Un touriste allemand se baigne à Deerfield Beach, en Floride (Etats-Unis).

Les Allemands ne sont plus accros au travail

De nombreux pays, parmi lesquels le Royaume-Uni, considèrent que les Allemands travaillent dur. Ce mythe appartient pourtant au passé, écrit le Guardian.

Publié le 21 mars 2012 à 16:39
Un touriste allemand se baigne à Deerfield Beach, en Floride (Etats-Unis).

Commençons par la bonne nouvelle : les Anglais ont peut-être enfin tourné la page de la guerre. Selon un sondage publié la semaine dernière, les Britanniques associeraient de moins en moins les Allemands à de sinistres personnages marchant au pas de l'oie.

S’ils sont encore majoritairement sceptiques quant à l'avenir de l'Union européenne et au rôle de l'Allemagne en son sein, les Anglais semblent désormais avoir un certain faible pour la façon dont les Allemands dirigent leur pays : qu'il s'agisse des responsables politiques, des banques, des écoles ou des hôpitaux, le modèle allemand est généralement mieux perçu que son équivalent anglais.

A vrai dire, l'Allemagne est aujourd'hui le deuxième pays le plus admiré au Royaume-Uni, après la Suède et avant les Etats-Unis. Les Britanniques considèrent désormais les Allemands comme des "travailleurs zélés", ce qui est assez ironique quand on sait que c'est précisément cet acharnement au travail qui les rendait si détestables aux yeux de tous auparavant.

40 jours de repos par an contre 33 chez les Grecs

En 1906, le sociologue Max Scheler mettait en effet le sentiment d'antipathie général vis-à-vis des Allemands sur le compte de leur "pure joie pour le travail lui-même, sans but, sans raison, sans fin". Un autre sociologue, Max Weber, inventa même une formule - "l'éthique protestante du travail"- pour caractériser l'aura quasi religieux du travail dans ce pays.

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Aujourd'hui l'Allemagne incarne plus que jamais cet idéal: à compter de ce dimanche, deux de ses plus hauts responsables seront issus de familles protestantes. Angela Merkel est fille d'un pasteur luthérien et le nouveau président de la république fédérale est lui-même pasteur.

Passons maintenant à la mauvaise nouvelle: il semble que les Britanniques se soient débarrassés d'une vision de l'Allemagne périmée depuis un demi-siècle pour la remplacer par un stéréotype encore plus ancien. Les Allemands ne travaillent pas plus que les Anglais. En fait, ils travaillent même de moins en moins.

D'après une étude de 2010 sur le nombre de congés en Europe, l'Allemagne serait en tête avec 40 jours de repos par an, contre seulement 33 chez ces "fainéants" de Grecs. A l'heure du travail flexible et des BlackBerry, il est certes difficile de tenir un décompte exact des heures de travail mais aucune étude récente sur le sujet ne place l'Allemagne avant le Royaume-Uni où les employés de bureau fournissent 43,6 heures de travail par semaine par rapport aux 40,3 heures de la moyenne européenne.

Ce que les médias britanniques n’ont pas soulevé, c'est que l'Allemagne a récemment ouvert un débat national sur le "syndrome du burnout", c'est-à-dire l'épuisement au travail.

Au cours des six dernières années, plusieurs personnalités politiques, responsables ou entraîneurs d'équipes de football ont en effet démissionné de leur poste pour cause de stress excessif. Le mois dernier lors de leur conférence annuelle, même les évêques catholiques du pays se sont plaints de leur trop plein de travail. On se demande ce qu'aurait dit Max Weber de tout cela.

Pourquoi les Anglais continuent-ils à trimer ?

Une récente étude indique que peu de psychiatres parviennent à définir précisément ce syndrome en termes médicaux mais cela n'en fait toutefois pas une névrose spécifiquement germanique. Cela signifie peut-être seulement que l'Allemagne préfigure ce que sera le travail dans ce 21e siècle caractérisé par le Wi-Fi .

Dans une Angleterre qui turbine, lorsque le directeur général de Lloyds, Antonio Horta-Osario, prend six semaines de repos pour épuisement, la presse se moque de sa "mystérieuse maladie".

Il serait néanmoins intéressant de se demander s'il existe vraiment un concept allemand du travail. Dans son histoire du sidérurgiste prussien et marchand d’armes Krupp, Harold James écrit que pour son fondateur, Alfred Krupp, le secret de l'éthique protestante du travail résidait peut-être moins dans l'accumulation des heures que dans le fait de donner du sens à son travail. "L'objectif de tout travail doit être le bien commun, affirmait l'industriel. Alors, le travail devient une bénédiction, une prière".

La récente décision du groupe Volkswagen de déconnecter les BlackBerry de ses employés en dehors du bureau est peut-être le signe que cet idéal vit toujours.

Se pourrait-il que l'amour des Anglais pour le zèle au travail des Allemands en dise plus sur les angoisses des Britanniques que sur la réussite allemande? Si les Allemands travaillent sans excès, en y prenant du plaisir et en parvenant toujours à rester la première puissance économique européenne, pourquoi les Anglais continuent-ils à trimer ainsi?

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