Actualité Les élections grecques vue d'Athènes (1/5)

La peur, facteur de choix

Les législatives anticipées du 17 juin doivent permettre de désigner un gouvernement, après l’échec du scrutin du 6 mai. Le résultat est incertain, car les électeurs semblent passer d’un parti à l’autre, dans un climat de catastrophe.

Publié le 11 juin 2012 à 15:00

Le 17 juin prochain, la Grèce organise un scrutin crucial sur fond de naufrage économique, social et politique du pays. Les actes de violence sociale et politique s'ajoutent à la tension et les statistiques de l'économie nationale font craindre que le gouvernement qui sortira des urnes n'aura aucune marge de manoeuvre. Le pays est isolé puisque de grandes sociétés d'assurance-crédit (Coface, Euler-Hermes) ont arrêté d'assurer les importations en Grèce, alors que les entreprises sont à bout, obligées de payer comptant toutes leurs importations.

Le risque de pénurie de matières premières, de médicaments ou encore de nourriture est palpable et impose des réactions immédiates, alors que des représentants des milieux d'affaires parlent déjà "d'un cauchemar qui rappelle l'Albanie de Hoxha" si aucune solution n’est trouvée.

Les sociétés grecques manquent de matières premières, au point que leur production dépend des importations. Sur le plan énergétique, le pays est au bord du gouffre car il n'y a plus de crédits et la Grèce risque bientôt de ne plus avoir accès au marché iranien, à cause de l'embargo international imposé à Téhéran.

Au même moment, les économistes et les milieux politiques internationaux considèrent que les possibilités d'une sortie du pays de la zone euro augmentent, alors que l'isolement se ressent dans le gel des échanges et des accords commerciaux dans les secteurs du tourisme, du commerce et des transports. Parallèlement, les sociétés multinationales qui préservent une activité dans le pays prennent leurs dispositions et mettent du liquide de côté.

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Logique anti-mémorandum

Dans cet environnement, et alors que la tension sur le plan politique est évidente surtout après l'incident violent entre représentants politiques retransmis en direct à la télévision la semaine dernière ou l'affaire de Paiania [un adolescent de 15 ans a tué un cambrioleur pour protéger sa famille], la plupart des analystes politiques sont unanimes : le 17 juin, “le vote de la peur” dominera et “le vote de colère” reculera”. A en croire les intentions de votes, les sondeurs ont déjà une idée du résultat mais ils restent prudents quant à l'influence de l'attaque du député de Chrysi Avgi (Aube Dorée) contre la député communiste Liana Kaneli. Ils n'excluent pas que le score du parti en pâtisse.

Un analyste qui travaille avec plusieurs partis politiques considère que le caractère même de l'élection à changé. "Les élections du 6 mai étaient celles de la colère, celles du 17 juin seront celles de la peur", souligne-t-il sous couvert d'anonymat. Ainsi, il estime qu'il y aura un renforcement du vote systémique [pour les partis en faveur du mémorandum sur l’austérité] et parallèlement, une concentration du vote anti-système. Son analyse présente deux caractéristiques.

L'une concerne l’évolution de certains électeurs qui, "en tout ignorance", ont voté pour Aube Dorée aux dernières élections mais qui, en restant dans une logique anti-memorandum, finiront par voter pour Syriza, la Coalition de la gauche radicale [arrivée deuxième le 6 mai et favorite pour le 17 juin]. Il estime également qu'il est probable qu'il y ait une plus grande fuite des électeurs du Parti communiste vers Syriza.

La seconde, concerne la probabilité d’un recul du vote anti-système dans le transfert des électeurs d'Aube Dorée vers le Parti des Grecs indépendants [parti de droite opposé au mémorandum] et surtout pour ceux qui ne veulent pas voter pour des partis de gauche ou de centre-droit. Selon le président de l’un des principaux instituts de sondages, Aube Dorée est déjà sur une pente descendante et ne pourra pas atteindre à nouveau les 7% recueillis le 6 mai. Reste à savoir si le parti néo-fasciste y arrivera ou s'il restera en dehors du Parlement.

Pôle des décideurs

La plupart des analystes politiques et sondeurs d'opinion estiment donc que dimanche prochain, il faut s'attendre à un rassemblement important autour des "forces politiques plus malléables", dont fait partie Syriza, qui est entré dans le pôle des décideurs de l'avenir du pays.

En s’éloigant de leurs positions précédentes, les petits partis politiques vont encourager une vague de migration des électeurs vers les partis majoritaires. Dans le même temps, une vague d’”échange d’électeurs” entre partis dits extrêmistes va avoir lieu, rendant difficile leur entrée au Parlement. "Jeudi dernier, on pensait encore que le parti le plus vulnérable était celui des Grecs indépendants. Maintenant Aube Dorée l'est aussi, car il faut le distinguer de son électorat", estime un expert.

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