“Il est dans notre nature, en tant que petit pays, de construire des ponts”. Ainsi parlait Xavier Bettel, ancien Premier ministre du Luxembourg, résumant le rôle souhaité par son pays au sein de l’UE. Bettel, membre du Parti démocratique (DP, centre droit) a récemment quitté ses fonctions après dix ans au pouvoir. À présent ministre des Affaires étrangères et européennes, il continue d’œuvrer à renvoyer une image très précise du Luxembourg : celle d’un pays qui prône activement la solidarité européenne. Ses efforts en la matière lui ont d’ailleurs permis de se distinguer parmi les candidats aux élections à la présidence du Conseil de l’Union européenne.
Pourtant, Bettel et les autres vétérans de la politique luxembourgeoise se gardent bien de crier sur tous les toits qu’historiquement, leur pays a eu tendance à adopter une position ambivalente au sein de l’UE. Le Grand-Duché a en effet prouvé sa volonté de faire évoluer l’Europe à bien des égards. L’intégration européenne, au cœur de ses priorités, n’est pas source de polémique au niveau politique. Ce dévouement à la cause européenne n’empêche pourtant pas le pays de poursuivre ses propres objectifs au sein de l’Union.
À l’évocation de la fiscalité, d’ailleurs grande absente des débats publics, cette europhilie ambiante semble s’étioler. En coulisses, le Grand-Duché défend ses intérêts nationaux avec discrétion, rigueur et succès, grâce notamment au véto à disposition de chaque Etat membre en ce qui concerne la fiscalité. “Nous ne sommes pas des enfants de chœur. Nous avons nos propres ambitions”, confirmait d’ailleurs l’ancien ministre des Affaires étrangères et européennes Jean Asselborn en 2019 lors d’une interview pour Reporter.lu.
Pas étonnant, donc, que le Luxembourg peine encore à se débarrasser de son image de paradis fiscal aux yeux de certains de ses partenaires. Pourtant, ce petit pays au centre financier démesuré a grandement évolué – même s’il ne l’a pas réellement fait par principe. Ces progrès s’expliquent plutôt par la pression exercée par certains acteurs internationaux (en particulier par des voisins puissants comme la France et l’Allemagne) pour convaincre le Grand-Duché de délaisser quelques-unes de ses “pratiques agressives d’évasion fiscale”, selon l’expression de la Commission européenne.