Idées Emmanuel Macron face aux législatives

L’essai reste encore à transformer

Emmanuel Macron a franchi une première étape en se faisant élire à la présidence de la République. Mais pour gouverner, il lui faut obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. Un véritable casse-tête se présente à lui avant le scrutin des 11 et 18 juin.

Publié le 17 mai 2017 à 20:14

Certains estiment déjà que la France s’est convertie au macronisme qui règnera sur l’Hexagone au cours des cinq prochaines années. Il est vrai que les Français aiment s’enorgueillir de leur régime semi-présidentiel, unique au monde, qui confère davantage de pouvoir au président de la République qu’à tous les autres chefs d’Etat ou de gouvernement des pays membres de l’UE (le chef de l’Etat ne remplissant qu’une fonction symbolique ou de garant de la souveraineté populaire dans la plupart des autres pays européens). Mais si le système est qualifié de « semi » présidentiel, c’est bien pour une raison : Emmanuel Macron ne pourra gouverner que s’il a une majorité au Parlement après les élections législatives qui se tiendront les 11 et 18 juin. Dans le cas contraire, il se cantonnera à la politique étrangère (son “pré carré”) et ce sont les députés qui décideront de la couleur du gouvernement.

Avec un mode de scrutin proportionnel, aucun parti n’aurait de majorité

Or, il n’est pas du tout évident que la République En Marche (LREM) obtienne la moitié plus un des sièges à l’Assemblée nationale, loin s’en faut. En fait, si le résultat du scrutin était le même qu’à la présidentielle et si la France avait un mode de scrutin proportionnel (promis par François Hollande en 2012) et dans une certaine mesure par Nicolas Sarkozy), la répartition des sièges aurait été la suivante :

On voit donc très clairement que quatre grands blocs se dessineraient. Selon les premiers sondages effectués depuis l’élection de Macron, la République En Marche a des chances de recueillir le plus de suffrages aux législatives. Mais tout dépendra de la capacité du président de la République à rassembler, des fissures commençant déjà à apparaître. Le centriste François Bayrou (Modem), seul chef de parti s’étant allié à Emmanuel Macron (et nommé ministre de la Justice), a déjà eu le temps de dénoncer un "recyclage d’anciens du Parti socialiste" lors de la présentation des candidats aux législatives avant de se raviser. La nomination d’Edouard Philippe (Les Républicains, droite) peut susciter des espoirs, mais également créer des tensions au sein du mouvement du nouveau chef de l’Etat.

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Les Républicains (LR) se sont déjà laissés “voler” la présidence (qui semblait acquise à François Fillon à quelques mois du scrutin) et celui qui est devenu le Premier ministre, mais ils ne voudront certainement pas s’avouer vaincus avant les législatives. Les Français portent un jugement cinglant sur le quinquennat de François Hollande et il semblerait donc logique qu’ils choisissent l’alternance, définie comme étant la prise de pouvoir de la droite après un échec de la gauche, comme ils l’ont toujours fait. S’ils n’ont pas accordé leur confiance à François Fillon, c’est en raison des nombreux scandales qui entouraient sa personne, et non de son programme. Le candidat malheureux à la présidentielle ayant été écarté, la droite compte sur un nouvel élan. Seulement voilà, les électeurs ne veulent peut-être plus de cette « logique » qui a agencé la vie politique française au cours des 40 dernières années. Ils réclament un renouvellement.

Le tribun de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise, LFI), rêve d’insuffler ce renouvellement. Certes, il a occupé des postes ministériels et il n’est pas un novice en politique mais sa méthode est révolutionnaire. Avec ses hologrammes qui lui permettent de se dédoubler lors de ses meetings, ses jeux vidéo éducatifs, sa chaîne Youtube et ses plateformes de débats politiques en ligne, il incarne la politique 4.0 dans l’air du temps.

Que dire des chances du Front national ? Il est sûr qu’en confiant les rênes du gouvernement à un homme politique de droite, Emmanuel Macron a alimenté le mantra de Marine Le Pen qui peut reprendre sa formule de l’ “UMPS” (selon laquelle il existerait une connivence entre les membres de l’ancien UMP, aujourd’hui Les Républicains, et le PS, dont Macron serait l’héritier).

Le PS (Parti socialiste), lui, navigue à vue, sans capitaine, et pourrait bien sombrer. Benoît Hamon, qui a défendu ses couleurs à la présidentielle, annonce déjà qu’il créera son propre mouvement après les législatives. Manuel Valls, son contre-candidat lors de la primaire de la gauche, a quitté le navire et veut s’inscrire dans la « majorité présidentielle ». Mais il ne faudrait pas enterrer le parti avant l’heure. Il a une histoire plus que centenaire et François Fillon, que l’on ne peut pas soupçonner de complaisance avec les socialistes, avaient prédit pendant la campagne que le PS, bien ancré dans le terrain, ferait un bien meilleur score que LREM lors de l’élection des députés.

Tout dépendra des alliances de l’entre-deux-tours

Le mode de scrutin majoritaire (basé sur l’élection d’un député par circonscription), souvent critiqué, présente un avantage indéniable : celui de dégager une majorité claire à l’Assemblée nationale. Mais les élections législatives de 2017 sont uniques en leur genre : à un mois du rendez-vous électoral, le suspense reste entier et de nombreux scénarios peuvent être envisagés. En cause, le système à deux tours et les aléas des alliances entre appareils. En effet, alors qu’un scrutin majoritaire à un tour (à l’anglaise) aurait peut-être donné une majorité au parti de l’un des quatre grands candidats de la présidentielle, l’existence du second tour change complètement la donne et nécessite des stratégies visant à ménager les adversaires d’aujourd’hui qui deviendront les partenaires de demain. Il convient donc de poser trois questions :

1.Le front républicain prévaudra-t-il ?
Le front républicain, qui rassemblait toutes les forces du pays contre le Front national, ne fera peut-être pas l’unanimité. Tout d’abord, cette idée d’alliance a toujours été récusée par certains ténors de la formation gaulliste. En outre, il reste à prouver que la France Insoumise préfèrera se ranger derrière le candidat des Républicains ou de LREM dans une circonscription pour contrer l’extrême droite plutôt que d’appeler à voter blanc. Le centre-droit et les macronistes ne seront peut-être pas plus enclins à soutenir un candidat du mouvement de Mélenchon.
Or, la loi électorale française autorise plus de deux candidats à se maintenir au second tour, à condition qu’ils recueillent 12,5 % des suffrages. On pourrait donc avoir affaire à des triangulaires LFI-LREM-FN, voire des quadrangulaires LFI-LREM-LR-FN. Les désistements entre « démocrates » viendront minorer le score du FN au second tour et leurs querelles feront au contraire le jeu de Marine Le Pen.

2.Le PS penchera-t-il du côté de LREM ou de LFI ?
Bonne nouvelle pour le Parti socialiste ! Il a touché le fond, il ne peut donc plus que rebondir. Quel que soit son score, il semble condamné à faire mieux qu’à la présidentielle. Mais le parti du centre-gauche fera-t-il le choix du parti du centre (LREM) ou de l’extrême gauche (LFI), tous deux dirigés par d’anciens socialistes ? Paradoxalement, son poids relativement faible lui donne un rôle d’arbitre qui peut faire pencher la balance. Ses candidats risquent de se faire courtiser entre le 12 et le 19 juin.

3.Quid des affrontements atypiques ?
Après l’élimination des candidats des deux anciens grands partis de la course à la magistrature suprême, rien ne nous surprendra. Des duels du type FN-LFI, PS-LREM ou FN-LR ne sont pas à exclure et les décisions se feront donc au cas par cas.

S’il y a une certitude donc, c’est qu’il est impossible de prévoir l’issue de ce scrutin. Le nombre de variables est tellement important qu’à moins d’avoir une boule de cristal personne ne peut se targuer de savoir quel avenir attend la France. C’est ce qui rend sa vie politique actuelle passionnante, après des années d’inertie.

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