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Intégration : les Européens ont tout faux

Publié le 3 février 2012 à 15:25

Alors qu'en France, François Hollande a relancé le débat sur la laïcité en proposant d'inscrire la loi de 1905 ("celle qui sépare les Eglises et l'Etat") dans la Constitution, outre-Atlantique, l'échec des politiques européennes en matière d'intégration est pointé du doigt.

Dans un article récemment paru dans le New York Times, Jonathan Laurence, professeur associé en sciences politiques au Boston College et auteur de "The Emancipation of Europe's Muslims : The State's Role in Minority Integration" [L'émancipation des musulmans d'Europe : le rôle de l'Etat dans l'intégration des minorités], réagissait notamment aux violences qui ont suivi la mort à Clermont Ferrand de Wissam El-Yamni. Ce routier de 30 ans, arrêté par des policiers la nuit de la Saint Sylvestre, est mort d'un malaise cardiaque pendant le trajet qui le menait au commissariat.

Pour Jonathan Laurence, l'indignation suscitée par cette mort, souligne l'hostilité des jeunes d'une minorité envers les autorités d'une société qui ne sait pas les intégrer. L'universitaire écrit :

L'échec de l'intégration musulmane en Europe est souvent attribuée — plus particulièrement par les partis d'extrême droite — à un excès de tolérance envers l'immigration musulmane à grande échelle qui débuta au milieu des années 1970. Selon leur argument, en satisfaisant aux besoins de la religion musulmane, des pays comme la France, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas ont involontairement freiné l'assimilation et ont même, dans certains cas, nourri le radicalisme. Mais le malaise dans les banlieues européennes ne provient cependant pas de la différence religieuse, mais de l'anomie.

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Les Européens ne devraient pas avoir peur de permettre aux étudiants musulmans de suivre des cours sur l'Islam dans des écoles et des universités publiques. Reconnaître et accepter les pratiques de la religion musulmane, de la façon de s'habiller à l'éducation en passant par la langue, ne revient pas à céder au fondamentalisme. Au contraire, ce n'est qu'en renforçant les droits démocratiques des citoyens musulmans à former des associations, à se joindre aux partis politiques, et à s'engager dans d'autres aspects de la vie civique que l'Europe pourra intégrer ses immigrés et donner tout son sens à la promesse abstraite de liberté religieuse.

La montée de partis d'extrême-droite anti-immigration, ont conduit plusieurs pays européens à imposer des restrictions au code vestimentaire musulman, à la construction des mosquées et au regroupement familial par des lois d'immigration. Ces politiques sont contreproductives. Paradoxalement, les personnes pour qui la religion n'est en principe pas primordiale deviennent encore plus attachées au code vestimentaire de leur religion, aux symboles et aux traditions lorsqu'elles sentent qu'elles sont pointées du doigt et que les droits fondamentaux leur sont refusés.

Pendant trop longtemps, poursuit le professeur, les Européens :

ont caché l'absence de politique cohérente d'intégration sous le couvert du 'multiculturalisme'. L'Etat a délégué le difficile travail de l'intégration aux diplomates étrangers et aux institutions musulmanes - par exemple, certains étudiants en Allemagne lisent des livres fournis par l'Arabie saoudite dans des institutions financées par ce pays.

Pour Jonathan Laurence, l'exclusion institutionnelle a nourri une exigence de reconnaissance religieuse, et a beaucoup contribué à unir et à isoler les musulmans. Elle a laissé le champ libre aux organisations radicales qui sont devenues les défenseurs les plus visibles de la foi.

L'auteur qui rappelle que d'ici 20 ans, la population musulmane d'Europe devrait représenter 7 à 8% des Européens, conclut :

Accorder aux musulmans la totale liberté religieuse ne lèvera pas les obstacles à leur participation politique et à la création d'emplois. Mais cela permettra au moins de limiter les tensions qui se portent sur la pratique de leur religion. On éviterait ainsi les rivalités sectaires inutiles et ouvrirait la voie aux hommes politiques pour s'atteler aux défis les plus fastidieux et urgents de l'intégration socioéconomique.

C.M.

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