L'Ulus meydani, la place de la Nation, à Ankara, Turquie

L’UE, une tête de Turc à la mode

De plus en plus de responsables turcs, portés par la dynamique économique et politique de leur pays, critiquent une Union européenne empêtrée dans la crise. Mais cela ne doit pas compromettre la volonté d’Ankara d’adhérer à l’UE, estime un éditorialiste turc.

Publié le 13 décembre 2011 à 14:35
L'Ulus meydani, la place de la Nation, à Ankara, Turquie

Critiquer l'Union européenne est devenu très tendance ces derniers temps en Turquie. Désormais, ces critiques viennent même de personnalités politiques de haut rang, qu'il s'agisse de ministres ou même du président de la République, qui emboitent désormais le pas de ceux qui s'en prennent très durement à l'Union européenne, voire qui s'en moquent.

Les propos tenus par le président Abdullah Gül lors de sa visite officielle au Royaume-Uni [fin novembre 2011] où il a qualifié l'UE de “miserable” [en anglais dans le texte] illustrent cette nouvelle donne.

C'est dans ce contexte qu’a commencé à se manifester l'inclination à désigner l'UE comme une "organisation qui se disloque et s'effondre". Ceux qui partent de ce postulat concluent qu'une Turquie qui "ne cesse de se renforcer n'a plus besoin d'une Union européenne de toute façon au bord du gouffre".

Un complexe de supériorité

Doit-on conclure de ces propos que la politique de l'Etat turc vis-à-vis de l'UE est en train de changer ? Dès lors que l'UE est une organisation "misérable" sur le point de s'écrouler, pourquoi la Turquie se donnerait-elle encore tant de peine pour en devenir membre ?

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A moins que cet objectif et la vision qui l'accompagne soient en train d'être abandonnés ? Pourquoi une Turquie qui progresse à grandes enjambées vers la prospérité voudrait-elle donc rejoindre un tel club et y jouer une scène des Misérables ?

Nous connaissons tous très bien les raisons qui ont conduit Abdullah Gül à tenir de tels propos. L'attitude très négative que l’UE a adoptée, depuis un certain temps déjà, envers l'adhésion de la Turquie, a provoqué de la déception dans l'opinion turque en général mais aussi parmi les plus fervents partisans de l'UE qui ne cachent plus leur désillusion, leur rancœur et leur désespoir.

Les sérieux soubresauts économiques et sociaux auxquels sont confrontés les Européens alors que nous sommes en pleine ascension économique et politique créent ce genre de sentiment. Dans ce contexte, les reproches adressés à l'Europe sont l'expression d'une confiance en soi qui, d'une certaine manière, a pris la place d'un ancien complexe de persécution.

Mais lorsque cet état d'esprit débouche sur un complexe de supériorité excessif minimisant l'Union européenne, affublée de qualificatifs inappropriés, cela ouvre la voie à une déconsidération du projet européen chez nous, et fournit de nouveaux arguments aux opposants européens à l'adhésion de la Turquie.

L'UE n'est pas encore sur le point de s'effondrer

Certes, l'UE connait aujourd'hui une des périodes les plus difficiles de son histoire. La crise financière a conduit au bord de la faillite, les petits pays faibles, mais aussi ceux réputés pour être riches et avancés. Cela n'est pas sans provoquer des secousses sociales et politiques.

Néanmoins, il est tout aussi vrai que l'Union européenne n'est pas encore sur le point de s'effondrer ou de se dissoudre. Si l'Europe apparaît aujourd'hui comme un être “malheureux” ou “malade”, elle a encore les moyens de se ressaisir et de recouvrer la puissance qui lui fait actuellement défaut.

Les responsables politiques turcs n'ignorent pas cette réalité et sont tout à fait conscients de la philosophie et des valeurs qu'incarnent encore l'Union européenne pour la Turquie.

Par conséquent, l'opinion publique turque ne doit surtout pas interpréter les réactions de ses responsables politiques comme un renoncement au projet européen. Idem pour les dirigeants européens irrités par ces mêmes réactions.

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