Actualité L’Europe et le nouveau président français

Macron réalisera-t-il le rêve de la génération Erasmus?

S’il y a un dirigeant européen qui peut restaurer la foi dans la vision d’une Europe fédérale, c’est le nouveau président français. Mais la tâche est tout sauf facile, note l'éditorialiste Ferdinando Giugliano.

Publié le 17 mai 2017 à 14:56

Il y a un an et demi, j’ai participé, avec une dizaine d’autre journalistes, à un déjeuner à la résidence de l’ambassadeur français à Londres. L’invité d’honneur était Emmanuel Macron, à l’époque ministre de l’Economie, qui avait traversé la Manche pour promouvoir son pays en tant que terre d’investissements pour les banques et les sociétés du high-tech.
Ce qui m’a frappé chez l’homme qui est devenu le 7 mai le plus jeune président de la République française, ce n’était pas tant son ambition démesurée ou son attention presque maniaque pour le détail. C’était son europhilie éhontée, qui allait devenir un an plus tard un des éléments qui ont défini sa campagne présidentielle.
A une époque où le ressentiment contre Bruxelles est en hausse, Macron apparaît comme un voyageur dans le temps, venant de l’époque qui a précédé la crise. A 39 ans, il est le symbole le plus illustre de la “génération Erasmus" — du nom du programme européen d’échanges universitaires. Ces anciens étudiants, qui ont aujourd’hui entre 30 et 45 ans et sont devenus des professionnels instruits, ont vu leurs carrières et leurs vies sociales s’épanouir grâce à l’ouverture des frontières. Nombre d’entre eux ont adhéré à l’idéal fédéraliste, dans l’espoir qu’un jour l’UE se transformerait en Etats-Unis d’Europe.
A présent qu’il occupe le poste le plus important de son pays, Macron a la possibilité de transformer en réalité le rêve de cette génération. Il doit toutefois faire face à deux obstacles : Le premier, c’est de convaincre l’Allemagne à accepter les conséquences d’une plus ample intégration de la zone euro. Le second, c’est d’arrêter la vague d’euroscepticisme qui se fraye un chemin parmi les mêmes jeunes qui regardaient l’UE avec enthousiasme. Ce sont des défis de taille.
S’il y a toutefois quelqu’un qui peut être capable de les relever, c’est Macron. Il souhaite une zone euro intégrée en tant qu’union fiscale, avec un ministre des Finances qui gèrerait un budget commun et répondrait au Parlement européen. Cette idée — sur laquelle de nombreux économistes sont d’accord, est indispensable pour que l’union monétaire survive — est résolument combattue par l’Allemagne. Les dirigeants à Berlin craignent que les Etats les plus faibles de la zone euro utilisent l’argent du contribuable allemand pour financer leurs dépenses supplémentaires, au lieu de tenter d’améliorer leur compétitivité. Lorsque la chancelière allemande Angela Merkel a félicité Macron pour sa victoire, elle lui a également clairement dit qu’elle n’avait aucune intention d’assouplir les règles fiscales strictes de la zone euro.
Heureusement, Macron comprend qu’une union des transferts où les Etats les plus forts soutiennent les plus faibles doit se baser sur le compromis. “Vous ne pouvez pas dire que je suis pour une Europe forte mais que jamais je n’accepterai une union des transferts… ou de réformer mon pays”, nous a-t-il dit lors du déjeuner londonien. Sa modération contraste avec les autres dirigeants européens qui ont juré de réformer l’UE. Matteo Renzi, l’ancien Premier ministre italien, a résisté à l’idée à un droit de regard plus marqué de Bruxelles sur les budgets nationaux, tout en demandant davantage de “flexibilité” budgétaire afin d’augmenter les dépenses courantes — ce qui a peu de chances de rallier les Allemands à son idée.
L’autre test que doit affronter le nouveau président français, c’est de convaincre les jeunes Européens que le rêve de la génération Erasmus mérite d’être réalisé. Macron a remporté avec une marge de 2 à 1 le second tour de la présidentielle, obtenant la majorité des voix dans chacune des catégorie d’âge. Malgré cela, Marine Le Pen, son adversaire eurosceptique, a fait beaucoup mieux chez les jeunes et les 30-50. Un facteur décisif semble avoir été la frustration parmi les jeunes électeurs quant aux emplois mal payés. La même colère à l’origine du succès des autres partis populistes en Europe, à commencer par le Mouvement 5 étoiles en Italie,où le chômage des jeunes atteint 35 %.
Macron pourrait être arrivé juste au bon moment. L’économie de la zone euro bénéficie d’une légère embellie, qui pourrait s’accélérer à présent que les investisseurs n’ont plus à craindre le risque d’un président eurosceptique à l’Elysée. Au fur et à mesure que la croissance se renforce, le chômage des jeunes devrait baisser, ce qui devrait à son tour renforcer le soutien pour l’UE.
Il reste bien sûr de nombreuses raisons faisant craindre que Macron ne parvienne pas à réaliser ne serait-ce qu’une petite partie de son ambitieux programme. Il pourrait ne pas parvenir à obtenir une majorité aux législatives du mois prochain, ce qui briserait son élan réformateur. L’Allemagne pourrait refuser obstinément de le suivre. Une nouvelle crise économique dans un pays comme l’Italie pourrait brusquement stopper la reprise.
Quoi qu’il en soit, s’il y a un moment pour être optimiste quant à l’avenir de la zone euro, c’est maintenant. La génération Erasmus est devenue adulte.

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