Reportage Crise climatique
Dadia (Evros), Septembre 2023. Un Canadair de la protection civile française venu en renfort dans le cadre de l'entraide européenne. | Photo: Fabien Perrier Evia-Grèce-voxeurop-Perrie

La Grèce menacée de pénuries alimentaires après les catastrophes climatiques

Pour la Grèce, l'été 2023 a été, de nouveau, celui d'une guerre contre le changement climatique. Des incendies de forêt et des précipitations record ont dévasté le pays. Ces catastrophes qui laisseront des traces pendant des années menacent à présent la production agricole.

Publié le 31 octobre 2023 à 15:37
Evia-Grèce-voxeurop-Perrie Dadia (Evros), Septembre 2023. Un Canadair de la protection civile française venu en renfort dans le cadre de l'entraide européenne. | Photo: Fabien Perrier

Deux milliards d'euros ! Tel est le coût estimé par Moschos Korasidis, le Directeur général de l'Union nationale des coopératives agricoles de Grèce, des catastrophes climatiques qui se sont enchaînées dans le pays entre mi-juillet et mi-septembre. Le Secrétaire général du Ministère de l'Agriculture, Giorgos Stratakos, lui emboîte le pas : “C'est un problème global ”.

carte de la grèce

En effet, les incendies ont d'abord ravagé les alentours d'Alexandroupoli, principale ville de la région agricole de l'Evros, au nord-est du pays, les îles de Rhodes et de Corfou, ou encore la zone du Mont Parnès, véritable poumon vert de la capitale, Athènes. Ensuite, les tempêtes Daniel puis Elias ont déferlé sur la plaine de Thessalie, réserve alimentaire du pays. La nature renaîtra-t-elle sur ces terrains ravagés ?

Cette question taraude Kiriaki Chatzisavvas, 37 ans, biologiste de formation, qui a lâché l'industrie pharmaceutique pour planter des vignes en Evros. “C'était un petit paradis ici, explique-t-elle en montrant les flancs des coteaux. Désormais, c'est une catastrophe.” Les pieds de vignes sont carbonisés, les grappes de raisin desséchées, le sol jonché de cendres. Sur les 7 hectares du domaine règne une odeur âcre.


“Le sol, l’air, l’eau, la biodiversité : tout est affecté par ces feux” – Pavlos Georgiadis, ethnobotaniste


Il lui faudra 5 à 10 ans pour retrouver une production équivalente. La vigneronne se demande si elle pourra poursuivre son expérience viticole basée sur la “biodiversité.” Elle précise : “Mon approche était holistique, l'intervention humaine faible. J'avais même mené une expérience avec un apiculteur qui avait entreposé des ruches autour des vignes. La nature avait recouvré son équilibre.

Les incendies que l'homme n'a pas maîtrisés à temps ont anéanti la biodiversité en dévastant les vignes, les forêts, les terres agricoles, les champs d'oliviers.


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Les apiculteurs sont inquiets. Michalis, 31 ans, avait environ 200 ruches qu'il a réussi à sauver. “La production de miel est mon unique source de revenus. Où mes abeilles vont-elles se nourrir alors que le feu a tout cramé ?”.

C'est une préoccupation essentielle pour Pavlos Georgiadis, ethnobotaniste originaire de l'Evros, qui enseigne à l'Université Hohenheim, en Allemagne :  “Les abeilles, essentielles pour la pollinisation, n'ont plus de quoi se nourrir même quand les ruches ont été sauvées. Dans ce contexte, il y a un risque de désertification. Les conséquences des incendies sont immenses pour la biodiversité ! Des milliers d'oliviers ont brûlé, des terres arables sont détruites et des animaux sont morts dans les flammes.” Puis, le chercheur déroule : “Le sol, l'air, l'eau, la biodiversité : tout est affecté par ces feux.

Région de l'Evros, septembre 2023. Les vignes de Kiriaki Chatzisavvas dévastées par les incendies de l'été. | Photo: F. Perrier
Région de l'Evros, septembre 2023. Les vignes de Kiriaki Chatzisavvas dévastées par les incendies de l'été. | Photo: F. Perrier

Bref, tout l'écosystème est en danger. “La santé biologique des sols sera affectée par les inondations et les incendies : en outre, il sera difficile de planter des cultures qui peuvent être affectées par les maladies du sol en raison de l'humidité excessive, ainsi que ‘l'asphyxie des racines’ due principalement à l'inondation prolongée du sol”, explique Moschos Korasidis. Pour lui, “cette dégradation de vastes terres agricoles fait peser de graves menaces sur la sécurité alimentaire locale et nationale. Les pénuries de cultures essentielles peuvent entraîner une dépendance accrue à l'égard des importations, ce qui a des répercussions négatives sur la balance commerciale du pays.”

L'alerte peut paraître exagérée... Mais les chiffres donnent la mesure des spectres des pénuries et des hausses de prix qui hantent désormais la Grèce. En Evros, les incendies ont carbonisé 94 000 hectares, dont près de la moitié de forêts et 8 114 ha des terres agricoles (soit 55,6 % du total de la région). Même les oliviers centenaires sont en danger.

La Thessalie, qui représente près de 15 % des terres agricoles du pays (plus de 400 000 hectares) est une véritable réserve agricole et un grenier à blé. Y sont également produits 7 % des betteraves sucrières, 50 % des tomates industrielles et des principales légumineuses comme les pois, 30 % du coton et de l'orge, 20 % du foin utilisé dans l'élevage, une grande partie des fruits et légumes. 

Elle est un pilier de la production de viande, de lait et de fromages. Moschos Korasidis prévient : “Nous avons aussi des catastrophes dans les produits stockés, tels que les céréales”. Pour lui, “entre offre de denrées alimentaires sur le marché considérablement réduite et graves problèmes dus à la spéculation, les conditions sont créées pour une augmentation des prix.” Après dix ans de crise économique et financière, une autre crise plane : de production alimentaire cette fois.


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