Biélorussie : Un nouveau passeport ? Oui, mais avec un passage par la case interrogatoire et prison

Chaque mois, retrouvez la revue de presse de Paulina Siegien sur l'actualité de l'Europe de l'Est et des pays baltes, en partenariat avec Display Europe et Krytyka Polityczna. Une sélection de sujets et d'articles soigneusement choisis dans la presse indépendante locale pour donner un aperçu de ce qui se passe dans la "nouvelle Europe".

Publié le 28 septembre 2023 à 16:51

Au début du mois d’août, le cabinet de transition de l’opposition biélorusse, dirigé par Svetlana Tsikhanovskaïa, a présenté le projet d’un passeport de la Nouvelle Biélorussie. Un document destiné aux citoyens biélorusses en exil.

Sa présentation a néanmoins provoqué une vague de mèmes et de discussions animées au sujet de la valeur symbolique du document. L’un des points ayant le plus provoqué la controverse a été l’utilisation, en guise de filigrane, du tableau de Marc Chagall Au-dessus de la ville, mais en omettant un détail de celui-ci : la présence d’un homme, en bas à gauche de la toile, dépeint en train de faire ses besoins près d’une clôture. Sur les pages du nouveau passeport, où le tableau est visible sous ultraviolet, l’homme avec les fesses à l’air n’apparaît pas.

Aujourd’hui plus personne n’en rigole, car le régime biélorusse vient de mettre en place une loi interdisant le renouvellement de son passeport dans un consulat biélorusse aux citoyens résidant à l’étranger. Si la date de validité du passeport arrive à échéance, il faut se rendre en Biélorussie pour en obtenir un nouveau.

Et là, à la frontière, les autorités qui attendent déjà : elles interrogent, vérifient minutieusement les téléphones et procèdent éventuellement à une arrestation. En effet, toute activité militante, même un simple “like” sous une publication dont le contenu est opposé au régime, peut être assimilée à de l'extrémisme.

Les émigrés politiques biélorusses ne doutent pas qu'il s'agit là d'une vengeance de la part d’Alexandre Loukachenko, qui ne cesse de menacer régulièrement les “traîtres” de les priver de leur citoyenneté biélorusse. Et il n'est pas exclu que cela finisse par se produire.


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À cette impossibilité d’obtention de passeport à l’étranger, le régime a ajouté de nouvelles réglementations particulièrement sévères :  les procurations établies à l’étranger ne seront par exemple plus honorées en Biélorussie. Ce qui signifie que les personnes en exil, qui craignent d'être emprisonnées à leur retour, perdent la possibilité de gérer les biens qu'elles ont laissés sur place. Si elles possèdent des propriétés ou une voiture, par exemple, elles ne pourront pas les vendre avec l'aide de leurs amis et de leur famille.

Cependant, le manque de passeport représente le plus gros inconvénient. Des centaines de milliers de personnes  – selon les estimations, jusqu'à un demi-million de Biélorusses résident à l’étranger – peuvent se retrouver sans document d’identité. Or, sans ce dernier, il leur est impossible de séjourner et travailler légalement dans le pays dans lequel ils se trouvent, et encore moins voyager.

Les enfants biélorusses nés à l’étranger vont eux aussi avoir du mal à obtenir la citoyenneté. C’est l’une des raisons pour laquelle l’opposante au régime Svetlana Tsikhanovskaïa veut accélérer les démarches et les négociations avec la Commission européenne et les gouvernements des différents pays où résident la majeure partie de la diaspora, afin qu'ils acceptent de reconnaître le passeport de la Nouvelle Biélorussie en tant que document officiel.

Russie : Wagner enseignera le fascisme aux enfants

Que faire des vétérans une fois ceux-ci revenus du front, voilà un problème que rencontrent tous les pays en guerre. Mais la Russie vient de trouver une idée pour encadrer les personnes ayant participé à l'”opération spéciale” en Ukraine : à leur retour du front, elles pourront suivre un cours spécial et se reconvertir comme enseignants.

Préparés à leur nouvelle profession dans l'une des universités de la banlieue de Moscou, ils seront envoyés dans des écoles où ils enseigneront une nouvelle matière – les bases de la sécurité et de la défense du territoire – et dispenseront des cours pratiques de préparation militaire. Les enfants apprendront la médecine tactique, le maniement des armes et les systèmes de communication. Dans les classes supérieures, le cours prévoit de faire du tir d’armes à feu, de creuser des tranchées, de lancer des grenades et de contrôler des drones.

L'école russe n'a peut-être jamais été un temple de démocratie et de libéralisme, mais avec la guerre que la Russie a lancée en Ukraine, elle a commencé à se fasciser à un rythme rapide. Il y a un an, des “discussions importantes” ont été introduites pour renforcer le patriotisme et les valeurs russes traditionnelles chez les élèves. 

Dans les supports destinés aux enseignants, il est également expliqué pourquoi la Russie est en guerre contre l’Ukraine. Cette année, de nouveaux manuels d’histoire ont fait leur apparition dans les écoles, mais leur contenu concernant l’histoire contemporaine – la période du déclin de l'URSS et l'histoire de la Russie post-soviétique – a été modifié.

Et le système scolaire, qui n’est qu’une branche de la bureaucratie étatique, suit docilement cette direction. Les écoles se transforment peu à peu en casernes militaires dont le but est de préparer les jeunes Russes à une guerre sans fin. Peut-être se rendra-t-on compte, dans quelques années, qu’une victoire contre l’armée russe aura été facile, là où une reconquête de la société de Vladimir Poutine – contaminée par l’agressivité, le militarisme et la rancœur,  – se sera révélée quasi-impossible.

Ukraine et Pologne : en arrière-plan, une guerre céréalière

La “bromance” entre le président polonais Andrzej Duda et Volodymyr Zelensky touche visiblement à sa fin, tout comme l’espoir d’une grande alliance polono-ukrainienne pouvant faire ployer la Russie. La question de l'exportation des céréales ukrainiennes et d'autres produits agricoles – qui revêt une grande importance pour l'économie de ce pays déchiré par la guerre – est devenue une pomme de discorde dans les relations diplomatiques entre les deux nations.

Après un échange de remarques peu amicales sur la gratitude attendue dans pareil contexte, et un rappel à l'ordre mutuel des ambassadeurs, Varsovie et Kiev n'ont pas trouvé le moyen de s'entendre. La délégation officielle ukrainienne ne s’est pas présentée lors du forum économique de Karpacz, où le gouvernement polonais présente généralement ses accomplissements économiques et politiques.

De plus, comme le souligne le correspondant de Gazeta Wyborcza à Kiev, Piotr Andrusieczko, les parlementaires ukrainiens se sont vus interdire tout déplacement en Pologne. Les députés du parti présidentiel Serviteur du peuple (SN, centre) sont quant à eux plus enclins à parler de simple “recommandation”, même si cela ne change pas le fond de la question : sans l'approbation d'une délégation officielle, de tels déplacements sont tout simplement impossibles.

Non seulement la Russie n'autorise pas les exportations agricoles à partir des ports ukrainiens, mais elle bombarde ceux-ci, détruisant les silos et les entrepôts remplis de céréales. La crise autour des exportations ukrainiennes dans un contexte de guerre met donc à l’épreuve les principes de marché commun et de solidarité européenne au sein de l’UE.

Pologne : le parti politique Droit et justice (PiS) hait les réfugiés, mais en tire profit

En effet, l’office central de lutte contre la corruption a récemment fait irruption au ministère polonais des Affaires étrangères, provoquant par la suite le licenciement du vice-ministre Piotr Wawrzyk. Bien que le gouvernement ne souhaite pas commenter les articles parus sur le sujet, des journalistes ont pu établir l’existence d’un système illégal d'échange de visas polonais permettant de recruter des travailleurs temporaires provenant, entre autres, de pays d'Asie du Sud-Est, mis en place sous les auspices du vice-ministre.

Jusqu'à 350 000 visas délivrés par les autorités polonaises au cours des trois dernières années pourraient donc être remis en question, et l'affaire fait également l'objet d'une enquête par les services d'autres pays européens, où des milliers de migrants sont arrivés par la Pologne.

Or, ce sont bien les hommes politiques du PiS qui se présentent comme les plus grands opposants à l'immigration en provenance de pays culturellement différents – comprendre de pays où les gens ont une couleur de peau plus foncée, ou pratiquent une religion différente.

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