Reportage Biodiversité
Suite à la renaturation réalisée dans le cadre du projet LIFEDrawaPL, des renoncules flottantes sont apparues dans la rivière Drawa, en Pologne. | Photo : ©​​Marek Kowalczyk The Drawa river lives again, thanks to the renaturalisation programme.

En Pologne, le bassin de l’Oder face à un difficile rétablissement 

L’Oder est le deuxième fleuve le plus long de Pologne. C’est également le plus pollué, principalement à cause des déchets de l’agriculture industrielle. Le problème s’étend aujourd’hui à tout son bassin, alors que quelques mesures seulement suffiraient à améliorer la situation, affirment certains experts.

Publié le 13 mars 2024 à 13:44
The Drawa river lives again, thanks to the renaturalisation programme. Suite à la renaturation réalisée dans le cadre du projet LIFEDrawaPL, des renoncules flottantes sont apparues dans la rivière Drawa, en Pologne. | Photo : ©​​Marek Kowalczyk

“C’est ici que nous devons commencer pour sauver l’Oder”, explique l’hydrobiologiste Robert Czerniawski. De son doigt, il montre le ruisselet qui se déverse d’abord dans la rivière Drawa avant de rejoindre le fleuve Oder, dont le bassin en Pologne est alimenté par des milliers de fins cours d’eau comme celui-ci. 

Czerniawski se souvient de la situation voilà quelques années, époque à laquelle le ruisselet était cerclé d’anneaux en béton garantissant “un flux rapide et ininterrompu, comme dans un canal. Aucune vie ne pouvait naître dans ces conditions.” Depuis la restauration et le retrait des anneaux, l’eau du ruisselet se nettoie sans intervention extérieure, et les truites sont revenues. “La nature ne tarde jamais à saisir une occasion,” commente Czerniawski, l’air fasciné. “Du reste, l’eau s’écoule beaucoup plus lentement à présent, à cause des courbes”. Ainsi, l’eau reste plus longtemps dans le même environnement, au lieu de se précipiter vers la mer Baltique. 

Oder basin map
Le fleuve Oder et ses principaux affluents. | ©​​Marek Kowalczyk

“Un seul saumon ne suffira pas à garantir notre survie”

Certains agriculteurs doutent du bien-fondé des tentatives de protection du saumon de la région, et tentent de souligner un autre problème : “Les petits lacs qui se sont formés dans la partie supérieure sont quasiment à sec”, comme le déplore Stanisław Baliński lors d’une réunion portant sur l’état de la rivière Drawa. L’agriculteur de 74 ans insiste sur la nécessité de réhausser le niveau de l’eau à ces endroits-là. Avant d’avouer ne pas comprendre la pénurie d’eau à laquelle est confronté le district du lac Drawsko. Après tout, il pleut toujours autant.

D’autres facteurs que le manque de pluie peuvent provoquer une sécheresse”, rappelle Furdyna. “Les activités humaines, comme le fait de puiser dans les eaux souterraines pour arroser les cultures, peuvent réduire les quantités disponibles.” 

Czerniawski, qui a également pris part à cette réunion, met en avant l’importance d’avoir une vue d’ensemble lorsqu’il s’agit de ressources hydriques. Selon lui, toute intervention doit prendre en compte l’entièreté de l’écosystème ; entreprendre tout et n’importe quoi sans coordination ou logique ne peut que nuire à l’environnement. “Nous ne pouvons pas simplement placer un seuil ou une conduite forcée quelque part, sans nous soucier des conséquences que cela entraîne en aval de la rivière”, prévient Czerniawski. 

Robert Czerniawski (left) and Artur Furdyna. | Photo: ©Marek Kowalczyk
Robert Czerniawski (à gauche) et Artur Furdyna. | Photo : ©Marek Kowalczyk

Les arguments des experts semblent laisser les agriculteurs locaux de marbre. Ces derniers affirment lutter pour leur “survie et sécurité alimentaire”, qu’ils “n’obtiendront pas avec un seul saumon”. L’hydrobiologiste Tomasz Krepski met cependant en garde contre ces prises de position : “Si nous ne traitons pas chaque élément de cet écosystème, nous aurons de l’eau qui ne nous servira à rien.”

La sécurité alimentaire, mais pour qui ? 

Furdyna s’interroge sur la sécurité alimentaire qu’évoquent ces agriculteurs : “Dix pour cent de la production actuelle suffirait à nourrir tout le pays.” 

En 2022, la Pologne a exporté un volume record de produits alimentaires pour une valeur de 48 millions d’euros, ce qui constitue une hausse de 27 % par rapport à 2021 et place le pays en septième position au niveau européen. En 2023, les exportations ont encore augmenté de 16 %. Presque un quart des produits ont été vendus à l’Allemagne, principalement des cigarettes, de la viande de volaille, de la nourriture pour chiens et chats, et du poisson fumé, surtout du saumon. 

La valeur des exportations de viande de volaille a augmenté de 67 %. Aujourd’hui, la Pologne en est le quatrième producteur mondial, et le premier de l’Union européenne. “Que gagne-t-on grâce à ce noble titre ? Le tas de merde de poulet dans la rivière”, fulmine Furdyna, qui estime que le district du lac Drawsko a désespérément besoin de plus d’exploitations biologiques, qui “ne malmènent pas le sol et l’eau autant que l’agriculture agressive et l’industrie de l’élevage.”


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Pour Furdyna, les conditions dans le district du lac Drawsko sont idéales pour l’agriculture organique. “Les Polonais viendraient des quatre coins du pays pour acheter les produits. Prenons par exemple le cas du projet rural Juchowo et celui de l’écovillage Brodowin en Allemagne.” 

La coopérative agricole Ökodorf Brodowin a vu le jour en 1991, suite à la privatisation des terres et la réunification allemande. Les habitants du village, des citoyens engagés, ont décidé de passer à l’agriculture biologique et d’adopter des méthodes de culture biodynamiques. “À l’époque, il n’existait pas de marché dans ce domaine, et les connaissances des villageois à ce sujet étaient rudimentaires.”, se rappelle Ludolf von Maltzan, le directeur actuel de la coopérative, dans laquelle il travaille depuis presque 18 ans. “C’…

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