Montage: Presseurop

Le mauvais goût institutionnalisé

Bruxelles communique beaucoup, mais mal. Sur internet, dans les brochures ou les logos, les institutions européennes semblent incapables de faire preuve d’imagination. Il est temps de faire confiance aux créatifs, implore un journaliste néerlandais.

Publié le 2 février 2010 à 15:31
Montage: Presseurop

La Direction générale de l’agriculture de la Commission européenne souhaite introduire en juillet un nouveau logo obligatoire sur tous les produits biologiques préemballés dans l’Union européenne. Au lieu de confier ce genre de mission à un graphiste professionnel, un concours a été lancé parmi les étudiants européens en graphisme. Trois types de design, plus insipides et insignifiants les uns que les autres, ont été retenus parmi 3 422 présentations.

Ce manque de créativité illustre parfaitement l’ensemble de la politique de communication menée par l’Union européenne. L’année européenne de la créativité et de l’innovation qui vient de s'écouler n'y a rien changé. Tout ce à quoi les institutions de l'UE ont recours pour se présenter au monde extérieur est d'une nullité pitoyable. La qualité visuelle des sites web du Conseil, de la Commission et du Parlement européens est tellement médiocre qu’ils ne suscitent guère d’enthousiasme pour l’idéal européen [fin janvier, europa.eu, le portail de l’UE a été redessiné et simplifié]. Il en va de même des innombrables brochures publiées pour les centres d’information de l’UE dans les différents Etats membres - celui de La Haye ressemble aux locaux d’une compagnie d’assurances - et des campagnes d’information.

Attirer des professionnels de la communication

Bruxelles reconnaît toutefois ce "déficit iconographique" déjà évoqué en 2004 par l’architecte Rem Koolhaas. Après le rejet de la Constitution européenne par les Français et les Néerlandais [en 2005], la Commission s’est dotée d'un commissaire chargé de la Communication. Pour rétablir le contact avec le citoyen, Margot Wallström a lancé des plans d'action et des programmes pilotes, comme le Plan D, pour Démocratie, Dialogue et Débat, et [le site participatif] Debate Europe. Il ressort d’une évaluation récente que quasiment aucun des objectifs des deux programmes n’a été atteint. Ceci n’a rien d’étonnant. La commissaire Wallström aurait mieux fait de se faire conseiller par les meilleurs experts européens en communication et en design, des professionnels qui savent comment capter l’attention du public et nous convaincre d’embrasser l’Europe.

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Car il y a toujours quantité de raisons pour l’embrasser. La paix, la prospérité et la sécurité ne vont pas de soi, mais elles sont bel et bien l'œuvre de l'UE. Pour que les grands créatifs européens s’engagent, les institutions européennes devraient modifier leurs procédures de sélection pour leurs missions de communication. Les procédures d’appels d’offre sont souvent trop limitatives et trop complexes pour intéresser les sociétés réellement créatives. D’autant que l’UE, en tant que projet majoritairement idéaliste, a toutes les raisons de se présenter différemment que d’autres gouvernements et organisations supranationales.

Une idée pour le Parlement européen

Bien sûr, des alternatives existent. Pourquoi ne pas demander à un groupe de créatifs européens de faire des propositions sur l’orientation que pourraient prendre les institutions européennes en matière de communication ? Nous sommes tous des Européens, réunis au sein d'une collaboration européenne dont chacun profite, mais dont nous sommes également tous responsables. C’est pourquoi chaque Européen a le devoir de proposer de multiples idées créatives pour une Europe meilleure.

En voici déjà une pour le Parlement européen : plutôt que d’investir dans des cadeaux publicitaires protocolaires, mieux vaudrait charger un écrivain européen, chaque fois différent, d’écrire une nouvelle autour de l’idée européenne. Il y aurait une édition spéciale pour les dirigeants, et les autres Européens pourraient se procurer ce petit livre prestigieux à un prix abordable dans les librairies. Accompagnée d'une campagne publicitaire adéquate, la publication de cette nouvelle européenne pourrait ainsi devenir un événement annuel qui inspirerait vraiment les Européens.

GRAPHISME

Les Polonais affichent leur talent

“Le monde vibre de nouveau au rythme des graphistes polonais”, se réjouit Polska. Le quotidien de Varsovie célèbre la réussite de Maria Milenko, étudiante en troisième année des Beaux Arts de l’Université de Poznan, qui a remporté un concours d’affiches internationales. Milenko a terminé première dans une compétition rassemblant 1 700 concurrents, avec une œuvre intitulée "J’aime l’Europe", destinée à promouvoir le "Jour de l’Europe 2010". Imprimée en milliers d’exemplaires, elle devrait être affichée d’ici le 9 mai dans "tous les lieux importants des 17 Etats-membres de l’UE". Comme le souligne Polska, ce que l’on appelle "l’école polonaise" est depuis des décennies à l’avant-garde des concepteurs d’affiches internationaux. Cela remonte à 1948, quand Henryk Tomaszewski avait décroché un prix important à l’Exposition internationale des affiches de film à Vienne. L’art polonais de l’affiche est apprécié pour sa sobriété, son humour et son lettrage novateur. Du temps du communisme, ce fut l’un des rares moyens d’expression qui permit à la culture polonaise de rester présente sur le plan international.

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