Geert Wilders découvre l’Europe

Le leader populiste a fait tomber le gouvernement néerlandais en se positionnant contre “Bruxelles”. Pour reprendre la main, les partis modérés devraient eux aussi placer les thématiques européennes au coeur de la campagne électorale à venir .

Publié le 25 avril 2012 à 15:01

Si les élections à venir permettent de freiner le délitement politique et l’exode des électeurs vers les extrêmes, la crise que traversent actuellement les Pays-Bas aura malgré tout joué un rôle bénéfique.

Mais il faut être un indécrottable optimiste pour envisager une telle possibilité. Car les signes avant-coureurs ne laissent rien présager de bon. Rien ne semble indiquer que la situation politique prenne le chemin d’une coalition solide et cohérente. Il faut plutôt s’attendre à cet égard à une recrudescence du délitement et de l’instabilité.

L'Europe, bouc émissaire

En dix ans – depuis 2002 – nous avons connu cinq gouvernements. Dans cet intervalle, le centre a été quasiment été éradiqué du paysage politique. Même réunis, les trois grands partis traditionnels – le PvdA [social-démocrate], le CDA [démocrate-chrétien] et le VVD [libéral] – ne seront sans doute pas majoritaires au Parlement à l’issue des élections [qui pourraient se tenir en septembre].

Entre-temps, on a vu l’apparition de petits météores. Dans ses explications au sujet de son comportement singulier à Catshuis [la résidence du Premier ministre], Geert Wilders a déclaré le 21 avril que l’Europe était la source de tous les maux. A ses yeux, Bruxelles a contraint la “coalition de la tolérance” [CDA-VVD-PVV] à de nouveaux coups de rabot importants.

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Si elle relève clairement du non-sens, cette déclaration n’est pour autant pas sans intérêt. Le PVV [populiste] fait de l’Europe un bouc émissaire. Les mois à venir promettent une campagne de haute volée

Si l’on se réfère à l’idéologie du parti nationaliste, cette stratégie se tient. La curieuse salade niçoise du PVV – très à droite sur les questions sociales, très à gauche sur la défense du ciment déliquescent de l’Etat-providence – a un adversaire logique : Bruxelles. Bruxelles veut que nous respections les accords sur la libre circulation des travailleurs, laquelle, aux yeux du PVV, constitue à la fois une menace pour l’Etat-providence et pour la pureté de la société néerlandaise.

Geert Wilders est arrivé à la conclusion qu’il était bien plus facile de mobiliser ses électeurs contre l’Europe que contre une islamisation des Pays-Bas.

Changement des rapports de force

Pour toutes sortes de (mauvaises) raisons, notre avenir en Europe n’a jamais été au cœur des campagnes électorales depuis le référendum [le rejet, en 2005, du traité constitutionnel européen]. Geert Wilders entend y remédier, et il faut espérer qu’il y parviendra. Car les forces politiques se positionnent différemment sur l’Europe et sur les thèmes classiques comme l’économie (nationale). Le clivage traditionnel gauche-droite y est largement dépassé.

D’autres controverses apparaisent dès que se pose la question de savoir ce que nous voulons faire avec l’Europe. Une question qu’il est grand temps de poser avec insistance dans le débat politique. Car ce thème porte aussi la possibilité d’un changement radical des rapports de force sur la scène politique.

Geert Wilders y voit d’abord une chance pour lui-même. Mais les autres partis n’ont aucune raison de ne pas relever le défi eux aussi et de ne pas démontrer que l’avenir des Pays-Bas réside dans un renforcement de la coopération européenne. Ce serait aussi l’occasion pour le centre de redevenir un acteur pertinent du paysage politique et de contribuer ainsi à rendre ce pays gouvernable.

Opinion

Wilders a eu le mérite de soulever la question du rôle de l’Europe

“C’est un soulagement que Geert Wilders soit parti”, écrit le rédacteur en chef du Volkskrant, Philippe Remarque. Celui-ci considère que le chef du Parti pour la liberté (PVV, populiste) est non seulement un *“*homme politique venimeux, mais également un gouvernant peu fiable”, car il a laissé tomber son pays en pleine crise financière, juste au moment où Bruxelles attendait un nouveau plan d’austérité pour ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB.

En même temps, Philippe Remarque souligne que “la politique ferait mieux de ne pas négliger son message”, notamment en ce qui concerne l’intégration européene.

C’est grâce au populisme que ces sujets occupent désormais une place importante, non seulement dans l’agenda politique des partis populistes, mais également dans celui des partis traditionnels.

Le clivage politique autour du rôle de l’Europe se reflète également dans l’opinion publique néerlandaise, ajoute Remarque :

D’un côté il y a les Néerlandais qui voient en l'Europe une opportunité, au sein d’un monde globalisé et d'un Etat-providence moins présent ; de l’autre, il y a ceux qui y voient au contraire une menace.

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