En vente : Le Grand Kinigat (Autriche), la forêt irlandaise, une plage de Caprera (Italie), le pavillon de chasse de la Muette (France), le soleil grec, des hélicoptères de la Défense britannique.

La grande braderie européenne

Dans toute l’Europe, les Etats cherchent des moyens rapides de trouver des fonds. Apparemment, tous ont eu la même idée : vendre le patrimoine national.

Publié le 21 février 2012 à 12:24
En vente : Le Grand Kinigat (Autriche), la forêt irlandaise, une plage de Caprera (Italie), le pavillon de chasse de la Muette (France), le soleil grec, des hélicoptères de la Défense britannique.

Qu’ont en commun le mardi gras portugais, le soleil grec, les pur-sang irlandais et la loterie nationale espagnole ? Réponse : ils sont tous soit mis en vente, soit supprimés par des gouvernements européens qui ne savent plus quoi inventer pour ressusciter leurs finances après avoir vécu pendant dix ans au-dessus de leurs moyens. Les Etats du continent sont de plus en plus nombreux à vendre leur argenterie, braderie du patrimoine européen sans aucun précédent.

La Grèce est sans doute celle qui a mis le plus aux enchères, pour près de 50 milliards d’euros de trésors nationaux, mais d’autres ont eu la même idée. Sous des cieux plus cléments, ces solutions désespérées paraîtraient au mieux ambitieuses. Sauf que les cieux en question n’ont en ce moment rien de clément.

Et, si tout le monde débarque sur le marché en même temps, les prix ne vont pas manquer de dégringoler. La Grèce, par exemple, n’a pour l’heure récolté que 180 millions d’euros sur son objectif annoncé de 50 milliards.

Logiquement, les acheteurs ne devraient pas manquer. La Chine veut investir ses richesses dans les moindres coins et recoins de la planète, tandis que les pays du Moyen-Orient sont toujours prêts à dépenser l’argent que leur rapporte le pétrole.

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Il est difficile de savoir s’il faut s’en réjouir ou non. D’un côté, tout ce qui peut nous permettre d’échapper à la dette est bienvenu. De l’autre, une fois vendue, l’argenterie de la famille n’est plus à nous. Alors que nos économies sont de plus en plus dépassées par la Chine et l’Inde, on court le risque grave de voir la situation ne jamais redevenir ce qu’elle était.

1. Irlande

Forêts, service public, une compagnie aérienne, des pur-sang

L’Etat irlandais a mis des parts en vente dans tout un éventail de biens du patrimoine, dont sa compagnie aérienne, Aer Lingus, la société d’exploitation forestière Coillte et les célèbres haras nationaux (qui vaudraient près de 1 milliard). Bord Gis, la compagnie irlandaise du gaz, a été évaluée à 2,5 milliards d’euros. Le ministère des Transports a confirmé la semaine dernière que la part du gouvernement dans Aer Lingus, d’un montant de 123 millions d’euros, avait suscité un “grand intérêt”.

2. Portugal

Infrastructures énergétiques

Le Portugal est parmi les premiers à participer à la braderie, et donc un de ceux auxquels elle a le plus rapporté. Le réseau national électrique portugais appartient désormais en partie à la Chine et à Oman Oil. Grâce à ces accords, le Portugal a récupéré 592 millions d’euros. Dans le cadre d’un contrat encore plus juteux, de près de 8 milliards d’euros, 21 % d’Energias de Portugal, la compagnie énergétique nationale, a été racheté par la Corporation des Trois-Gorges chinoise.

3. Pays-Bas

Matériel militaire

L’an dernier, le ministère de la Défense néerlandais a récolté plusieurs millions d’euros en vendant un lot de 18 chasseurs F-16 Fighting Falcon au Chili. Des bâtiments de combat ont également été mis en vente lors de cette opération, qui s’inscrivait dans un programme d’austérité évalué à 1 milliard d’euros.

4. Royaume-Uni

Ambassades, bâtiments officiels, équipement militaire

La Grande-Bretagne espère convertir la part du gouvernement dans les National Air Traffic Services (organisme de gestion du trafic aérien) en espèces sonnantes et trébuchantes. Il a de plus été envisagé de vendre des centaines d’ambassades et de propriétés appartenant au Foreign Office un peu partout dans le monde, pour une valeur totale de 240 millions de livres (287 millions d’euros).

Le ministère de la Défense vend le site du camp de Deepcut – et des tonnes de matériel militaire dont il ne veut plus. Soixante-douze appareils à décollage vertical de type Harrier retirés du service ont été récemment vendus aux Etats-Unis pour environ 116 millions de livres (138 millions d’euros). Le porte-avions HMS Ark Royal a été mis aux enchères l’an dernier. Parmi les autres équipements de la Défense que l’on peut se procurer, citons des hélicoptères, des Land Rover et des montres de luxe.

5. Espagne

Infrastructures (y compris le métro de Madrid ?)

En septembre, le projet d’engranger des milliards d’euros grâce à la privatisation partielle de la loterie nationale espagnole a été annulé quand le ministère des Finances a décrété que sa valeur commerciale était sous-estimée. Criblé de dettes, le gouvernement espagnol se dispose cependant à vendre des biens situés à Madrid, où un accord est en cours de négociation sur la commercialisation d’une part minoritaire de la compagnie des eaux de la capitale, Canal Isabel II. Le métro de Madrid, d’un montant évalué à 2 milliards d’euros, pourrait lui aussi être mis en vente.

6. France

Immobilier de premier choix

Depuis des années, la France vend des biens immobiliers de l’Etat. En 2010, on a annoncé la vente de 1 700 propriétés supplémentaires afin de réduire la dette, de plusieurs milliards d’euros, du pays. Des châteaux historiques, des immeubles parisiens, et même le pavillon de chasse royal de la Muette, d’une valeur de 12 millions d’euros, ont été mis en vente.

7. Autriche : les Alpes (presque)

Le gouvernement a suscité un tollé en juin dernier en proposant deux montagnes au prix de 121 000 euros le lot. L’opposition au projet de vente du Rosskopf (2 600 mètres) et du Grand Kinigat (2 700 mètres) aura réussi à lui faire remiser ses crampons. Cependant, un ministre a déclaré que ces deux sommets pourraient être à nouveau présentés aux acheteurs.

8. Italie : bâtiments, plages, or, façades de monuments – les idées fleurissent

En 2010, l’Etat italien s’est lancé dans une grande braderie en proposant quelque 9 000 édifices, plages, forts, et même îles, pour financer le remboursement de la dette souveraine. Le lot mis sur le marché a été estimé à plus de 3 milliards de livres (3,60 milliards d’euros). Personne ne sait vraiment si cette somme rondelette s’est matérialisée dans les caisses italiennes, mais des dizaines de palazzi vénitiens ont été achetés pour être transformés en hôtels. La vente de droits d’affichage publicitaire sur le Colisée a permis également de lever des fonds. Plus récemment, l’Allemagne a vivement recommandé à l’Italie de vendre ses réserves d’or rapidement, tant que le cours reste élevé.

9. Lettonie : une ville fantôme

En 2010, une ville entière a été vendue aux enchères à une société russe pour 1,9 million de livres (2,27 milliards d’euros). Skrunda-1, une ancienne base militaire russe, était à l’abandon depuis la chute de l’Union soviétique.

10. Grèce : tout doit disparaître (sauf l’Acropole)

Le gouvernement grec cherche à réunir pas moins de 50 milliards d’euros en vendant ou en louant toutes sortes de biens nationaux, parmi lesquels l’aéroport international d’Athènes (et 38 autres aéroports), les compagnies pétrolières et gazières publiques, les ports de Thessalonique et du Pirée, la Hellenic Postbank, les autoroutes, la société publique des courses hippiques, et 35 immenses complexes immobiliers appartenant à l’Etat. Hellenikon, une bande côtière trois fois plus grande que Monaco, où se trouvait autrefois un aéroport international, est à vendre, tout comme 18 hectares à Corfou et, semble-t-il, de nombreux autres tronçons de littoral sublime. D’aucuns ont même parlé de vendre le soleil grec : Athènes est en pourparlers avec Bruxelles en vue d’exporter de l’énergie solaire.

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