Des bijoux contrefaits, dans un magasin de Jakarta, Indonesie.

Les bienfaits de la contrefaçon

La contrefaçon ne se fait pas seulement au bénéfice de certains consommateurs. Les marques copiées en tirent elles-mêmes profit, estime un rapport financé par l'Union européenne.

Publié le 3 septembre 2010 à 14:02
Des bijoux contrefaits, dans un magasin de Jakarta, Indonesie.

Les sacs Louis Vuitton et les montres Rolex achetés à l’étranger pour une bouchée de pain donnent souvent mauvaise conscience aux acheteurs. Si les vacanciers sont ravis d’avoir fait une bonne affaire, ils ont souvent peur d’avoir acheté un produit de mauvaise qualité, d’avoir outrepassé les limites de la légalité et engraissé le grand banditisme.

Mais apparemment, ces inquiétudes n’ont pas lieu d’être. Un nouveau rapport financé par l’UE donne même carte blanche aux vacanciers pour leurs achats. Selon cette étude, rédigée en partie par un conseiller du Home Office [le ministère de l'Intérieur britannique], les consommateurs et le marché du luxe ont en revanche tout à gagner.

Ainsi, les pertes liées à la contrefaçon pour l’industrie du luxe seraient complètement surestimées – puisque la plupart des gens qui achètent des contrefaçons n’auraient jamais les moyens de se payer les originaux – et ces marchandises prohibées seraient même une bonne opération de marketing.

La police ne devrait pas perdre son temps à lutter contre ce trafic

D’après ce rapport, la police ne doit pas perdre son temps à essayer d’enrayer ce trafic. En effet, l'étude bat en brèche l’affirmation selon laquelle la contrefaçon financerait le terrorisme et le grand banditisme. L’opinion publique, rappelle les rapporteurs, n’est d'ailleurs guère favorable à un renforcement de la répression puisque les consommateurs sont les premiers à profiter de ce commerce illégal, qui rapporterait 1,3 milliard de livres [1,5 milliard d'euros] chaque année au Royaume-Uni.

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Pour le professeur David Wall, co-auteur du rapport et conseiller du gouvernement en matière de criminalité, la valeur du préjudice subi par le secteur du luxe est largement surestimée : les pertes s’élèveraient en fait à un cinquième des estimations actuelles. “Voire peut-être moins", dit-il. "D'ailleurs, selon certains éléments, la contrefaçon profiterait aux grandes marques en raccourcissant notamment le cycle de vie d’un produit et en augmentant la sensibilité des gens aux marques. Ce qui est vraiment préoccupant en revanche, c’est la contrefaçon de médicaments, des pièces détachées pour les avions et toutes ces choses qui peuvent vraiment causer du tort aux consommateurs. Alors que les restrictions budgétaires affectent également la police, et qu’on leur demande toujours d’en faire plus, la lutte contre la criminalité devrait avoir d’autres priorités", explique-t-il.

1 000 euros d'amende pour un sac acheté 7 euros

Si les autorités britanniques traquent les trafiquants de contrefaçons, le gouvernement a décidé de ne pas pénaliser les consommateurs. Ce qui n’est pas le cas partout. En France par exemple, l’achat de contrefaçons est puni d’une amende pouvant aller jusqu’à 300 000 euros ou de trois années d’emprisonnement. Cet été, en Italie, lors d’un coup de filet, un touriste a été condamné à verser une amende de 1 000 euros pour avoir acheté un faux sac Vuitton pour 7 euros près de Venise.

Selon le rapport, près de 3 millions de personnes achètent chaque année des marchandises estampillées Louis Vuitton, Yves Saint Laurent, Burberry ou Gucci. Un tiers des ventes se font par Internet. Pour David Wall, les consommateurs ne sont pas dupes : "Je reviens de Corfou. Il y avait des montres Breitling à 10 euros. Il faudrait être fou pour croire que ce sont des vraies."

La qualité a été nettement améliorée, ajoute le rapport destiné auBritish Journal of Criminology. Le document conclut que “l’opinion publique n’est pas favorable à l’affectation de fonds publics à la surveillance et à la poursuite des auteurs et des fabricants de ce type de contrefaçons” ; et avance que c’est à l’industrie du luxe et non à la police de faire ce travail.

La police et les grandes marques de luxe ne sont toutefois pas convaincues. "La vente de contrefaçons est un délit grave dont les bénéfices financent des organisations criminelles aux dépens des consommateurs, des entreprises et des gouvernements", déclare un porte-parole de Louis Vuitton. Même son de cloche chez Burberry : la contrefaçon n’est pas à prendre à la légère. Quand un cas de contrefaçon est avéré, Burberry se prononce toujours en faveur de la peine maximale, a déclaré un représentant de la marque. Pour l’association des commissaires de police, la contrefaçon n’est “pas un délit sans victimes.” Les entreprises, les particuliers et les contribuables ont tous, selon son porte-parole, à en subir les conséquences.

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