Mini pays, maxi influence

De l'appel allemand à l'austérité au projet de référendum britannique sur l’appartenance à l’UE, ce sont toujours les gros Etats membres qui semblent donner le “la” aux orientations européennes. Mais les plus petits se font de plus en plus entendre sur la scène internationale.

Publié le 28 février 2013 à 12:31

A lire les échos du dernier sommet sur le budget européen, on pourrait aisément croire que seuls trois Etats comptent vraiment dans les prises de décisions dans l’Union.
Pourtant, derrière les gros titres, ce sont de plus en plus les “petits” qui font la politique étrangère.
L'European Council for Foreign Relations (ECFR, un groupe de réflexion sur la politique étrangère européenne) a publié son bulletin de notes qui évalue la contribution de tous les acteurs, institutions de l'UE et Etats-membres, à la politique étrangère de l'Europe.
La tendance générale Scorecard 2013 est à une bonne coopération des Etats en la matière : en 2012, le nombre de pays jugés “traînards” sur des questions précises a très sensiblement baissé, et la progression de Chypre, de l'Italie et de la Pologne a été particulièrement frappante. Cependant, le tableau dressé par l'ECFR témoigne aussi d'une prise d'initiative croissante des petits Etats.

Un effet multiplicateur augmenté

Ainsi, tandis que la locomotive jusque-là poussée par les “trois grands” a nettement ralenti l'année dernière, d'intéressantes coalitions d'Etats-membres plus modestes ont joué un rôle clé dans la promotion d'initiatives de politique internationale.
Si l'Allemagne, suivie de près par le Royaume-Uni et la France, émarge toujours en tête du classement des “leaders” en 2012, le moteur franco-allemand n'apparaît guère dans le bilan de l'évolution de la politique étrangère, et le fossé entre les trois grands et les autres s'est réduit.
L'alliance étonnante du Danemark et de l'Irlande s'est révélée essentielle dans l'élaboration d'une position européenne commune sur l'étiquetage des importations venues des colonies israéliennes, avec le soutien tardif du Royaume-Uni, qui ne s'est rallié qu'une fois l'idée lancée.
De leur côté, l'Autriche, l'Estonie et l'Irlande ont apporté des contributions fondamentales, avec des Etats plus grands dont l'Espagne, la Pologne, l'Italie, la France et l'Allemagne, dans le domaine de la politique commune de sécurité et de défense.
Aux Nations unies, le soutien européen à un traité sur le commerce des armes a eu pour fers de lance la France et le Royaume-Uni mais aussi, pour une part importante, la Belgique, la Bulgarie, la Finlande, l'Irlande et la Suède.
Il est incontestable que l'effet multiplicateur joue davantage pour les petits Etats que pour les grands.
Et si certains au Royaume-Uni ont peut-être tort de croire qu'une sortie de l'Union ne se traduirait pas pour Londres par une perte d'influence, c'est en tout état de cause une question que personne ne se poserait à Lisbonne, à Sofia ou à Tallinn.
En somme, les petits pays ont plus intérêt que les autres à chercher à peser sur la politique étrangère de l'UE.

Des raisons d'espérer

Il n'en reste pas moins que quand un Etat membre milite en faveur d'une orientation politique, c'est l'Union dans son ensemble qui en profite.
Quand le ministre des Affaires étrangères bulgare Nikolaï Mladenov a lancé l'idée de faire représenter Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, par un petit groupe de ministres pour des visites au Liban, en Irak et dans le sud du Caucase en 2012, ce front uni qu'il a formé avec ses homologues suédois et polonais Carl Bildt et Radoslaw Sikorski a donné l'image positive d'une UE prête à fédérer ses moyens politiques. De plus, le fait que ce soient des individus qui assument un rôle moteur ajoute à la force d'une action qui, sinon, ne serait apparue que comme un énième mécanisme enclenché par la machinerie diplomatique européenne.
Comme l'a montré la polémique suscitée en Bulgarie au lendemain de l'attentat [anti-israélien] de Burgas, par l'activisme de Mladenov au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, l'engagement en faveur d'une action collective de l'Europe a certes un prix sur la scène nationale, mais le ministre n'a pas relâché ses efforts.
Alors que le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), atteint cette année l'âge de raison, et qu'il doit rendre des comptes aux instances communautaires, il ne fait pas de doute que quelle que soit son évolution, ce nouveau service diplomatique n'aura jamais que la marge de manœuvre que les capitales européennes voudront bien lui accorder.
Or pour l'heure, cette marge de manœuvre est bien trop limitée pour permettre au SEAE d'exercer tous ses rôles potentiels, ou pour réconcilier l'Europe technocratique antérieure au traité de Lisbonne avec l'Europe puissance pilotée par ses Etats-membres.
Cependant, les efforts déployés en 2012 par les petits Etats donnent une raison d'espérer : au fil du temps, la puissance potentielle qu'offre la diversité de l'UE pourra être débloquée, et utilisée pour renforcer le rôle de l'Europe dans le monde.

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