés linguistiques du pays (francophone, néerlandophone et germanophone), qui ne coïncident pas forcément avec les trois régions du pays (Wallonie, Flandres, Bruxelles-Capitale). 

Après chaque élection (l’usage veut qu’elles se déroulent le même jour) ce ne sont pas moins de six parlements et autant de gouvernements qui doivent être formés selon une procédure largement coutumière. La raison tient essentiellement au système électoral proportionnel : les sièges sont attribués aux partis en fonction du nombre de voix obtenu. De celui-ci découle la multiplicité des partis – pas moins de 33 ont concouru aux scrutins du 9 juin.

Ainsi, chaque parti court seul dans la compétition électorale, le rapport de force en vue des négociations gouvernementales ne s’installant qu’après le vote. Au niveau fédéral, aucun parti n’obtenant la majorité absolue, la tradition veut que “le Roi désigne d’abord un informateur, généralement le président du parti gagnant qui cherche une coalition de partis candidats au pouvoir – généralement les autres vainqueurs, mais pas toujours”, explique Bernard Demonty, chef du service politique du quotidien francophone Le Soir et auteur remarqué d’un Petit tutoriel des gouvernements de coalitions à l’usage de nos amis français. L’informateur a pour mission de rassembler des informations sur les coalitions possibles et les intentions des différents partis. Si l’on n’est pas encore à l’étape de la formation gouvernementale proprement dite, le passage par un informateur est capital, car il permet d’établir la liste des possibles partenaires de gouvernement.

Cela peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pendant ce temps, le gouvernement sortant est en “affaires courantes” : il ne gère que les affaires urgentes et journalières. Ce système “permet de maintenir une stabilité pendant que les négociations se poursuivent”, note encore Bernard Demonty. “L’inconvénient est que ce système ne permet pas d’entreprendre des réformes importantes puisque cela sort des affaires courantes”. Une contrainte assortie d’une limite budgétaire restreignant d’autant plus sa capacité d’action. 

La Belgique a pu vivre sur ce système durant les très longues crises politiques que nous avons connues” – avec 541 jours en 2010-2011, la Belgique détient le record du monde – “mais si le pays a pu fonctionner, c’est aussi parce que les gouvernements régionaux n’étaient, eux, pas en affaires courantes”. Un système qui ne peut durer éternellement : l’impasse politique de 2010-2011 avait été écourtée, si l’on peut dire, “parce que les marchés financiers s’inquiétaient et que les agences de notation [avaient] commencé à dégrader la note financière du pays. Sur le moyen terme, ce n’est donc pas la panacée”, note encore Demonty.

L’art du compromis

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