tbilisi gpaccardo Un graffiti réalisé par Gosha Art sur le portail d'une maison à Tbilissi. | Photo : ©GpA

Ce que la Géorgie révèle sur la montée du techno-autoritarisme

Le parti pro-russe au pouvoir en Géorgie n'est pas une anomalie. Il s'inscrit dans une vague d’accélérationnisme qui déferle sur le monde, suivant un modèle autoritaire alimenté par le techno-féodalisme, l'influence chinoise dans la région et l'érosion de la démocratie libérale à travers le monde.

Publié le 19 décembre 2025
tbilisi gpaccardo Un graffiti réalisé par Gosha Art sur le portail d'une maison à Tbilissi. | Photo : ©GpA

Dans cet essai, je démontrerai que le gouvernement du parti Rêve géorgien est le premier gouvernement accélérationniste de l’Histoire et qu'il s’inscrit dans le tsunami autoritaire qui menace le monde entier. Mais pour mieux comprendre la vision de Rêve géorgien et le rôle important joué par la Chine, nous devons analyser les tendances politiques mondiales actuelles et abandonner le cadre politique que nous impose le souvenir de la perestroïka.

Abandonner le prisme de la perestroïka

Dans le climat politique mondial actuel, il est quelque peu amusant de voir comment la prétendue société civile fait appel à l’imaginaire du “monde libre”, étant donné qu'il ne reste pratiquement plus aucune trace de ce dernier. L'actuel président américain possédait auparavant une chaîne d'universités en ligne fictives. Elon Musk, quand il ne se pose pas en combattant “contre la corruption”, s’évertue à prouver aux utilisateurs de X ses performances de joueur de jeu vidéo.

Rêve géorgien attendaient beaucoup de la réélection de Donald Trump aux Etats-Unis, qui devait signifier un retour à la normale des relations entre les deux pays. Un pari tout sauf fortuit : Rêve géorgien n’attend pas du président américain qu'il comprenne sa position, mais espère plutôt que les Etats-Unis abandonnent les ambitions géopolitiques défendues par les Démocrates par le passé. Un changement qui commence déjà à se manifester.

La vague de guerres antiterroristes menées par George W. Bush trouvait ses racines dans l'humanisme militariste qui avait sous-tendu la politique étrangère de son prédécesseur Bill Clinton à l'ère post-soviétique. Au début des années 2000 était né l'espoir que la Géorgie rejoigne l'OTAN sous l'influence croissante des Etats-Unis. Dans une ère Trump marquée par l'antimondialisation, cette perspective semble désormais s'être évanouie. 

Avant l'annexion de la Crimée, l’historien spécialiste de la Russie Stephen Cohen avait suggéré qu’une guerre entre l’Ukraine et la Russie pourrait être provoquée par l'expansion de l'OTAN dans la région. Cette idée est depuis devenue courante à travers tout le spectre politique.

Ivanichvili, le surhomme

Dans son essai intitulé The Education of a Libertarian (“L’éducation d’un libertarien”, Cato Institute, 2009, non traduit), le milliardaire et libertarien Peter Thiel affirme ne plus croire à la compatibilité entre liberté et démocratie. Pour Thiel, la démocratie signifie un Etat pléthorique et un nombre toujours croissant de bénéficiaires. Mais quelle est l'alternative à la démocratie ? Thiel pense qu'il pourrait s’agir d’une forme de capitalisme technologique sans bornes, un système que les critiques qualifient souvent de “techno-féodalisme”. Une telle société, où les élections perdent par définition leur sens, ne peut pas être démocratique.

À quoi devrait donc ressembler la gouvernance de l'Etat dans cette optique ? Selon l'économiste Hans-Hermann Hoppe, un monarque est par définition un bénéficiaire de monopole dynastique qui considère ses sujets comme sa propriété. En démocratie, les monopoles et l'exploitation ne disparaissent pas ; ils se transforment en un système où un “gardien” temporaire ou élu se voit confier la gouvernance. Cette personne ne possède pas le pays, mais tant qu'elle est au pouvoir, elle peut l'utiliser à son avantage et à celui de ses favoris. Elle possède un droit d’“usufruit”, sans avoir directement accès au produit du capital du pays. Cela n'exclut pas l'exploitation, bien au contraire : cela la rend simplement moins prévisible, ce qui entraîne une attitude négligente envers le pays et ses ressources.

Je pense que le changement pacifique de gouvernement en 2012 a été le seul moment véritablement “démocratique” de l'histoire de la Géorgie. En dehors de ce moment historique, pratiquement rien dans le pays ne fonctionne comme il le devrait dans un Etat démocratique. Les élections, qui ne sont jamais organisées sans que les électeurs ne soient manipulés (par le biais de pots-de-vin, de menaces et de promesses d'avantages), en sont un bon exemple.

Le féodalisme moderne illustré par Bidzina Ivanichvili et son parti, Rêve géorgien, est loin d'être un cas isolé. Dans le monde, les nostalgiques du féodalisme sont nombreux.

Accélérationnisme et anti-démocratie antilibérale

Le principe de base de l'accélérationnisme est simple : plutôt que de brider le capitalisme, il faut le propulser vers l'avant plein gaz. Un accélérationniste de gauche pourrait penser, par exemple, que voter pour Donald Trump conduirait le capitalisme à un stade où, victime de ses contradictions, il s'effondrerait. Les accélérationnistes de droite affirment, quant à eux, que la démocratie et les politiques libérales entravent le progrès technologique et qu'il faudrait donc accorder un pouvoir illimité à la classe féodale (c'est-à-dire aux milliardaires). En Occident, l'autoritarisme est désormais bien implanté, malgré la présence d’institutions démocratiques solides. La méfiance vis-à-vis de ces dernières est également incroyablement élevée là où elles fonctionnent le mieux.

La philosophe Wendy Brown affirme que le néolibéralisme est la principale source du sentiment antidémocratique et anti-institutionnel. Plusieurs études tendent à prouver que les inégalités économiques seraient l’une des principales causes de la perte de confiance dans les institutions et de la polarisation politique en général. Ce n'est pas un hasard si les électeurs de Bernie Sanders (démocrate américain aux positions économiques proches du socialisme) et ceux de Trump se recoupent en partie. Le protectionnisme et le sentiment anti-mondialisation sont extrêmement populaires parmi les partisans MAGA (“Make America Great Again”, le slogan de campagne de Donald Trump), ainsi que parmi les électeurs progressistes de gauche

Sanders et Trump sont tous deux considérés comme des figures anti-establishment qui s'opposent aux institutions et promettent de rendre à l'Amérique sa grandeur. Pour Sanders, cela passe par l’amélioration du système de santé et par la taxation des plus riches ; pour Trump, il est nécessaire d’éradiquer “l'Etat profond” (concept issu de théories du complot voulant qu’un cercle réduit d’individus contrôle secrètement l’Etat de l’intérieur) et de ramener la production industrielle aux Etats-Unis.

Après de nombreuses années de politique néolibérale en Géorgie, ce sont les organisations non gouvernementales qui ont pris le relais des institutions étatiques et de leurs fonctions. Par exemple, selon la loi géorgienne, le ministère de l'Environnement n'évalue pas les projets de développement à grande échelle. Les entreprises de construction sont chargées de mener ces études et de les présenter au ministère. En fait, le ce dernier peut délivrer une autorisation avant même l'évaluation des dommages environnementaux potentiels.

Cette pratique a été sévèrement critiquée par le Programme des Nations Unies pour le développement durable. De même, la recherche en tant que telle a complètement disparu des universités géorgiennes, alors même qu'elles avaient été créées à cette fin. Dans la plupart des cas, les étudiants en sciences politiques doivent chercher des petits boulots pour couvrir leurs frais de scolarité. La plupart des recherches sociales, politiques et culturelles sont menées par des organisations non gouvernementales. Pendant ce temps, les institutions publiques qui ont bénéficié de l'aide des ONG (telles que le système législatif et la gouvernance locale) ne fonctionnent toujours pas correctement, un problème devenu évident depuis le début des années 2000 – et qui ne s’est toujours pas amélioré depuis.

Dans un article publié en 2000 par la Carnegie Endowment for International Peace, John K. Glenn écrivait que, malgré des ressources financières extrêmement limitées, les ONG avaient joué un rôle important dans les anciens pays communistes en mettant en place des institutions associées à la gouvernance démocratique, malgré les maigres ressources dont elles disposaient. Il ajoutait toutefois que ces organisations n'avaient eu que peu d'influence sur la manière dont ces institutions fonctionnaient au jour le jour.

Aujourd'hui, il est clair que les institutions étatiques ne peuvent pas fonctionner efficacement si elles se limitent à des consultations, des sessions de formation et des brochures éducatives. Leur efficacité dépend entièrement du niveau culturel de la société et de sa demande directe. En Géorgie, les institutions étatiques n'existent que formellement ; par conséquent, les autocrates ont pu en prendre le contrôle facilement.


Une partie considérable de la population recherche activement des alternatives politiques, refusant d’admettre que la démocratie se résume à participer à des élections législatives tous les quatre ans


Il n'est guère surprenant que certaines personnalités publiques autrefois associées aux libéraux de gauche se soient ralliées au parti Rêve géorgien. N'ayant aucun espoir d'instaurer la démocratie, elles affirment que celle-ci n’est qu’un stratagème marketing du Mouvement national uni, le parti de Mikheïl Saakachvili, l’ancien président aujourd’hui assigné à résidence. Il faut souligner que par “partisans du Mouvement national uni”, ces personnalités entendent toute personne qui n'est pas Bidzina Ivanichvili. En substance, ils espèrent la venue d’un Superman à la vie ascétique et “aimant sincèrement la Géorgie”. Ivanichvili n'est pas cruel, bien au contraire. Les promoteurs de Rêve géorgien sont convaincus que sous sa direction, ils pourront guérir le pays de sa maladie mortelle.

Il va sans dire qu'Ivanichvili et ses partisans se trompent lourdement, mais cela n'a pas d'importance. On ne sait pas clairement si l’oligarque agit dans son propre intérêt financier, lui qui est largement considéré comme une figure messianique parmi les partisans les plus fervents de son parti. Il n'est pas nécessaire de douter de leur confiance sans réserve en lui pour démontrer à quel point les actions du Rêve sont néfastes. Le parti veut créer un Etat prospère fondé sur les intentions et le sens des responsabilités d'Ivanichvili.

Ivanichvili a lié tout son argent et tout ce qu'il possédait au Fond Cartu – son organisation philanthropique – et au budget de l’Etat géorgien. Conformément à la logique du parti, il rembourse la dette publique, soutient financièrement les maisons d'édition et les artistes, et construit des églises et des universités. En bref, c'est lui qui prend soin du peuple géorgien. De nombreux partisans de Rêve géorgien pensent donc qu'Ivanichvili est la seule personne capable d'aider le pays. Si leur confiance aveugle est critiquable, il ne faut pas oublier que le soutien politique est rarement déterminé par la rationalité.

Un exemple de cette irrationalité : de nombreux Américains pensent que l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) est une organisation corrompue et citent certains faits pour justifier cette croyance [au moment de la rédaction de cet article, l’USAID, qui a depuis été dissoute, officiait encore]. Cependant, même si ces faits – comme il a été parfois prouvé par la suite – s'avèrent faux, les partisans de Trump sont tellement convaincus que l'establishment politique est corrompu que rien ne peut ébranler leur conviction. Je pense que ces croyances découlent des inégalités causées par le néolibéralisme, l'aliénation sociale et les réseaux sociaux.

La politique est rarement rationnelle et les opinions politiques des gens changent rarement à la lumière d'arguments logiques. Le procès d'O. J. Simpson [ancien joueur de football américain, accusé en 1995 d’avoir assassiné son épouse Nicole Brown, avant d’être acquitté] en est une excellente illustration. À l'époque, de nombreuses personnes aux Etats-Unis croyaient Simpson injustement accusé de meurtre : un autre homme noir victime du racisme institutionnalisé. Comme l'écrivait le journaliste Sam Smith en 2006, les déclarations de la défense de Simpson étaient “la traduction mythique d'histoires qui [n'avaient] jamais pu être racontées […] tout était vrai, sauf les noms, les dates et les lieux”. Le sentiment de Smith reflète le mécontentement actuel à l'égard des processus politiques en Géorgie et ailleurs.

Le paternalisme de l'autoritarisme

La distinction entre l'accélérationnisme de droite et celui de gauche reste assez vague. Le populaire blogueur américain d’extrême droite Curtis Yarvin (alias Mencius Moldbug) estime qu’un pays a besoin d'un PDG pour réussir. À cet égard, Ivanichvili n'est-il pas notre PDG national ? À l'instar de la description de poste d'un PDG, ses responsabilités ne sont pas clairement définies et les tâches liées à la gestion d'une entreprise ou d'un pays sont réparties entre les personnes en qui il a confiance. Dans cette optique, le style autoritaire d'Ivanichvili rappelle la gestion verticale des entreprises.

Ce “ton paternaliste” est caractéristique de l'attitude de Rêve géorgien envers ses citoyens quand ceux-ci réclament de nouvelles élections et la libération des prisonniers politiques. Le parti se comporte comme un père, prêt à pardonner sincèrement à un jeune rebelle – à condition qu’il montre des remords, reconnaisse ses torts et promette de bien se comporter à l'avenir.

L’UE et la Géorgie

La vague conservatrice a également touché l'Union européenne. En France, l'ensemble du paysage politique s'est uni contre Marine Le Pen, tandis qu'outre-Rhin, le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) est devenu la deuxième plus grande formation politique du pays, ce qui aurait été impossible il y a cinq ou dix ans. Dans un avenir proche, nous pourrions voir des partis eurosceptiques diriger les pays européens les plus influents. Jusqu'à présent, rien n'indique que cette tendance ne soit pas réversible. 

L'intégration européenne présuppose la mise en place d'institutions étatiques et d'une culture démocratique, un processus extrêmement bénéfique, bien que long. Cependant, l'émergence du conservatisme européen offre désormais à Rêve géorgien la possibilité d'influencer des domaines de la société civile qui étaient auparavant hors de sa portée, tels que les universités, le cinéma, le théâtre et les organismes de recherche.

De quels leviers dispose l'Union européenne vis-à-vis de la Géorgie ? Si les membres de Rêve géorgien sont sanctionnés, la Géorgie pourrait devenir moins attrayante pour les investisseurs européens. Dans le même temps, les investissements directs en provenance d'Europe sont relativement faibles et il est difficile d'imaginer qu'un embargo soit imposé à la Géorgie. Comme l'a mentionné Michael Roth, président de la commission des relations étrangères du Bundestag allemand, lors de la conférence de presse tenue à Tbilissi le 16 janvier 2025, il est également peu probable que des sanctions soient prises à l'encontre de personnes spécifiques. “Il faut l'unanimité de tous les ministres [des Affaires étrangères] pour imposer des sanctions à des individus spécifiques”, a-t-il rappelé. “Malheureusement, le régime géorgien actuel a des partisans et des amis au sein de l'Union européenne, notamment le parti pro-russe AfD en Allemagne ainsi que les Premiers ministres hongrois Viktor Orbán et slovaque Robert Fico.”

Le climat actuel au sein de l'UE et des Etats-Unis est très profitable pour le parti Rêve géorgien. Bien qu'il soit difficile de prédire la position de Trump, l’investissement qu’a fait le parti dans ces relations s'est jusqu'à présent avéré rentable.

Les tentacules silencieuses de la Chine

Notre classe politique et les intellectuels de l’époque de la perestroïka ont gardé les yeux rivés sur la Russie, négligeant complètement l’influence grandissante de la Chine. Les cercles de réflexion locaux perçoivent cette dernière soit comme une menace, soit comme un acteur secondaire – voire les deux. L'ONG Civic Idea de l'ancienne ministre de la Défense Tina Khidacheli est exemplaire de cette ambivalence.

Dans l'article Chinese Investment in Georgia: A Drop in the Ocean (“Les investissements chinois en Géorgie : une goutte d'eau dans l'océan”), Civic Idea souligne que les investissements directs les plus importants en Géorgie proviennent du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de Malte. L'article affirme que l'on ne peut parler de véritable partenariat économique que lorsque les investissements directs vont croissant et de pair avec le développement des entreprises. Les constructions de routes, de ponts et de tunnels en Géorgie par des entreprises chinoises sont en grande partie financées par les contribuables géorgiens et sont effectuées à la demande du gouvernement. Par conséquent, leur implication ne reflète pas un investissement chinois croissant ou un attrait économique en hausse.

À première vue, il est surprenant que le Royaume-Uni et les Pays-Bas figurent en tête de la liste des investisseurs directs, mais l'explication est assez simple : les plus grandes entreprises géorgiennes, telles que Ltd. Mars (Crystalbet), Silkroad Group et Tbilisi Energy, entre autres, sont enregistrées dans ces pays. 

Il est à noter que l'article de Civic Idea ne mentionne pas les projets d'infrastructure gérés par des entreprises chinoises, qui revêtent une importance économique considérable. L'accord de libre-échange signé avec la Chine en 2017 n'a pas entraîné le boom économique escompté. Néanmoins, le rôle de la Chine dans le développement des infrastructures géorgiennes, surtout dans des secteurs stratégiques, reste très important.

Pour Rêve géorgien, la coopération avec la Chine est avantageuse, principalement parce que cette dernière ne s'intéresse pas aux questions politiques, culturelles, législatives ou aux réformes démocratiques de la Géorgie. Par ailleurs, le pays intéresse Pékin dans le cadre de la Nouvelle route de la soie, aussi appelée “Belt and Road Initiative”. Idéalement, la Géorgie reliera la Chine à l'Union européenne via le port d'Anaklia. Cette route a pris beaucoup plus d'importance depuis que la guerre en Ukraine a perturbé les voies terrestre via le Kazakhstan, la Russie et la Biélorussie. La Russie n'étant pas le pays de transit le plus sûr, la Géorgie pourrait être considérée comme une alternative, et faciliterait les échanges entre la Chine, l'Azerbaïdjan et la Turquie à travers des infrastructures modernisées. 

La propagande du gouvernement suggère que si la Géorgie devient un point de transit important, cela réduira la menace d’une agression de la part de la Russie. Pour illustrer les espoirs que le parti place en la Chine, citons un commentaire de Nukri Shoshiashvili, analyste de POSTV, qui s’interrogeait sur la raison d’être des investissements chinois dans les infrastructures et l’industrie: “Quel est [leur] objectif ? Exactement le même que celui des Etats-Unis en Europe après la Seconde guerre mondiale, très similaire au plan Marshall. Il ne s'agit pas seulement d'un projet économique, mais plutôt d'un projet social et politique à grande échelle : ce que l'Europe a été au cours des 70 dernières années de paix, le Caucase doit désormais l'être avec son corridor central.”

À ce jour, personne ne sait quelle ampleur prendra la Nouvelle route de la soie. Une stratégie axée sur les exportations pourrait ne pas se révéler viable sur le long terme pour la Chine. Cela dit, l’idée selon laquelle les investissements chinois à grande échelle seraient une forme de colonisation, comme c’est le cas dans de nombreux pays africains, est également assez répandue.

Quelles alternatives pour la Géorgie ?

Après la guerre en Ukraine et la montée en puissance des sentiments anti-mondialistes, la Géorgie dispose de quelques alternatives. Et cela dans un contexte où Rêve géorgien et l'équipe d'Ivanichvili cherchent à présenter ce dernier comme un bienveillant “gestionnaire national”. Ils y sont partiellement parvenus, principalement parce que l’opposition est politiquement figée dans une époque précédente – voire dans la nostalgie de la Guerre froide.

De nombreux partisans du Rêve géorgien ne reconnaissent pas l'autoritarisme comme une faiblesse du gouvernement. On peut en dire autant des partisans du Parti républicain américain, ainsi que des nouveaux autocrates “conservateurs” de par le monde. La méfiance à l'égard du “système” est un phénomène mondial, même si personne ne peut dire avec certitude ce qu'est ce “système” – ni d'ailleurs ce que sont l’“Etat profond” ou le “parti mondial de la guerre” ainsi que le Rêve Géorgien qualifie les partisans de l’Ukraine. Les gouvernements accélérationnistes exploitent ces sentiments à leur avantage, les exacerbant souvent. Ils affirment que tout est corrompu et doit être détruit pour repartir à zéro. Une telle attitude est relativement nouvelle et nécessite une réponse différente si l'on veut donner une chance à la démocratie.

Le Rêve géorgien bénéficie d'un soutien important et met en œuvre sa vision, souvent de manière ferme et brutale. La géopolitique mondiale peut difficilement justifier les cas de torture et de dispersion violente des rassemblements dont nous avons été témoins lors des manifestations de ces derniers mois. Il est clair que Rêve géorgien entend semer la peur en réprimant les manifestations avec violence. Il ne cédera pas tant qu'il n'aura pas le contrôle total de tous les aspects de la vie sociale du pays. 

À la suite du changement de politique étrangère du parti, une partie considérable de la population recherche activement des alternatives politiques, refusant d'admettre que la démocratie se résume à participer à des élections législatives tous les quatre ans. Si l'on peut espérer que la Géorgie ne glisse vers un régime autoritaire irréversible, c'est grâce à ces personnes. Outre des manifestations d'une ampleur sans précédent dans l'histoire récente du pays, nous assistons également à l'émergence d'une société politiquement engagée. Le combat qui nous fait face sera difficile, mais il a déjà commencé.

👉 Lire l'article original sur Indigo

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