The Guardian, qui a publié une partie de nos "Regards sur l'Europe" , a également demandé au prix Nobel de littérature Orhan Pamukde contribuer à cette série.
L'écrivain turc explique que "le rêve d'une Europe de conte de fées, si puissant à une époque que même nos penseurs et politiciens les plus anti-occidentaux y croyaient secrètement, s'est aujourd'hui dissipé. Peut-être est-ce parce que la Turquie n'est plus aussi pauvre qu'avant. Ou parce qu'elle n'est plus une société rurale gouvernée par son armée, mais une nation dynamique avec une société civile forte. Bien sûr, il y a aussi eu ces dernières années le ralentissement des négociations entre la Turquie et l'Union européenne, sans issue en vue. On ne trouve ni d'un côté ni de l'autre le moindre espoir réaliste que la Turquie rejoindra l'Europe dans un avenir proche. Admettre que l'on a perdu cet espoir serait aussi catastrophique qu'une rupture complète des relations avec l'Europe, alors personne n'ose le dire."
A son sens, plusieurs raisons expliquent la déception de la Turquie et des autres pays non-occidentaux, l'implication européenne dans la guerre d'Irak en tête. L'attitude de la France face à l'éventuelle intégration turque explique vient également expliquer la désillusion : "au cours du siècle dernier, plusieurs générations successives de l'élite turque ont fidèlement pris la France pour modèle, se nourrissant de sa conception du laïcisme et l'imitant dans les domaines de l'éducation, la littérature et l'art… Alors lorsque la Turquie a vu, ces cinq dernières années, que la France était en fait le pays le plus farouchement opposé à l'idée de son intégration en Europe, elle en a éprouvé une désillusion qui lui a brisé le cœur. "
Pamuk poursuit : "Il est clair que les peuples européens ont beaucoup moins d'expérience que les Américains pour ce qui est de vivre avec des gens dont la religion, la couleur de peau ou l'identité culturelle sont différentes de celles que l'on a, et que cette perspective ne les enthousiasme guère. Et cette résistance rend les problèmes internes de l'Europe encore plus difficiles à résoudre. Le récent débat en Allemagne sur l'intégration et le multiculturalisme est une bonne illustration de cela."
Evoquant ses souvenirs d'enfance, parmi lesquels les paquets de Gauloises "que, d'après nous, fumaient tous les intellectuels et artistes français étaient écrits les mots 'Liberté, égalité, fraternité'", Pamuk conclut : "si l'Europe veut se protéger, ne vaudrait-il pas mieux, au lieu de se replier sur elle-même, qu'elle se souvienne de ses valeurs fondamentales, ces valeurs qui ont fait d'elle autrefois un centre de gravité pour tous les intellectuels du monde ? "
Lire l'intégralité de l'article en anglais sur le site du Guardian
Cet article est paru également en espagnol dans El País.
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