Revue de presse Lumière sur le Sud-Est

L'érosion de la liberté en Europe atteint de nouveaux sommets

L'Europe du Sud-Est est témoin d'une forte diminution des libertés individuelles et de la presse, et d'une augmentation des cas de copinage politique et d’abus de pouvoir. Un tour d'horizon de la presse locale par Claudiu Pop, en collaboration avec Display Europe.

Publié le 6 mars 2024

Au cours du mois de février 2024, la démocratie en Europe du Sud-Est a subi une hémorragie, particulièrement en Serbie. Le quotidien serbe Danas, citant un article de l'agence de presse serbe Beta, met en évidence le récent rapport Freedom in the World 2024 de l’ONG Freedom House. Selon le document, le score de la Serbie en matière de droits politiques et de libertés civiles a baissé de trois points en 2023. Le même déclin s'est produit en Russie, en Israël et dans certains pays en développement, comme l'Equateur et le Mali. Au cours de la dernière décennie, les seuls pays européens qui ont connu des baisses plus importantes que la Serbie sont la Hongrie et la Turquie. 

Les "élections volées" et "la possibilité qu'elles aient influencé les résultats d'élections clés comme celle de Belgrade" sont parmi les raisons de la chute de la Serbie, comme l’explique Aleksandra Karpi, experte de Freedom House concernant les Balkans, à un animateur de la chaîne de télévision internationale américaine Voice of America (VoA). Après les élections législatives serbes du 17 décembre 2023, remportées par le Parti progressiste serbe (SNS, parti du président de la république Aleksandar Vučić , conservateur), la coalition adverse a dénoncé les tentatives de fraude qui auraient entaché le scrutin, invoquant des irrégularités telles que l'achat de voix et la falsification de bulletins de vote et de signatures. Outre le manque de liberté, une partie de la Serbie reste nostalgique de la Yougoslavie communiste. Pour preuve, un design de jouet LEGO ressemblant au kiosque yougoslave K67 est devenu viral à la suite de l'interview que la journaliste de Danas Aleksandra Ćuk a réalisée avec l'architecte Nikola Opačić.

La démocratie a également été mise à mal en Moldavie. L'ancien Premier ministre moldave Vasile Tarlev est prêt à prendre la tête d'un nouveau parti appelé Viitorul Moldovei (Avenir de la Moldavie), comme le rapporte le journal d'investigation moldave Ziarul de Gardă (ZDG). "Vasile Tarlev a exercé deux mandats de premier ministre, lorsque les communistes étaient au pouvoir, entre 2001 et 2008", indique ZDG.

La démocratie meurt dans la corruption

Il n'est pas surprenant que les démocraties souffrent lorsque leurs dirigeants abusent du pouvoir. Anca Simina et David Muntean, de la plateforme d'investigation roumaine Recorder, ont découvert qu'un "palais de l'empereur" au budget de sept millions d'euros de fonds publics à Bucarest sera probablement la future résidence du président Klaus Iohannis à l'expiration de son mandat, plus tard en 2024. Dans l'édition de novembre 2023 de notre revue de presse, nous mentionnions déjà Recorder, qui rappelait dans un de ses articles que Iohannis était le seul président de l'UE à utiliser des avions privés et à garder les coûts de ces voyages secrets.

Revenons en Serbie, et à un autre président qui met en danger la démocratie : Aleksandar Vučić. La policière Katarina Petrović a été arrêtée l'année dernière pour avoir dénoncé le fait que le parrain de Vučić, Nikola Petrović (aucun lien de parenté avec elle), avait blessé deux femmes dans un accident de la route. Au moment des faits, l’homme était sous l'emprise de la drogue et de l'alcool, et se trouvait au volant d’une supercar McLaren d’une valeur de plus de 300 000 €. Près d'un an plus tard, le 22 février 2024, Katarina Petrović a été libérée par la Haute Cour de la ville de Valjevo, selon la chaîne de télévision serbe Nova, reprise par Danas.

En Croatie, onze partis parlementaires ont organisé une grande manifestation contre la décision du Premier ministre Andrej Plenković de nommer Ivan Turudić, juge de profession, au poste de procureur général. Selon le quotidien croate Jutarnji List, les manifestants ont affirmé que Turudić était un menteur, qu'il était de mèche avec l'Union démocratique croate (HDZ, conservatisme libéral) et qu'il "fréquentait le milieu criminel".


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Au nom de la démocratie

La Russie et les extrémistes représentant toujours une menace pour l'Europe du Sud-Est, certains partis ont commencé à lutter en prenant des décisions audacieuses. En Roumanie, les deux principales forces politiques – le Parti national libéral (PNL, centre droit) et le Parti social-démocrate (PSD, attrape-tout) – ont décidé d'unir leurs forces pour les élections européennes qui auront lieu le 9 juin. Malgré la rivalité historique entre les deux partis, le président du PNL, Nicolae Ciucă, a déclaré qu'ils avaient pris cette décision pour "la stabilité du pays, la cohérence de l'acte de gouvernement" et "l'intérêt des citoyens roumains et le contexte de sécurité", comme le rapportent les journalistes de Libertatea Sebastian Pricop, Cristian Andrei, et Cristian Otopeanu. "Sécurité" et "stabilité" sont les mots clés, alors que l'Alliance pour l’unité des Roumains (AUR, conservateur), liée à la Russie, gagne du terrain dans le pays.

En outre, des rumeurs ont fait état d'une invasion russe de la Moldavie, après que le congrès des députés de la région séparatiste pro-russe de Transnistrie a demandé à Moscou de les protéger contre les pressions exercées par Chișinău. "La protection des intérêts des résidents de Transnistrie, nos compatriotes, est l'une de nos priorités. Toutes les demandes sont toujours soigneusement examinées par les agences russes spécialisées”, a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à l'agence de presse russe TASS, citée par Ziarul de Gardă.


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