Israël et Palestine, une "eurovision"

Depuis longtemps, Israël prend part à l’Eurovision et aux championnats de football européens. Et s'il devenait membre de l’Union européenne ? Peu probable, selon le Britannique Sarfaz Manzoor, mais ce serait une perspective de paix séduisante pour la région.

Publié le 25 mai 2009 à 08:04

Au concours Eurovision, cette année, Israël était représenté par une arabe et une juive chantant ensemble pour la paix. La chanson There must be another way [Il doit y avoir un autre moyen], dont les paroles étaient à la fois en arabe, en hébreu et en anglais, appelait à la coexistence pacifique au Moyen-Orient : “And when I cry, I cry for both of us. My pain has no name. And when I cry, I cry to the merciless sky and say: there must be another way…” [Et quand je pleure, je pleure pour nous deux. Ma douleur n’a pas de nom. Et quand je pleure, c'est le ciel sans pitié que j'implore et je dis : il doit y avoir un autre moyen].

En d'autres circonstances, j'aurais moi aussi imploré "le ciel sans pitié" en riant de l’absurde prétention des deux chanteuses. Mais cette chanson m’a rappelé une conversation avec Saad, Palestinien rencontré le mois dernier à Ramallah. Il avait attiré mon attention en me racontant qu’il avait la solution au conflit israélo-palestinien : l’Union européenne devrait intégrer Israël et la Palestine. Cette intégration, bousculant les paramètres actuels du conflit, permettrait de dissoudre les points de discorde entre les deux pays. “Il faut changer ce système”, avait-t-il ajouté. “Il faut remonter tout cela à un niveau supranational”.

Je lui avais répondu qu’il y avait un léger problème : Israël n’est pas vraiment en Europe. “Israël participe déjà à tous les tournois européens importants et à l’Eurovision”, avait-t-il rétorqué, “et la Palestine dépend financièrement de l’UE”. C’est quand même une idée absurde, insistais-je, car Israël et la Palestine ont chacun leur propre identité. Il était d’accord sur ce point, mais pensait que la perspective d’obtenir la citoyenneté européenne et de devenir membre de l’UE aurait un impact immédiat. Les avantages offerts par une adhésion à l’UE contribueraient forcément à renouveler l'identité des deux pays. Aujourd'hui, beaucoup de citoyens, d’un côté comme de l’autre, rêvent d'obtenir la citoyenneté d'un pays de l'Union. Autre conséquence positive, selon Saad : les populations ne seraient plus obsédées par l'idée de quitter leur pays. Quand ils se rendraient compte qu’ils pourraient facilement se déplacer vers et depuis leur lieu de résidence, les deux peuples resteraient dans leur zone respective. “Les Israéliens n'auront plus à être soldats toute leur vie et les Palestiniens n’auront plus besoin d’être des combattants de la liberté. La perspective d’un avenir meilleur pour les deux générations - qui pousse actuellement les Palestiniens à chercher l'asile dans les pays de l’Union et les Israéliens à brandir leur arbre généalogique pour proclamer leur citoyenneté européenne - sera le principal critère de l’acceptation d’une nouvelle identité”. De plus, la mise en application des lois, la prise en compte du problème du chômage et l’amélioration de la situation économique auraient des conséquences positives sur l’ensemble de la communauté.

Les mentalités changeraient forcément grâce à cette nouvelle idée que chaque individu serait enfin libre.“Nous deviendrions tous citoyens”, avait-il expliqué. “Les Palestiniens ne sont pas des citoyens. Tous les Palestiniens de Cisjordanie et de la Bande de Gaza sont uniquement considérés comme des habitants aux yeux de la loi israélienne. La liberté de mouvement serait restaurée. Nous pourrions nous déplacer d’un côté comme de l’autre ainsi qu’en Europe”. Autre conséquence : cette adhésion couperait l'herbe sous le pied des extrémistes qui ne pourraient plus utiliser le conflit israélo-palestinien comme prétexte au maintien des hostilités. La Palestine cesserait également d’être un pays en développement pour devenir un pays développé. Au lieu de recevoir des aides, elle générerait de l’argent. L'Etat hébreu, lui, se sentirait de nouveau en sécurité et pourrait fonctionner comme une société normale.

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Lorsqu’il m’avait exposé ce plan, j'étais resté dubitatif. Je doute toujours qu’il puisse se réaliser un jour. Mais cela m'avait fasciné. Le concours de l'Eurovision et l'échéance des élections européennes du mois prochain m’ont rappelé cette conversation avec Saad. Son message adressé à ceux qui cherchent une solution au conflit israélo-palestinien est le même que celui de la chanson présentée par Israël : il doit y avoir un autre moyen.

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