La communauté Voxeurop Conférence sur l’avenir de l’Europe

Comment remettre la démocratie participative à l’agenda européen

Afin que la Conférence sur l’avenir de l’Europe ne reste pas une expérience de participation citoyenne sans suite, plusieurs acteurs de la société civile se mobilisent. Parmi eux, la civic tech Make.org. En débarquant à Bruxelles, elle souhaite continuer son travail de médiation entre les citoyens et les Etats au cœur de l’UE.

Publié le 25 mai 2022 à 11:53

Le 9 mai, journée de l’Europe, s’achevait la Conférence sur l’avenir de l’Europe (CoFoE), un espace inédit de participation citoyenne à la construction européenne. C’est plus de 300 mesures visant à réformer l’UE en profondeur qui ont été décidées par un large panel de citoyens européens tirés au sort au cours d’un an de discussion. 

Si le projet a été un bel exercice de démocratie participative plébiscité par les institutions européennes, le résultat reste malgré tout en demi-teinte ; la faute, entre autres, à une actualité internationale bousculée par la guerre en Ukraine et des difficultés à attirer le public.

Axel Dauchez est président et cofondateur, avec Alicia Combaz, de la plateforme de participation citoyenne Make.org. Il reconnaît certaines difficultés : “L’engagement citoyen, c’est compliqué. C’est facile d’engager toujours les mêmes, et c’est difficile d’aller chercher ceux qui sont loin”. Si la CoFoE représente un pas en avant dans la façon dont les citoyens européens se représentent leurs institutions et le rôle qu’ils peuvent y occuper, il reste encore beaucoup à faire – rendre significatives les interactions avec les participants et, surtout, représenter la population européenne au plus proche.

La question de l’engagement citoyen, en particulier de la jeunesse européenne, était au cœur d’une table ronde organisée en partenariat avec le bureau d’études Kantar Public le 18 mai dernier, à l’occasion de l’ouverture du bureau bruxellois de Make.org. Dans ce petit immeuble du centre-ville de la capitale belge, à deux pas des grandes institutions européennes – “là où ça se passe”, précise Dauchez – membres du Parlement, de la Commission et de l’European Youth Parliament ont tâché de tirer les leçons de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Si tout n’est pas à jeter, le constat peut faire grincer des dents : seulement 9 % des participants à la CoFoE avaient entre 18 et 24 ans, contre 24 % ayant plus de 55 ans. A l’échelle de l’UE, seulement 45 % des 15-29 ans pensent être écoutés. Daniel Ulicna, directrice d’évaluation à Kantar Public, résume : “Nous devons venir à eux, car ils ne sont pas le groupe qui viendra à nous”.

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Atteindre les franges de la population peu intéressées par la question européenne, c’est peut-être l’atout de Make.org. Au cours de trois consultations réalisées en ligne, la plateforme indépendante a pu récupérer les opinions de plus de 100 000 jeunes Français et Allemands ; ces consultations ont par la suite été intégrées aux conclusions de la CoFoE. “Les institutions ont énormément d'outils qui leur permettent de travailler en profondeur”, explique Dauchez, “mais ce qu’elles n’ont pas, c’est une interaction avec ceux qui sont éloignés de l’Europe”. En s’adressant directement et simplement à la population, Make.org revendique sa capacité à créer un dialogue “non pas seulement avec ceux qui sont déjà convaincus, mais avec la majorité silencieuse qui fait l’Europe.”

L’organisation met aussi en avant sa capacité à saisir un ensemble d’opinions communes parmi les citoyens, par-delà les Etats-membres eux-mêmes. Lors des trois consultations menées auprès de la jeunesse européenne, elle a par ailleurs été en mesure de dégager plusieurs priorités – environnement, démocratie, droits humains, entre autres – vues comme les plus urgentes pour celle-ci. 

Pas question de se substituer à l’action des Etats, cependant. Déjà, car le modèle de la démocratie participative n’est pour l’heure pas celui qui attire le plus l’adhésion de la population ; Make.org se pense donc davantage comme un outil complémentaire à l’action publique, une plateforme de réintermédiation entre les institutions et les citoyens.

Par manque d’intérêt ou par incompréhension des systèmes, outils disponibles et populations à viser, les tentatives des Etats et institutions de se connecter avec leurs citoyens restent pour l’heure marginales ; la politique “top-down” des institutions européennes peut servir un temps mais ne se suffit pas à elle-même. Ludovica Formicola fait partie du conseil d’administration de l’European Youth Parliament ; pour elle, “l’Union européenne doit aller à la racine, rencontrer les gens qui ne sont traditionnellement pas impliqués dans le processus de décision”. Cela comprend les zones rurales, mais aussi les minorités linguistiques, les communautés locales – partir du bas pour arriver en haut. Mais pour l’heure, le chemin vers la démocratie participative est encore long. 

A terme, c’est même une restructuration complète du fonctionnement démocratique que le fondateur de Make.org espère, afin de “réinventer l’administration pour que l’action publique soit co-construite et co-mise en oeuvre avec les citoyens et les représentants”. A une époque où la démocratie scinde davantage la population qu’elle ne la réconcilie, rétablir le dialogue et impliquer davantage les citoyens dans le processus de décision semble vital. “Je ne vois pas d’autres solutions pour que la démocratie arrive à se réancrer sur le réel”, assure Dauchez.


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