A Genève, comme le rapporteLe Temps, certains membres du centre-droit ne sont pas vraiment à l’aise avec l’accord électoral que les libéraux ont conclu avec la droite nationaliste de l’UDC. Rappel des faits : pour la première fois dans l’histoire de la cité de Calvin, un parti du camp bourgeois (radicaux, libéraux, démocrates-chrétiens) partagera une liste électorale avec l’UDC, en vue des élections administratives qui auront lieu le 17 avril dans le canton suisse.
Cette "bigamie libérale" est perçue comme "le symbole d’une droite égarée et totalement écartelée" par le quotidien genevois. Ces alliances révèlent au sein des partis de centre-droit "un manque de repères et de projets communs inquiétants, entre un Parti libéral qui voit le salut dans une droite élargie à l’UDC, et des partis centristes qui refusent de s’y résoudre".
Pour les tenants de l’aile humaniste du Parti libéral, "le rapprochement avec une formation qui a constellé le canton de ses affiches arborant le mouton noir, de slogans sur les ‘pacsés inféconds’ et sur la 'racaille d’Annemasse' [ville française située sur la frontière] représente une pilule amère à avaler."
Le cas de Genève n’est pas isolé. Dans tous le pays, les partis de centre-droit ne semblent plus avoir de complexes à reprendre les formules qui ont fait le succès des populistes : des slogans qui clament "l’amour de la patrie" et qui "fleurent bon les années 30", comme le souligne la Radio Suisse romande, qui note que "ce repli identitaire s’explique [entre autres] par le désarroi des centristes et des libéraux depuis la chute du mur de Berlin".
Ces rapprochements avec les nationalistes, contre-productifs pour un centre-droit sans boussole, risquent de pousser certains électeurs traditionnels de ces partis dans les bras de l’UDC. Tant qu’à faire, on préférera l’original à la copie. Mais d’autres partis pourraient bénéficier d’un report de voix de ces fameux "humanistes" du centre-droit, qui cherchent une nouvelle fraîcheur (ou couleur) politique.
Dans un long et passionnant entretien avec le Tages Anzeiger, le politologue zurichois Michael Hermann explique qu’"il existe aujourd’hui des forces sociales-libérales marginalisées dans plusieurs partis". Lui-même appelle à la création d’un nouveau parti qui pourrait attirer 20% d’électeurs, "un parti social-libéral unifié, composé de Verts libéraux, de l’aile gauche du parti chrétien-démocrate et de sociaux-démocrates modérés".
Les récentes élections à Zurich ont accéléré le phénomène d’"atomisation des forces centristes", comme le note Swissinfo. Parmi les nouvelles formations qui tentent de capter ces électeurs au milieu de l’échiquier politique, on trouve le Parti bourgeois démocrate, issu d’une scission avec l’UDC et qui a réalisé un score honorable lors de ces élections remportées par les Verts, lui permettant de faire son entrée au Parlement cantonal. Mais surtout les Vert’libéraux, issus quant à eux d’une scission au sein des écologistes, qui récoltent plus de 10% des suffrages. Un "signal pour l’automne", estime la Basler Zeitung, en référence aux élections fédérales d’octobre.
Signe des temps, alors que les Zurichois coloraient de vert leur carton de vote, leurs voisins du Baden-Wurtemberg allemand infligeaient une sévère défaite à la chancelière Merkel dans ce bastion traditionnel du centre-droit, portant les écologistes aux nues électorales et aux commandes du Land. Pour Andrea Tarquini, de La Repubblica, pas de doute : si les Verts allemands ont réussi à déborder la CDU et le SPD, s’ils ont marginalisé le FDP et Die Linke, et s’ils font route vers la chancellerie à Berlin en 2013, c’est grâce à leur profil de "bourgeois éclairés".
Certes "antinucléaires et écologistes, mais aussi pragmatiques vis-à-vis du monde économique, sensibles aux enjeux sociaux mais aussi à la compétitivité globale". Ils "rencontrent les entrepreneurs, siègent aux conseils de surveillance et envisagent la sortie du nucléaire sans oublier de défendre l’industrie d’exportation". Rencontreront-ils aussi leurs cousins helvétiques ?
Photo : equinoxfr