La crise des réfugiés vue de Roumanie

“Les migrants ne sont pas pareils à ceux qui fuyaient le communisme”

Publié le 14 septembre 2015 à 22:15

Comme dans la plupart des pays européens, en Roumanie aussi l’opinion publique est divisée sur l’accueil des réfugiés provenant du Moyen-Orient. Le débat porte souvent sur la comparaison entre les Roumains qui ont fui le communisme ou ceux qui ont quitté le pays après la chute du régime de Nicolae Ceaușescu, en 1989, et les migrants actuels.

Selon le politologue Sorin Bocancea, la comparaison n’est toutefois pas correcte, car dans les premiers cas, il s’agissait plutôt de personnes qui partaient vers l’Europe individuellement, et non par vagues entières comme c’est le cas des réfugiés actuels. Dans les colonnes d’Adevărul, Bocancea souligne qu’en fait, ce ce n’est pas la paix qu’ils cherchent, mais des conditions de vie meilleures :

Un réfugié cherche l’endroit le plus proche où il y a la paix. Pourquoi dans ce cas les actuels migrants ne s’arrêtent-ils pas dans le premier pays en paix ? La paix de l’Allemagne est-elle meilleure que celle de la Turquie ? […] La paix est la paix n’importe où. Ah, les conditions de vie sont différentes ! Mais ils prétendent ne pas être des migrants économiques, mais des réfugiés. Et les réfugiés sont des chercheurs de paix et non pas des chercheurs de trésors.

De plus, explique Bocancea, les émigrants roumains ne se sont pas organisés en groupes exprimant des revendications et ils étaient facilement “intégrables” dans les pays hôtes :

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Les émigrants roumains n’exigeaient pas de se rendre dans un certain pays, comme on le crie aujourd’hui dans les gares, mais ils voulaient aller dans un pays démocratique. […] Les Roumains qui ont émigré après 1989 n’ont pas forcé les barrières de barbelés, mais ils ont attendu des permis de travail.

Tout en reconnaissant l’impact dévastateur des images d’enfants morts noyés, le politologue conclut en précisant qu’il ne faut pas oublier les parents :

Quelle protection offrent-t-ils à leurs enfants, en partant à de milliers de kilomètres de distance du premier pays où il y a la paix ? Quelle protection offre un migrant qui fait monter son enfant dans un bateau plein à ras bord ou le dépose sur les rails pour forcer la main des autorités ? Pourquoi les humanistes radicaux ne pointent pas du doigt l’irresponsabilité de ces gens ? Les migrants aussi peuvent être irresponsables.

Sur le front opposé, la jeune écrivaine et bloggeuse Daniela Raţiu souligne dans le même journal qu’il est temps d’affronter tout ce dont on a pensé jusqu’ici que cela ne regardait pas les Roumains :

L’Europe se trouve confrontée avec tout ce qu’elle a raconté être. Comment a-t-on bâti nos sociétés, comment aime-t-on se penser, comment veut-on être regardés en tant que porteurs d’une civilisation. […] Les images qui passent en boucle sur toutes les télés du monde ont quelque chose de biblique. L’Europe a perdu son empathie, elle s’est enfermée entre ses murs, avec ses voitures de luxe, ses autoroutes, ses institutions aux noms pompeux, avec sa vie toujours meilleure, à crédit, mais agréable, malgré la crise économique, qui, dans le nouveau contexte des réfugiés semble être le cadet de ses soucis. Cette rupture s’est exprimée au mieux avec la disproportion entre l’émotion éprouvée après les attentats contre Charlie Hebdo et le manque total d’émotion et de réaction publique, politique et même militaire après que des attentats ont eu lieu non pas dans la civilisée Europe, mais ailleurs, et des femmes et des enfants sont morts et des malheureux réfugiés se sont noyés. A ce moment là, les Européens sont restés chez eux, dînant dans de bons restaurants ou passant leurs vacances au soleil. Pour les victimes des attentats ailleurs qu’en Europe, personne n’est descendu dans la rue. Parce que l’Europe est devenue égoïste, parce que nous seulement sommes des gens, alors que les autres, ce sont des abstractions.

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