Des ouvriers chinois suivent une formation avant de partir sur un chantier, à Hefei (Chine) . (AFP).

Les bonnes affaires de Pékin

La présence chinoise se renforce en Europe, notamment dans les pays de l'est du continent, fortement endettés. Ce nouveau partenariat économique ne se résume pas qu'à de gros contrats dans le domaine des travaux publics, remarque le Handelsblatt. L'Empire du milieu monnaye aussi son l'influence politique.

Publié le 23 septembre 2009 à 10:40
Des ouvriers chinois suivent une formation avant de partir sur un chantier, à Hefei (Chine) . (AFP).

Si en Afrique et en Amérique latine, l'implantation des entreprises chinoises leur a permis d'exploiter les matières premières de ces continents, en Europe, les Chinois comptent faire valoir leur savoir-faire en matière de grandes infrastructures à des prix imbattables et à la barbe des réformes budgétaires négociées entre les Etats et le FMI. En Europe, les grands groupes nationaux chinois attaquent par la périphérie : le gouvernement de Pékin a déjà conclu des accords "stratégiques" avec la Moldavie et la Serbie. Dans ce cadre, la Chine doit attribuer un crédit préférentiel d’un milliard de dollars [680 millions d'euros] à la Moldavie, en contrepartie duquel le plus grand groupe de construction chinois, China Overseas Engineering Group (Covec), doit recevoir d’énormes commandes publiques.

En Afrique, en Asie et en Amérique latine, la Chine avait déjà acheté, pour des milliards, un accès aux matières premières locales et aux grands projets d’infrastructures. Cette pratique a fait l'objet de critiques répétées de la part des hommes politiques locaux et des agences d’aide au développement. Ceux-ci reprochent au "néocolonialisme chinois" d'avoir mis entre parenthèses à coups de crédits, sans conditions, les réformes économiques, sociales et politiques que nombre de responsables occidentaux considéraient comme urgentes et nécessaires. En contrepartie de l'aide chinoise, des pays comme la Macédoine et le Costa Rica ont dû interrompre leurs relations avec Taïwan, dont la Chine se refuse à reconnaître l'indépendance.

Taiwan et le Kosovo au coeur du partenariat sino-serbe

En Europe, la Chine poursuit donc son expansion. Depuis l’accord de collaboration stratégique passé entre le président serbe Boris Tadic et le chef de l’Etat chinois Hu Jintao, les deux parties discutent désormais d’un crédit préférentiel accordé par la Chine en vue de la construction d’un pont sur le Danube et de route, pour un montant total de 200 millions d’euros, ainsi que de l’extension de plusieurs ports, de la création d’une zone économique spéciale et de projets d’armement. Au fil de cette coopération, il a également été convenu que la Chine ne reconnaîtrait pas le Kosovo, la province sécessionniste de la Serbie, et que, de son côté, la Serbie en ferait de même pour Taïwan. "La Chine devient une puissance de premier plan dans l’économie mondiale. Un partenariat stratégique avec un tel pays est donc judicieux", a affirmé Tadic après la signature du contrat. En revanche, l'opposant Dusan Prorokovic, a critiqué cet accord, car il sera à l'origine d'un "endettement inadmissible".

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi

En Ukraine aussi, la Chine négocie l’octroi de crédits avantageux, alors que le parti du Premier ministre Ioulia Timochenko discute de la mise en place d'une coopération avec le Parti communiste chinois. Comme en Serbie, les crédits préférentiels accordés par Pékin posent problème, car ces pays venaient de signer avec le FMI des programmes d’aide portant sur plusieurs milliards, pour lesquels ils devaient présenter un plan d'économies budgetaires. A ce sujet, Volker Perthes, le chef de la Stiftung für Wissenschaft und Politik (Fondation pour la science et la poltique, SWP) estime que que "de telles avancées sapent le FMI", ajoutant que la Chine, "comme elle l’a déjà fait en Afrique", attribue des crédits importants à des conditions économiquement non rationnelles et que cela rend "le travail du FMI, de la Banque mondiale et des aides au développement plus difficile".

Prix défiant toute concurrence occidentale

En Pologne, le groupe de construction Covec fait du dumping pour tenter de s'imposer sur le marché de la construction de routes, qui s’élèvera à environ 40 milliards d’euros d’ici le Championnat d’Europe de football en 2012. Covec a ainsi déjà remporté ses deux premiers appels d’offres pour la construction d’autoroutes dans l'UE. Il s’agit de tronçons de la nouvelle autoroute A2, qui relie Varsovie à Lodz. Le groupe public chinois a décroché les contrats face à des concurrents occidentaux renommés, car le prix au kilomètre proposé - entre 6,3 et 6,5 millions d’euros - était de 60% inférieur au prix de l’appel d’offres et nettement moins élevé que la proposition faite par les groupes de construction polonais PBG et irlandais SRB Civil Engineering. A Varsovie, on se demande comment Covec pourra maintenir le prix convenu et s'il a l'intention d'importer de la main d’œuvre chinoise bon marché, comme c’est le cas dans les projets chinois en Afrique.

UNION EUROPÉENNE

Après le plombier polonais, l'investisseur chinois

Quel avenir pour les relations commerciales entre l'Europe et la Chine ? La presse européenne semble se résigner à l'inéluctable domination de l'empire du Milieu. Les archétypes du "plombier polonais" ou du proxénète d'Europe de l'est vont bientôt être supplantés par la figure de l'investisseur chinois,ironise Lidové Noviny. "Il y a trente ans, le 'made in Chine' était une rareté, synonyme de balle de ping-pong ou de stylo. Aujourd'hui on ne connait rien d'autre", écrit le quotidien tchèque. Le récent succès du consortium chinois qui construira l'autoroute entre Lodz et Varsovie ne se fonde que sur son offre concurrentielle. "Si les Européens ne sont pas contents, ils n'ont qu'à s'aligner sur les petits prix chinois".

Néanmoins, d'après le correspondant à Pékin du Daily Telegraph, cela est peu probable. VU de Chine, "l'Europe est une entité de plus en plus divisée et affaiblie, incapable de négocier d'une seule voix et qui risque d'être vite éclipsée par les relations de plus en plus étroites entre la Chine et les Etats-Unis." Les tensions avec l'UE sur les droits de l'homme et de la question du protectionnisme a poussé Pékin à établir des "négociations au cas par cas, de pays à pays" et "à établir un dialogue stratégique et économique avec le Royaume-Uni, relation que, désormais, la France et l'Allemagne leur envient." La ratification du traité de Lisbonne, qui prévoit la création d'un Haut représentant de l'Union pour les affaires extérieures, pourrait néanmoins "sauver l'Europe de cette marginalisation". Contrecarrant le G2 Etats-Unis/UE, l'Europe pourrait devenir "l'indispensable troisième homme du nouveau monde multipolaire".

Tags
Cet article vous a intéressé ? Nous en sommes très heureux ! Il est en accès libre, car nous pensons qu’une information libre et indépendante est essentielle pour la démocratie. Mais ce droit n’est pas garanti pour toujours et l’indépendance a un coût. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à publier une information indépendante et multilingue à destination de tous les Européens. Découvrez nos offres d’abonnement et leurs avantages exclusifs, et devenez membre dès à présent de notre communauté !

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez le journalisme européen indépendant

La démocratie européenne a besoin de médias indépendants. Rejoignez notre communauté !

sur le même sujet